Calamités : Jeu dangereux

20 December, 2018 - 00:33

Cela fait maintenant plus de quatre mois que Biram Dah Abeid, président d’IRA et député national, élu aux dernières élections législatives, est en prison, suite à une plainte formulée à son encontre, par le journaliste Dedde Abdallah.  L’affaire commence à prendre une tournure inquiétante et appelle à deux remarques, au moins. En un, des affaires comme celle-ci sont légion en Mauritanie et n'ont jamais occasionné tant de tension. Pour des faits de très loin beaucoup plus graves : assassinat, meurtre prémédité, viol ou autre crime, tribus, familles et cousins s'emploient à les régler au plus vite, avec la bénédiction de l'Etat. Il est, à ce titre, fort clair que des cercles malveillants essaient d'amplifier, on ne sait à quelle fin, une « affaire Biram » qui pouvait aisément se régler dès son premier jour, au commissariat. Et de deux, ce n'est pas la première fois que des journalistes, des militants des droits de l'homme, des hommes ou des femmes politiques sont menacés de passage à tabac ou de mort. Qui ne se souvient pas de Dou ould Beignoug menaçant, publiquement, de fracasser le crâne d’Ould M'Khaitir, si jamais la justice s’enhardissait à le libérer ? Ou les appels à massacrer la présidente d'AFCF, Aminetou mint Ely, proférés, à cor et à cri, par Ould Dahi, de la fameuse organisation Ahbab Arrassoul ? Aucun de ces deux excités n'a pourtant jamais été inquiété, bien qu'Aminetou mint Ely a porté plainte devant les tribunaux. Il ya quelques jours, le député du peuple Biram Dah Abeid a éprouvé un malaise. Malgré l'urgence de le transporter, rapidement, vers une structure qui puisse le prendre en charge, les autorités pénitentiaires ont attendu, cyniquement, les « instructions d'en haut », pour se résoudre à l'envoyer en cardiologie, avant de le ramener en prison et refuser de lui permettre toute autre analyse que sa situation sanitaire requiert. Le plus remarquable, en cette situation, c’est le silence, assourdissant, des Mauritaniens sur ce qui semble un véritable acharnement contre une personnalité nationale. Certes, on perçoit, de temps à autre, quelques voix, hélas quasiment inaudibles, assourdies, réclamant la libération de Biram Dah Abeid. Mais, dans l'ensemble, tout le monde se tait. Lâchement, les parlementaires regardent souffrir leur collègue. Dans toutes ses composantes, le peuple semble résigné. Les organisations de la Société civile ne prennent aucune initiative. Dans cette affaire, l'Etat joue pourtant avec le feu : la mort de Biram pourrait être « la goutte » susceptible de faire déverser un vase déjà exagérément plein d'injustice sociale, de racisme et de xénophobie contre lesquels l'emblématique militant des droits de l'homme s'est toujours insurgé.

Sneiba El Kory