Deuxième édition du festival de Mederdra : La renaissance du patrimoine

8 January, 2019 - 09:00

Mederdra, la capitale de la régionde l’Iguidi, vit le jour en 1907, lorsque les colonisateurs français décidèrent d’abandonner le poste de Khroufa, à cinquante kilomètres plus à l’Ouest. Depuis, deux cultures, plus ou moins contradictoires, plus ou moins complémentaires, y cohabitent. Celle, émirale et guerrière, du Mahsar, connue pour son ouverture envers autrui, basée sur la moquerie et le discours, au sens propre ; et celle, maraboutique, de la sphère Oulad Deiman ou Tachoumcha, au sens large, basée sur un amour sans limite du savoir et une curiosité empreinte de cynisme…

Depuis le début de l’année 2017, un groupe restreint de ressortissants de cette zone prit l’engagement de relever le défi d’organiser un festival culturel annuel dans cette localité. Il y avait eu de vains précédents. L’initiateur de cette nouvelle tentative s’appelle Sidi ould Sidi Yaraf. D’importantes personnalités adhérèrent très tôt à cet important projet: le célèbre écrivain-poète  Mohamed Vall ould Abdellatif, le poète et homme de lettres El Hassen ould El Hassen, le non moins célèbre poète et homme de culture Mohamed ould Ahmed ould Meidah, Le professeur d’université Mohamed ould Hamdinou et Khadijetou mint Ivoukou. Ils fondèrent, ensemble, le club de protection du patrimoine de Mederdra, aussitôt officiellement reconnu. Un groupe de brillants journalistes issus de Mederdra les parrainèrent sans tarder : Ahmed ould Cheikh, Mohamed Vall ould Oumeir, Mohameden ould Mein, Mrabih ould Deid, Chenouf ould Maloukif, Imam dine ould Ahmedou, Jemal ould Dahi, Mohamed ould Sidi Yaraf, ainsi que la célèbre blogueuse, Neziha Yedali Hassan, alias « Mint Moihim ». Le travail sur le projet débuta par des réunions-marathons et des contacts tous azimuts. Malgré l’opposition de certains, celui-ci ouvrit sa première édition le 29 Décembre 2017,  sous le thème de « La gomme arabique ». Une grande réussite…

 

Pourvu que ça dure….

La deuxième édition a été ouverte le vendredi 4 Janvier 2019, aux environs de vingt-une heures, sur le terrain du stade de la ville, sous le thème : « Des coutumes et us de la province ». Les autorités locales, des délégations des ministères de la Culture, de l’Environnement et du Développement rural  en ont été les hôtes de marque. L’ouverture officielle fut déclarée par le commissaire du Patrimoine au ministère de la Culture. Dans son mot de bienvenue, le maire de Mederdra, Mohameden ould Shagh, a remercié les initiateurs du festival, « un évènement important, pour les habitants de la moughataa, en général ». Et de promettre de tout faire, pour que ce festival soit toujours une réussite.  Le président du Club de la protection du patrimoine de Mederdra a pris la parole pour souhaiter, lui aussi, la bienvenue à tous et remercier chaleureusement tous ceux et celles qui ont contribué, de près ou de loin, à la réalisation de l’évènement. Le programme de la première soirée qui a connu une forte affluence  fut riche en couleurs. Une conférence sur le patrimoine social, évoquant les générations et les groupes, animée par le chercheur Sidi Mahmoud ould Hilal ; puis les groupes musicaux de Loubaba mint El Meidah et Ehel Boubane ont fait vibrer l’assistance jusqu'à une heure tardive du matin.

Le lendemain, vers midi, représentation d’une traditionnelle cérémonie de mariage. « Tesdar jmal » (parade de chameaux) qui suit le cortège de mariage, sous les chants et les tirs de balles réelles, à la grande joie de l’assistance qui a vibré à cette cérémonie en usage, jadis, chez les guerriers. Au cours de la seconde soirée, une conférence relatant la vie estudiantine dans les mahadras a été animée par ould Ahmedou El Khadim. Le célèbre tamtam de l’Emirat du Trarza, vieux de trois siècles, a été exposé à l’assistance. Amar ould Haibat a longuement expliqué, sous les youyous et applaudissements, comment chaque battement du tamtam émiral symbolisait un ordre.  Une série continue de battements donnait ainsi l’alerte. D’autres battements variablement syncopés signalaient l’égarement d’hommes ou d’animaux, alors que d’autres annonçaient leur récupération, automatiquement signalée afin qu’on cessât les recherches. La levée de camp est ordonnée par deux coups, suivis, peu après, par un troisième ; etc.

La grande cantatrice El Malouma mint El Meidah, accompagnée par l’orgue de son génie de frère Arafat, ainsi que Tekeiber et son groupe, ont animé la deuxième soirée, suivis par de groupes folkloriques locaux. Le lendemain un groupe de tamtam local a égayé l’ambiance, devant les tentes dressées pour le festival. La soirée fut consacrée à la poésie arabe et populaire. Durant tous ces jours, on a pu également suivre des jeux traditionnels, un tir à la cible, diverses activités sportives et une exposition d’artisanat traditionnel. C’est l’équipe de la Sonimex qui a gagné la coupe du tir, alors que celle du meilleur tireur a été emportée par Ely ould M’boukhoukha. Animée par le groupe Mohamed Salem ould Meidah, vivement applaudi, et par le groupe Ahmed Lola, la soirée finale  a connu une affluence sans précédent. Deux conférences ont été présentées au public. La première a été développée par le brillant Mohamed Abdallahi Billil, sous le thème : « Complémentarité culturelle dans la zone ». La seconde, servie par Said ould Mahmoud, a évoqué une danse traditionnelle très connue à Mederdra : « Leeb debbous » (la danse au gourdin).  Et c’est vers une heure du matin que les lampions se sont éteints sur la deuxième édition du Festival culturel de Mederdra, au grand dépit des Mederdrois qui ont passé trois journées de si belles et intenses retrouvailles, après tant d’années, et qui auraient bien aimé que cela durât un peu plus.

Mosy