Mauritanie 2019, un pas en avant ou… en arrière ?

28 March, 2019 - 00:49

Il est temps de le dire : sous le régime de Mohamed ould Abdel Aziz, il n'y a pas eu d'opposition en Mauritanie mais, plutôt, des opposants qui se sont révélés incapables de transmettre la flamme à la nouvelle génération. Et l'évaporation du rêve d'un candidat unique de l’opposition est bien assez pour le prouver. Bien que les leaders de l’opposition fassent appel à la démocratisation du pays, le fonctionnement interne de leurs partis reste pour le moins mystérieux.

Autrefois, le problème qui empêchait la démocratie de triompher, en Mauritanie, et qui expliqua le retour au régime militaire, après la brève expérience de 2007, n’était autre que la non-conformité de notre pays à un ensemble de prérequis sine qua none à sa réussite. En voici six qui me semblent essentiels au démarrage de tout processus démocratique, a fortiori d’un Etat digne de ce qualificatif, à l’instar de celui qui existe en Tunisie, et dont on dispose peu ou, parfois, prou : une forte classe moyenne, une population éduquée, une homogénéité ethnique, une société civile active, une protection des minorités et des individus, un pragmatisme et des concessions politiques.

Cependant, après son semblant de « mise à mort » de l'UPR, il est devenu clair, pour tous, que ce n'est ni le bluff du troisième mandat du député de la majorité, Dah ould Souhaib, ni les politiciens qui mènent la cadence : il faut, dorénavant, que tout le monde « marque le pas ».

 

Les principales formations et coalitions politiques nationales

D’une part, le MPR, AJD/MR, PLEJ et FPC, respectivement dirigés par Kane Hamidou Baba, Ibrahima MoctarSarr, Baba Mamadou Alassane et Samba Thiam, qui se sont mis d'accord pour que ce dernier, le leader des Forces Progressistes du Changement (FPC) les représentent, à la prochaine présidentielle : un dernier réflexe de survie, un sorte de mouvement désespéré, pour arriver à faire entendre leurs voix étouffées, au sein de leurs bases électorales, comme l'ont démontré les dernières élections législatives du pays.

D’autre part, rien de nouveau : c’est toujours exactement la même scène politique classique, avec le candidat soutenu par la majorité, le général de division Mohamed ould Ghazouani, et les partis de l'opposition, comme Tawassoul, RFD, UFP… Reste à savoir si l’ancien Premier ministre – à deux reprises et sous deux régimes opposés – Sidi Mohamed ould Boubacar, se présentera au nom de l’opposition ou en candidat libre. Quant au député et militant anti-esclavagiste Biram Dah Abeid, il continue à se démarquer de tous, se définissant en électron libre, animé, solennellement, par la souffrance des séquelles de l’esclavage et par la mise en jeu, de temps en temps, de la carte de la ségrégation raciale « ézemgué ».

Sidi Mohamed ould Boubacar trouvera-t-il des oreilles attentives, dans le camp des forces de l'ordre et de la défense ? A la recherche d'un civil qui connaisse bien les enjeux du pouvoir et ses coulisses, vexées par la fréquence des coups d'Etat en Mauritanie et les difficultés que ceux-ci induisent sur le progrès, des voix respectées, dans l'armée et les forces de sécurité, aspirent, secrètement, au changement. Ils commencent à tirer les leçons du passé et à développer la conscience, solide, de  ce que la garantie d'un développement exhaustif et durable n'est pas dans un nouveau régime militaire mais, plutôt, le retour à un régime civil mûr, prônant une réelle séparation des pouvoirs. Seraient-ils persuadés que l’ex-Premier ministre de l’ex-Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD), Sidi Mohamed ould Boubacar, ne touchera pas à l'intérêt suprême de l'Etat, à savoir les hommes de l'ordre et de la défense nationale ? Le cas échéant, ils peuvent être alors convaincus qu’après sa victoire, il se limitera, seulement et comme son devoir l'y convoque, à la consolidation des acquis et à la reformulation de notre société civile, dans l'intime respect des spécialités de chacun.

 

Le général Ould Ghazouani: rupture ou continuité ?

Il eût été de coutume et, aussi, plus simple à gérer, vis-à-vis des militants du parti, que l'UPR présentât, à son congrès normal, y mobilisant toutes ses forces, le général de division Mohamed ould Ghazouani, en candidat du parti au pouvoir et de la majorité parlementaire, pour la prochaine élection présidentielle. Mais au cours de ce même congrès, coup de tonnerre : le président du parti, Sidi Mohamed ould Maham, annonçait sa démission, laissant son poste vacant avec mise en place d'une commission provisoire, pour gérer les affaires courantes ou, peut-être même, préparer une éventuelle et très probable dissolution du parti. Grand étonnement, puisque l’UPR était, jusqu’ici, la cheville ouvrière et la pierre angulaire de la majorité parlementaire. Ce qui a lancé beaucoup de spéculations sur les orientations et le rôle que va jouer la majorité parlementaire actuelle, dans l’élection qui frappe à la porte.

En tout cas, Mohamed ould Ghazouani, depuis toujours homme de l'ombre mais grand connaisseur des rouages du pouvoir politique et, en toutes nécessités, très bon homme de main et de « coup de main ». Maintenant qu'il aspire à se placer au top de la pyramide, si le peuple le veut, une question se pose: va-t-il nous surprendre avec un nouveau génie de meneur de « batailles rangées » et de politicien aussi fin que ferme ?

 

Habib Hamedi