Education nationale : La mise en scène continue

16 October, 2014 - 01:55

Comme prévu, les établissements scolaires nationaux des ordres primaire et secondaire ont rouvert leurs portes sur l’ensemble du territoire national, le lundi 13 octobre 2014. Le ministre ad hoc a décidé d’aller donner le coup d’envoi de la nouvelle année depuis les rassemblements populaires de Bouratt, en ce que les autorités appellent le « Triangle de l’espoir ». Il y a quelques semaines, une mesure spéciale du Premier ministre demandait, à tous les départements ministériels, de restituer tous les enseignants détachés à leur ministère d’origine. Dans sa déclaration de lundi à Bouratt, Bâ Ousmane, notre ministre de l’Education nationale, a fait savoir que la lutte contre l’absentéisme des enseignants constituerait, cette année, une composante essentielle de la politique scolaire nationale. A Nouakchott, des responsables centraux ont entrepris quelques visites de terrain en diverses écoles, pour s’assurer que tout se passe bien. Voilà comment commence une année sans que rien de fondamental ne soit véritablement entrepris. Les problèmes structurels sont en l’état. Les conclusions des Etats Généraux et de la Formation, organisés le 3 février 2013, encore bien sagement rangées dans les tiroirs du ministère. Au cours des vacances, les sessions de recyclage linguistique, au profit de plusieurs centaines d’instituteurs et de professeurs, ont été organisées. Exactement comme les années précédentes. Comme toujours, un important pactole de plusieurs dizaines voire de centaines de millions d’ouguiyas sont claqués, sans qu’aucun impact ne soit ressenti, à quelque niveau que ce soit. Administrativement, tout continue à se passer comme avant. Les dernières affectations des inspecteurs départementaux sont tout aussi éloquentes et prouvent que les pratiques basées sur le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, la corruption et autres ont encore de beaux jours devant elles. Les syndicats d’enseignement qui se comptent par dizaines se mobilisent, avec les associations de parents d’élèves, à la veille de chaque ouverture, pour jouer leur rôle dans la mise en scène. Cette année, les exigences de la nouvelle semaine imposent des horaires scolaires rectifiés qui s’étaleront, désormais, six jours sur sept. On annonce, dans les écoles, l’imminente arrivée d’outils de gestion pour enseignants, directeurs et encadreurs. Le ministre prévoit de renforcer les opérations de suivi, à tous les niveaux de la chaîne. Des directives fermes ont été données en ce sens, via les directions régionales, à tous les responsables des établissements du fondamental et du secondaire. Côté motivation, rien de spécial et c’est là où le bât blesse. La seule chose en vue reste la promesse électorale du candidat Mohamed ould Abdel Aziz d’augmenter  les salaires à partir de l’année 2015. Mais il n’est plus candidat. A part cela, les conditions matérielles des enseignants restent un des problèmes structurels les plus importants qui compromettent tous les efforts entrepris pour refondre un système éducatif agonisant depuis, au moins, trois décennies. Une nouvelle année scolaire commence. Une nouvelle mise en scène qui entretient la diversion et « traîne les branches » sur les échecs successifs qu’enregistre, année après année, une école déliquescente. Un Etat qui joue le jeu en faisant la sourde oreille. Un peuple en désespoir. Un pays qui va à l’abîme, sous les tentacules d’une ignorance organisée qui répand les disfonctionnements dans tous les compartiments d’une nation en panne.

 

 

 

 

 

Bâ Ousmane peut-il secouer le mammouth ?

Question légitime pour les parents d’élèves, les enseignants  et les syndicats de l’enseignement, à l’audition du discours que le ministre de l’Education, Bâ Ousmane, a prononcé, la veille de la rentrée scolaire fixée ce 13 octobre 2014, comme à l’examen des mesures qu’il a prises, depuis sa confirmation à ce poste.

Dans son propos, le ministre entend combattre un mal endémique dans le secteur de l’éducation : l’absentéisme et la déperdition scolaire. Face à des conditions de vie de plus en plus difficiles et avec le bourgeonnement des écoles privées, les enseignants sont, effet, fort enclins, système D aidant, à chercher ailleurs, souvent, d’ailleurs, avec la complicité du personnel d’encadrement. L’école publique et la qualité de l’enseignement  en pâtissent fortement. S’y ajoutent les détachements et les affectations de complaisance qui vident certaines écoles. L’intermède, entre 2007 et 2008, de Nebgouha Mint Mohamed Vall permit d’endiguer, un temps, le phénomène, mais il est revenu au galop, avec le coup d’Etat de 2008. Les ministres successifs à ce département que tout le monde qualifie, à juste titre, de malade, se soucient peu de son avenir ; ils ne se sont contentés que de « gérer » le quotidien. Sinon, comment comprendre qu’on ait gardé, dans les tiroirs, les recommandations des états généraux de l’Education ? Même si l’on ne partage pas lamanière dont ces assises furent organisées, on doit, quand même, reconnaître qu’elles constituent une certaine avancée, à défaut d’une avancée certaine.

Avant son discours-programme, Bâ Ousmane s’est attaqué à un dossier particulièrement délicat : le retour au bercail des enseignants et professeurs détachés dans d’autres structures. Une tâche particulièrement ardue, pour cet homme d’OuldYengé. Un dossier que ses prédécesseurs gardèrent toujours au frais, craignant d’en faire les frais. Bâ Ousmane saura-t-il le conduire à bon port ? Oui, si Mohamed Ould Abdel Aziz lui a donné carte blanche et si les autres généraux et ses collègues ministres le laissent tranquille. Un sacrée paire de manches, sinon deux.

Mais le ministre de l’Education semble fermement décidé à ausculter et secouer le mammouth, avant d’apporter un remède approprié à cegrand malade que lui a confié le président de la République. Pour nombre d’observateurs mais, aussi, du personnel enseignant, Bâ Ousmane fait preuve d’une grande détermination, pour ne pas dire témérité, à mener à bien sa mission. Notre système éducatif est effectivement malade, très malade même, et il faut mener des initiatives audacieuses pour le guérir, ce qui requiert le concours de tous les partenaires de l’école : parents d’élèves, enseignants, syndicats et, bien entendu, le ministère.

Secouer le mammouth mais également le dégraisser. Il s’agit de le vider d’un personnel pléthorique, dans des bureaux plus souvent virtuels que réels, d’ailleurs. Le département en regorge tant qu’il en est devenu une sorte de refuge. Un enseignant pour vingt-cinq élèves et un bureaucrate pour vingt-cinq enseignants, telle devrait la norme. On en est très, très loin. Le ministre doit donc balayer devant sa porte. Une mesure qui devrait permettre de revoir sérieusement le budget, pourvoir certaines écoles en enseignants et les doter, toutes, de crédits de fonctionnement assez conséquents pour financer de vrais outils didactiques. Bon courage, monsieur le ministre !

 

Ben Abdella