Trois questions à Mouna mint Dèye, membre du comité exécutif du RFD: ‘’Nous vivons une véritable impasse politique, du fait de l’attitude d’un pouvoir qui s’obstine dans son processus d’exclusion, unilatéral et destructeur’’

22 February, 2018 - 00:54

Le Calame : Votre parti, le RFD s’apprête à lancer une campagne de réimplantation. Ou en sont les préparatifs, et que répondez-vous à ceux  qui estiment que le parti a perdu beaucoup du terrain, avec le départ de certains de ses  cadres ?

Mouna  mint Dèye : La campagne de réimplantation de notre parti suit son cours, dans toutes les moughataa de Nouakchott ainsi qu’à l’intérieur du pays. L’allure peut paraître lente, en particulier dans certaines zones éloignées, du fait de la modicité de nos moyens matériels. Mais c’est sûrement que le parti s’achemine, en veillant à la véracité et la crédibilité des opérations d’implantation.

Quant à ce que vous avez appelé la « perte de terrain » qu’aurait subie le parti, du fait du départ de certains de ses membres, je voudrais vous rappeler combien tous les observateurs, ainsi que les pouvoirs dictatoriaux, n’ont cessé de rester perplexes, devant ce qu’ils appellent « l’exceptionnelle prouesse du RFD », reconnaissant ainsi que notre parti est toujours apparu et apparaît renforcé, Dieu merci, à chaque fois que certains membres s’en sont retirés. Il connaît, alors, des ralliements par vagues et toutes les manifestations populaires qu’il organise s’avèrent impressionnantes.  Chacun sait aussi que lorsqu’il a participé à des élections organisées dans des conditions à peine améliorées et en dépit de ses modestes moyens, ses résultats fort probants sont connus.

N’en déplaise au pouvoir qui ne cesse de le combattre par tous les moyens, le RFD demeure un grand parti qui regroupe des militants de toutes les régions, toutes les ethnies, toutes les couches de notre société. Si d’aventure, des élections se déroulaient dans des conditions acceptables de transparence, ce grand parti ne manquera pas de révéler la place majeure qu’il occupe sur l’échiquier politique national.

 

- Les Mauritaniens vont élire, cette année, leurs conseils régionaux,  renouveler leurs  conseils municipaux  et leur Assemblée nationale,  tandis qu’en 2019, ils en feront de même pour leur président de la République. Le RFD y prendra-t-il part ? A quelles conditions ? Pensez-vous que d’ici là, le gouvernement répondra aux exigences de consensus et  de  transparence, permettant ainsi à toute l’opposition d’y participer ?

 -Il me semble que l’évocation, à l’heure actuelle, de la participation aux élections est un propos prématuré. Il me paraît d’abord utile de rappeler que la participation, en elle-même, n’est pas une fin en soi. Elle constitue le moyen adéquat pour proposer, au citoyen censé choisir librement, un programme politique en concurrence avec d’autres. Ce processus implique un niveau acceptable de transparence des opérations électorales et d’égalité des chances.

Or nous vivons, encore, chez nous, une véritable impasse politique, du fait de l’attitude d’un pouvoir qui s’obstine dans son processus d’exclusion, unilatéral et destructeur. Le dernier referendum, qui a foulé aux pieds notre Constitution, les multiples atteintes aux libertés des journalistes, des hommes d’affaires, des sénateurs et des syndicalistes sont des épisodes, hélas parmi tant d’autres, dans la méthode dictatoriale de ce régime, visant à détruire définitivement les prémisses d’une démocratie en construction. C’est sur la base de ces prémisses que les Mauritaniens luttaient, dans l’espoir d’édifier un Etat véritablement démocratique, respectueux des institutions et des droits des citoyens.

Malgré toutes ces méthodes anti-démocratiques entreprises par ce pouvoir, nous demeurons, au RFD, déterminés à continuer la lutte, afin que notre chère patrie obtienne son droit à instaurer une démocratie digne de ce nom. Dans cette optique, je lance, à travers votre journal, un appel à tous les partis d’opposition, afin qu’ils demeurent solidaires, qu’ils agissent ensemble, dans le but d’imposer la mise en place de conditions normales, impératives à l’organisation d’élections transparentes et, dans tous les cas de figure, qu’ils adoptent une attitude commune, dans le sens de la participation ou du boycott.

 

Un député de la majorité qui réclame un troisième mandat pour l’actuel président a préconisé l’organisation d’un dialogue pour décider de la modification de la Constitution (faire sauter la limitation des mandats et de l’âge des candidats), sans quoi les  président Ahmed ould Daddah et  Messaoud ould Boulkheïr, ne pourraient pas se présenter à la présidentielle de 2019. Que pensez-vous de cette proposition?

- Au RFD, nous rejetons tout débat sur la question du troisième mandat, débat qui constitue un appel à l’illégalité absolue et ne doit pas être ouvert. Même si nous dénonçons, avec la plus grande vigueur, la limitation de l’âge de candidature aux élections présidentielles, sachant qu’il s’agit, d’une manière à peine voilée, d’exclure un homme qui a consacré sa vie à défendre la démocratie et la liberté,  en l’occurrence monsieur Ahmed ould Daddah, nous refusons, catégoriquement et ce, quel qu’en soit le prix, ce genre d’appât présenté par le biais de telles transactions scélérates. Des propositions qui visent au tripatouillage de la Constitution, afin de faire obstacle à l’alternance démocratique prévue par les articles de la Loi fondamentale, heureusement fort bien verrouillés. 

En conclusion, je crois que la Mauritanie a, plus que jamais, besoin d’alternance démocratique et de dépoussiérage de sa démocratie, fortement abîmée. De même est-il urgent que la paix sociale, elle aussi en danger, soit préservée et qu’une entente soit réalisée, sur les règles élémentaires du jeu politique et du processus électoral. C’est à ce prix que le pays pourra sauver ce qui peut encore l’être, conjuguant les efforts afin d’affronter les défis du développement, de la sécurité ainsi que ceux de l’éducation, la santé, l’emploi et la justice. 

Propos recueillis par DL