Sidamine, mon ami, mon frère

20 February, 2018 - 01:08

Octobre 2012, quelques mois après l’accession au pouvoir du président Macky Sall au Sénégal, je rentrais tranquillement chez moi, après une séance de sport harassant. Mon téléphone sonne. Un numéro sénégalais s’affiche. « C’est Ould Cheikh ? », m’interroge la voix au bout du fil. « Oui », répondis-je. « C’est Macky Sall », dit-il. Après les salamalecs d’usage, il enchaine : « Nous avons un ami commun qui est actuellement dans mon bureau et refuse de partir, tant que je ne t’aurai appelé devant lui. Mais il ne sait pas que je vais le mettre en prison, parce qu’il harcèle un chef d’Etat en exercice. » Nous en avons ri de bon cœur. Cet ami, c’était Sidamine ould Ahmed Challa.

Quelques semaines plus tard, je l’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir, dans la fameuse chambre 105 de l’hôtel El Afifa qu’il avait l’habitude d’occuper, durant ses fréquents séjours dakarois. Après une discussion à bâtons rompus, ponctuée de ses éclats de rire malicieux, autour de trois verres d’un thé mauritanien très approximatif, préparé par un serveur de l’hôtel, il m’amena à un rendez-vous avec Soumaila Cissé, l’ancien Premier ministre malien et actuel leader de l’opposition, pour me le présenter. Les deux hommes semblaient avoir beaucoup d’atomes crochus. Nous déjeunâmes, ensuite, dans la maison d’Ousmane Tanor Dieng dont l'épouse lui avait préparé un bon « Dakhin »* ; avant de poursuivre l’après-midi avec l’ex président malien Toumani Touré; dans la résidence mise à sa disposition par l’Etat sénégalais.

C’est dire combien cet homme disposait d'un impressionnant  capital de relations, investi de la Mauritanie à la Côte d'Ivoire, en passant par le Sénégal et le Mali, pour ne parler que de la sous-région. Que dire d’autre qu’on n’a pas dit à d’autres ? Parfois les mots, même les mieux choisis, n’arrivent pas à  exprimer tout ce qu’on ressent. Dès l’annonce de son décès, sa maison à Aleg et ses environs étaient noirs de monde, jusqu’à une heure tardive. Tous pleuraient le fils de cette ville qu’il aimait tant, l’ami, le parent, le mécène, le compagnon. Proche des pauvres et des nécessiteux, Sidamine avait le don de faire entrer la joie partout où il passait. Parti très tôt et pour toujours, son souvenir restera à jamais vivace. Une perte  immense pour sa famille, sa ville, sa région et pour tout le pays. Qu’il repose en paix et que Mohamed et Toutou, ses frère et sœur éplorés trouvent ici l’expression de mes sincères condoléances. Leur deuil est aussi le nôtre.

Ahmed ould Cheikh

*Dakhin, plat sénégalais  très apprécié composé de riz avec de la viande, des haricots et du poisson séché