L’Afrique de l’Ouest malade de ses frontières : le bon exemple ne pourrait-il pas venir de la Mauritanie et du Sénégal : deux pays voisins ?

15 March, 2018 - 02:32

La Mauritanie et le Sénégal c'est d'abord et avant tout cette histoire et ce passé communs largement partagés que chantent nos griots, détenteurs de la mémoire commune et veillant jalousement sur les fibres sensibles qui sommeillent en nous. C'est ainsi qu'ils nous empêchent de nous faire distraire par les aléas du moment qui pourraient nous embarquer dans ces vaisseaux dont les destinations ne seraient pas toujours les mieux indiquées. Des destinations qui pourraient avoir comme premiers risques de nuire à ce qui doit, de toute évidence, nous unir. Le Sénégal et la Mauritanie des pays frères. La Mauritanie et le Sénégal, c'est ce lien ombilical de 700 km que constitue le fleuve Sénégal et où, de part et d’autre,  vivent des populations identiques, partageant en majorité le même héritage culturel et, en bien des cas, les mêmes biens, si on se réfère aux terres arables situées de part et d’autre du fleuve, mais également aux liens de sang des familles qui les exploitent. C’est aussi ce volume des échanges informels de tous ordres, de part et d’autre ; le bétail et les richesses halieutiques y jouant la part belle. Aussi, vu les rapports sur le plan religieux, nous pouvons nous enorgueillir d’avoir des oulémas, très sollicités, qui veillent sur cette quiétude, indispensable au bon développement des relations entre les Etats, mais surtout au bien-être des populations...

Le fleuve, une « frontière dynamique »

 Parlant des échanges officiels par voie terrestre, la ville de Rosso constitue le nœud central, avec ses bacs, sollicités à longueur du jour, mais également de tout temps, en cas de besoins. En outre, avec les prévisions du futur pont, dont les études et les financements sont déjà bouclés, nous pouvons déjà nous réjouir de découvrir dans un futur immédiat les villes de Rosso, de part et d'autre du fleuve, avec un visage tout à fait nouveau. Cette œuvre, une fois réalisée, constituera un bien commun, à la Mauritanie et au Sénégal, en même temps qu’elle créera, à coup sûr, des activités de tous ordres au profit des populations locales et même au-delà. Cette réalisation, par sa symbolique et son utilité, signe d’une coopération bien réussie, fera la fierté des deux nations. Au-delà des intérêts des deux pays, ce pont constituera une passerelle, longtemps souhaitée, non seulement entre deux parties du continent, mais également entre l’Europe et l'Afrique. En outre, il y a lieu de garder à l’esprit que ce fleuve n’est pas seulement une zone de vie et un lieu d’échanges intenses entre deux Etats que tout incite à développer des rapports fraternels, mais il est également une frontière entre deux pays frères que l’histoire et la géographie condamnent à entretenir des relations et des rapports apaisés. Cependant, cette frontière demeure malgré tout une zone de trafics de tous ordres, quand bien même les autorités de ces Etats investissent des moyens fort importants pour sécuriser la zone et lutter efficacement contre ces fléaux de notre siècle…

 Trafics et immigrations : maux de nos frontières et de notre temps

Les candidats à l’immigration clandestine, venus de nulle part, et même des pays d’Asie, continuent de jouer au chat et à la souris  avec les Forces de Sécurité, chargées d’en assurer la surveillance. Les Postes de contrôle et des passages obligés installés le long du fleuve, même s’ils réduisent grandement ces pénétrations intempestives, n’en assurent pas pour autant un maillage complet, tellement ces tentations vers le Grand Nord est grande dans l’esprit de ces candidats, qui perdent par là tout esprit logique. Les morts dans le désert et les corps ramassés le long des Côtes de l’Atlantique et de la Méditerranée n’ont pas encore eu l’air d’émousser la détermination de ces « fous » des déserts et des mers pour qui les Etats Africains et Européens ne trouvent toujours pas de solutions. Le Sénégal et la Mauritanie étant une des fenêtres de cette Europe, le défi n’en demeure qu’actuel. Il y a lieu cependant de préciser que sur ce point précis, les mauritaniens, d’une façon générale, et toutes Communautés confondues, ne sont pas candidats à cette prise de risques et de cette forme d’immigration, qui n’est pas dans leur culture. Ce n’est pas pour autant que le pays est épargné par ces aventuriers, venus de nulle part, de plus en plus nombreux et de plus en plus audacieux. Et parlant de cette ruée de ces masses vers le sud méditerranéen, et sachant que bien des familles de ces pays incitent elles-mêmes leurs enfants à tenter l’AVENTURE, on est tenté de se poser la question de savoir quel DIABLE s’est emparé de l’esprit de tous. De surcroît, le plus curieux de tout ça est que chaque membre de la famille donne sa PARTICIPATION, pour « financer » ce voyage du fils vers l’inconnu. Et même par endroits ce sont les voisins du quartier, qui participent financièrement aux frais du voyage. Tout cela, pour montrer par là la folie générale qui prend possession de tous les esprits. Aussi c’est à juste titre qu’on est amené à se demander si l’Afrique ne serait pas devenue subitement si « mauvaise », ou alors quel  mal habiterait les africains au point de conduire à cette fuite généralisée ! Sinon que cacherait cette Europe que les esprits saints ignorent et qui amène ces bandes et ces masses humaines, devenues désormais incontrôlables, à braver ces mers et ces déserts, au prix de la perte de leur vie ? Des questions à tous les niveaux, mais toujours pas de réponses…

Une croissance économique commune, des projets communs

Avec les récentes découvertes de pétrole et de gaz aux larges de la mer, à la frontière sud de la Mauritanie avec le Sénégal, les relations entre les deux pays vont obligatoirement connaitre une autre dimension : d’où le lieu de privilégier les intérêts économiques, à toute autre considération politique, qui pourrait conduire au contre-courant de la marche de l’histoire. Aussi est-on en droit de dire que les relations entre les deux pays ont été gratifiées d’une grande bénédiction que nous accueillons certes avec beaucoup de bonheur, mais aussi d’humilité, car un don de Dieu, qui nous est tombé entre les bras au moment où nous nous y attendions le moins ! Mauritaniens et Sénégalais, tous unis, doivent retrousser les manches pour soutenir et accompagner cette nouvelle dynamique qui aura pour ambition de hisser la Mauritanie et le Sénégal aux rangs des pays qui n'hésitent pas à briser les obstacles qui auront tendance à freiner ou gêner leur développement. Il n’est donc pas étonnant de voir émerger ce port, aux larges de Ndiago, qui sera le prolongement de ces exploitations en mer pour en constituer le complément indispensable.

Encore des challenges… mais challenges à la portée des Etats

Avec toutes ces potentialités de développement économique que nos pays ont en commun, nous devons éviter de tomber sous les charmes des flûtes de ces sirènes, souvent mal inspirées, car généralement soumises aux influences des intérêts particuliers. Si nous manquions de réussir cette transition, nos forces vives continueraient à braver ces dangers et à se bousculer vers cette fuite vers ce Nord pour lequel ils sont très peu préparés. Aussi, au vu de nos richesses et de nos matières premières, ne serait-il pas plus judicieux que nos partenaires au développement privilégient des chaines de transformations et de production sur place ! Ce qui aurait comme premier avantage de fixer cette jeunesse dans son environnement propre tout en lui procurant qualification et emploi. Cette forme d’intervention serait alors une coopération d'un genre nouveau à laquelle on pourrait appliquer la formule « gagnant/gagnant »! Etant entendu que la sécurité de l'Afrique, c'est aussi la sécurité de l'Europe… Voilà donc autant de faits et d’atouts que le Sénégal et la Mauritanie doivent intégrer dans leurs réflexions de tous les jours en favorisant des relations de bons voisinages apaisés. Par ailleurs, et pour tout dire, être convaincu que cette frontière de 700km est le lieu où se joue le destin de deux pays, deux peuples que l’histoire surveille, pour les maintenir tout le temps éveillés, car responsables du devenir de ces populations qui ont toujours aspiré à la paix.

 

Le Colonel (R) DIA El Hadj Abderrahmane, Ancien Secrétaire Général du Ministère de la Défense Nationale