Calamités

17 October, 2018 - 13:35

C’est après une semaine de retard que la session d’ouverture du nouveau Parlement s’est enfin tenue. Sans aucune surprise, le député de Zouérate, Cheikh ould Baye, ami intime du président Mohamed ould Abdel Aziz a été élu/commis d’office président de la désormais unique chambre parlementaire. Les Mauritaniens n’attendent plus que la démission, imminente, du gouvernement et la désignation du nouveau Premier ministre qui sera chargé d’en former un nouveau. Selon certaines indiscrétions persistantes, Mohamed ould Abdel Aziz reconduirait l’actuel Premier ministre, Yahya ould Hademine. Si tel est le cas, c’est extrêmement dangereux et tout citoyen soucieux de la paix sociale et de la stabilité de ce pays devrait s’en insurger. Quoiqu’en puisse penser certaines âmes malades et autres mauvaises personnes de mauvaise foi et de mauvaise conscience, il ya des vérités qu’il faut avoir le courage de dire, au risque de provoquer une levée de boucliers des prétendus « justes », occasionnels donneurs de leçons à l’instar du livre qui recommande l’eau, alors qu’il a horreur de la toucher. Extrêmement dangereux, dis-je, et vous me demandez d’expliquer ? Mais ouvrez les yeux et voyez : l’injustice est aussi flagrante qu’inacceptable. Le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre appartiennent, tous à un même groupe social, alors que la République Islamique de Mauritanie est un pays où vivent plusieurs communautés : beïdanes et harratines, halpulaaren, wolofs et soninkés. Une injustice d’autant grave que, déjà, tous les départements civils et militaires, Banque centrale, le ministère de l’Économie et des finances, états-majors des forces armées et de sécurité (armées de Terre, Air et Marine, gendarmerie, Garde, police, BED, Douane, protection civile…) sont tous dirigés par des membres de la toujours même communauté. Et que le système éducatif séparé et la reproduction systématique de la hiérarchie sociale, des indépendances à nos jours, contribuent à perpétuer cette iniquité qui affecte, de jour en jour, plus gravement, la cohésion sociale et la cohabitation intercommunautaire, exacerbant les tensions entre les citoyens. Citez-moi le nom d’un officier supérieur retraité de l’armée, de la gendarmerie ou de la Garde, celui de n’importe quel commissaire, administrateur, diplomate ou de tout autre haut commis de l’État, et je vous donnerai, en retour, le nom de son fils ou de sa fille devenu, comme par miracle, officier supérieur, administrateur, diplomate ou occupant, souvent sans grand mérite, un très haut poste de responsabilité. J’entends déjà ceux qui me rappelleront, sans savoir trop pourquoi, que les présidents des conseils constitutionnel, économique et social sont des harratines et que deux négro-africains occupent des ministères de souveraineté, comme la justice et la défense. Ce qui est effectivement et totalement vrai. Mais mon propos n’est pas de dresser l’inventaire des postes et de leurs titulaires, il est beaucoup plus simple et fondamental : l’accès équitable de tous les Mauritaniens, à toutes les responsabilités, est une question de fond qu’il est grand temps de poser et de discuter, profondément et clairement. La politique de l’autruche est plus que vaine : mortelle. Beaucoup d’indicateurs s’accumulent à pointer du doigt la poudrière qu’est devenue la Mauritanie. Elle peut s’enflammer – qu’à Allah ne plaise ! – à tout moment, à la faveur du plus anodin incident. Rien n’est plus dangereux que la langue de bois qu’entretiennent les insouciants prédateurs qui gravitent autour des décideurs, en les endormant avec des subterfuges totalement déconnectés de la réalité. Dans un contexte comme le nôtre, la raison doit prévaloir sur le sentiment et l’entêtement. Ce qui était encore possible, il ya quinze ans, ne l’est plus aujourd’hui. Des indépendances à nos jours, beaucoup de choses ont changé, imposant, à toutes les forces vives nationales, l’obligation morale de revoir, de fond en comble, nos modalités de vivre ensemble, les rendre plus justes, basées sur le partage équitable des ressources, des hautes fonctions  administratives et des opportunités du monde des affaires, ouvertes à tous et toutes.

Sneiba El Kory