Autour d'un thé: Il est permis de rêver

5 April, 2018 - 02:13

Mieux vaut tard que jamais. Le président de la République – première fois que j’appelle ainsi notre chef de l’État, il le mérite, quand même… – vient de convoquer, manu (presque) militari, ses collaborateurs du gouvernement et du parti au pouvoir, pour leur signifier, en personne et de vive voix, sa décision officielle de ne pas se présenter à un troisième mandat. Et qu’à partir de maintenant, tous les services des départements concernés, de près ou de loin, par une quelconque élection, doivent synchroniser leurs actions pour en assurer l’organisation dans les conditions les plus transparentes et les plus réglementaires possibles. Et qu’il lui veillera, lui-même, en personne et particulièrement, à ce que tout se passe convenablement. Autre réunion, cette fois avec les plus grands responsables de l’armée : il est vraiment temps que l’institution militaire (re)devienne républicaine, y a martelé le Président. Les militaires ne vont plus jamais s’impliquer en politique, ils se consacreront, définitivement, à leurs missions régaliennes, comme la défense du territoire national et la promotion du développement durable, à travers des campagnes agricoles et des activités profitables aux populations. Dernier volet de cette révolution de palais : en Conseil exceptionnel, le Président a exigé l’application stricte des dispositions de la loi sur l’incompatibilité, interdisant aux responsables susdits de faire de la politique.

Une commission nationale d’assainissement de la vie politique est chargée de proposer un calendrier de journées de concertations nationales, entre toutes les forces vives du pays, qui permettront de déterminer les mécanismes visant à promouvoir un environnement politique apaisé entre tous les acteurs de la scène nationale. Un dialogue politique inclusif sera organisé. Avant cela, le Président rencontrera, en personne, les responsables de l’opposition, pour en discuter les modalités pratiques. Des rencontres systématiques seront prévues, avec le chef de file de l’opposition démocratique. Plus aucun moyen de l’État ne sera utilisé par un parti. Plus aucun haut responsable ne sera autorisé à quitter son travail pour effectuer une mission au service d’un parti. La concurrence sera loyale et l’État tenu à rester arbitre impartial, entre tous les acteurs. Aucun responsable n’est plus autorisé à faire l’apologie du système ni vanter ses réalisations.

Le Président a également instruit les ministères de l’Économie et des finances, des Pêches et des Mines à auditer, avant la fin de son second mandat, tout l’argent engrangé de 2008 à 2019, en termes de recettes et de dépenses, afin que tous les Mauritaniens sachent combien leur fer, leur or, leur poisson ont rapporté et comment cet argent a été dépensé. Puis, encore, comment les conventions de pêche, par exemple, furent négociées et combien ont-elles rapporté. Comment les quotas de poulpe sont attribués, dans quelles conditions et au profit de qui.

Le président de la République semble donc avoir décidé que lumière soit faite, avant son départ, sur l’ensemble et le détail de sa gestion, de son entrée à sa sortie de fonction. Qu’au moment de la cérémonie solennelle où il remettra le pouvoir à celui que les Mauritaniens auront choisi, sans pression, ni fraude, ni interférence, le climat politique et social soit complètement apaisé. Exceptionnellement, les fonctionnaires profiteront d’une augmentation de 100% sur leurs salaires, à partir de Janvier 2019. Le président de la République a également annoncé sa décision de déclarer, toujours avant la fin de son mandat, tous ses biens, conformément à la loi. Et d’en remettre, symboliquement, 50% au Trésor public. Tous les ministres doivent faire une déclaration de leurs biens et en justifier l’acquisition. Les prestations médicales seront désormais prodiguées gratuitement, dans toutes les structures sanitaires publiques, pour tous les Mauritaniens. L’assurance maladie sera généralisée. L’annonce a laissé tout le monde de flanc, notamment les plus acharnés opposants. Mais curieusement, personne n’est sorti dans les rues, pour célébrer cet heureux jour. Est-ce parce que c’était le 1er Avril ? Aussi petit soit-il, par les temps qui courent, les gens semblent avoir préféré se contenter de leur yaboy quotidien. Un tiens vaut certes mieux que deux tu l’auras. Salut.

Sneiba El Kory