Autour d'un thé: Militaires

4 May, 2018 - 02:56

Où qu’elle va, la Mauritanie ? Vers 2019, certainement : impossible de faire marche arrière. C’est « En avant, marche ! », comme disent les militaires. De 1978 à nos jours. Avant, les gens te parlaient en « français de militaire » qui faisait se retourner Molière dans sa tombe. Évidemment, ce ne sont pas tous les militaires qui ne parlent pas bien français. Les militaires sont comme tout le monde : Il y en a des bons et des méchants, des cons et des intelligents, des carrés, des rectangles et des cercles vicieux, il y en a avec des vis, d’autres avec des vices, et d’autres encore sans place ni pour les unes ni pour les autres. C’est directement qu’ils réfléchissent. C’est comme « Elle est venue », c’est « bon », on gère les conséquences après. Les militaires, ici, c’est tous les soldats, gendarmes, gardes ; et même les autres, les moins militaires, comme les policiers, douaniers, forestiers, Mesgarou GGSR et plus ou moins apparentés. Exemple de « français militaire », avec ces mots du garde en service, chez moi, en fin des années 80 : « Faitez le rang ! » ou « Tout le monde avance, toi, tu progresses… ». Il y avait, aussi, le thé militaire : trois verres en deux minutes. Paroxysme de la précipitation et de l’improvisation. Ce sont des choses qui restent. L’esprit militaire, c’est inamovible : on fait, on voit après. C’est même un principe militaire que de ne réclamer qu’après exécution. Les militaires mettent souvent la charrue avant le bœuf. Exemple, leur dîner : ils dînent le jour. C’est limite, limite. C’est comme ça, partout pareil, les traditions militaires : en France, en Ukraine, chez Daech ou les peshmergas. Là-dessus, comme en quelques autres, tous les militaires sont d’accord : les gamelles, les ceinturons, les mess des officiers, les ordres, les coups d’État, la solidarité. Regardez le dix Juillet soixante-dix-huit, le douze douze quatre-vingt-quatre, le cinq Août deux mille cinq, le six Août deux mille huit et le petit dernierdu cinq Août 2017, lors des amendements constitutionnels. C’est la discipline dans l’indiscipline et l’inconstitutionnalité. Il ya aussi la musique militaire, à l’origine du fameux « Au temps pour moi » que beaucoup ne savent pas écrire correctement, civils et militaires pour une fois confondus. Les militaires n’avaient, jusqu’à récemment, rien d’autre que ça : leur français approximatif et hilarant, leur dîner en plein jour, leur esprit carré – pour ne pas dire obtus –  leurs traditions formelles, leur solidarité systématique, leur discipline sans appel et leurs casernes hermétiquement fermées. Le terme militaire renvoyait, directement, au champ de guerre, pas à la prise du pouvoir par la force. L’armée et la politique sont antinomiques. C’est depuis quand qu’on parle de démocratie militaire, de referendum des militaires, des partis des militaires, des marchés des militaires, des troupeaux des militaires, des magasins des militaires, des tendances politiques des militaires, de leurs groupes humains et électrogènes, de leur société civile, de leurs défenseurs des droits de l’homme, de leurs bateaux, de leurs sociétés, de leurs stations-service, de leurs notables, de leur presse, de leurs fermes, de leurs campements, de leurs gazras, de leurs hôtels et palaces, de leurs hommes et de leurs femmes, de leurs voyages, de leurs vacances, de leurs tribus, de leurs unités de base, de leurs bureaux de vote, de leurs QG de campagne, de leurs soirées électorales, de leurs militants, de leurs députés, de leurs ministres et de leurs cadres, de leurs hommes d’affaires et de leur président ? Fasse Dieu que la Commission africaine comprenne tout ça ! Les militaires sont souverains devant la porte des congrès : celui-ci entre, celui-là n’entre pas ! Ce sont les instructions. D’en haut. Ici, c’est le BASEP qui commande. Quand il ya ordre de mettre un trait rouge sur quelqu’un, c’est fini, le badge ne sert plus à rien. Il ya aussi la logique militaire. Qui sait distinguer entre un bon défenseur des droits humains et un mauvais. Alors, messieurs et mesdames de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, au garde-à-vous ! Réclamations après exécution ! Salut.  

Sneiba El Kory