Situation politique : Qui sème le doute…

19 January, 2018 - 00:48

L’incertitude plane sur la Mauritanie qui s’apprête à vivre des élections capitales, en 2018 et 2019. Censées clarifier les rapports de forces, entre les différents camps politiques, ces consultations interviennent dans un contexte marqué par une tension politique qui perdure depuis bientôt une dizaine d’années. Dix années que les acteurs politiques du pouvoir et de l’opposition n’arrivent toujours pas à  solder les comptes du coup d’Etat de 2008, appelé, par les soutiens du tombeur de Sidi ould Cheikh Abdallahi – premier président démocratiquement élu, en 2007, au terme d’une transition apaisée parce que consensuelle –  « mouvement de la rectification » d’une démocratie qui « dérivait déjà ».

Majorité et opposition ne font que s’invectiver. La première cherche, par tous les moyens, à confisquer le pouvoir, en dénigrant les opposants, les traitant  de tous les noms d’oiseaux, allant même jusqu’à leur dénier le droit à alterner au pouvoir. Les politiques de l’opposition ne sont pas prêts  à oublier le discours de Néma où le président Mohamed ould Abdel Aziz n’était pas allé du dos de la cuillère, dans ses critiques. Une attitude qui frise le mépris, vraiment pas de nature à apaiser les tensions et à susciter les conditions d’un consensus politique, gage d’une démocratie apaisée.

C’est dans cette logique va-t’en guerre que le pouvoir s’apprête à conduire, unilatéralement semble-t-il, tout le processus électoral, s’appuyant sur les résolutions du dernier  « dialogue » loin d’être inclusif. C’est dire que les nuages qui planaient déjà sur nos têtes vont continuer à grossir et à déverser leurs torrents, que Dieu nous en garde ! 

Une incertitude doublée d’un sérieux doute sur les intentions du président de la République qui n’a pas accepté de sévir contre ceux qui remettent en doute sa parole, l’invitent à violer la Constitution et à se dédire, donc à parjurer, comme le vieil Abdoulaye Wade au Sénégal, au terme de son premier mandat. On connaît la suite. Les Sénégalais se sont levés, comme un seul homme, pour lui barrer le passage. En Mauritanie, seuls les sénateurs ont osé opposer leur refus à la modification de la Constitution préconisée par l’accord du 20 Octobre 2016. Ici aussi on connaît, hélas, la suite. L’un d’eux, Mohamed Ould Ghadda, croupit en prison, depuis Août dernier, tandis que douze de ses collègues sont  sous contrôle judiciaire, pour « corruption ». Une autre pierre dans le jardin du pouvoir accusé,  par Human Rights Watch  et autres organisations humanitaires, de violer les droits de l’homme.

Mohamed ould Abdel Aziz est aujourd’hui pointé du doigt pour entretenir le flou sur ses intentions. Nombre le soupçonnent de vouloir opérer un autre  coup de force, pour conserver le pouvoir, quitte à violer l’article 26 de la Constitution qui limite le mandat président à deux. Les citoyens ordinaires interrogés dans les transports en commun, les marchés, les rues se disent persuadés qu’Ould Abdel Aziz n’est pas prêt de quitter le pouvoir en 2019. Par quel  artifice ? Mystère !

 

….récolte l’incertitude

De son côté, l’opposition dite radicale tarde à offrir une alternative claire et crédible. Elle s’illustre, depuis trop longtemps, par ses hésitations, ses contradictions internes et ses mots d’ordre de boycott des élections et des dialogues organisés par le pouvoir, depuis le coup fourré de Dakar 2009. Certains de ses leaders reconnaissent, eux-mêmes, que l’opposition rassemblée, depuis Juillet dernier, au sein du G8, n’est  pas parvenue à imposer  au pouvoir, le moindre rapport de force en sa faveur. Ce n’est pas faute d’avoir tenté mais les démons de la division et des agendas différents ou divergents sont têtus.

Elle a réussi, tout de même, à maintenir la cohésion du FNDU et sauver, comme on dit,  la face. En outre, le G8 réunit, pour la première fois, tous les courants, de l’extrémisme arabe à son homologue négro-africain, en passant par toutes les modérations possibles et imaginables. C’est une première qu’il faut saluer et encourager. Mais cela ne suffira pas. Il faut, comme le dit souvent Ould Bettah et Moussa Fall, deux leaders de cette opposition, réussir à faire descendre, dans la rue, plus d’un million de personnes et maintenir la pression, pour ramener le pouvoir à de meilleurs sentiments. Ce n’est pas aisé mais cela demeure un pari, aussi difficile soit-il à gagner, dans un pays où nombre de citoyens ne croient plus à rien. Ils n’entendent que par la gorge ou le ventre.  Les conditions de vie devenues trop difficiles, les pratiques de débauchage et les intimidations du pouvoir  aidant, le champ politique s’est rétréci. Les Mauritaniens sont-ils donc tous devenus des froussards ?  Une grenade explose et c’est la débandade !

L’opposition doit changer de stratégie. Soit accepter le dialogue avec le pouvoir, pour obtenir des concessions, notamment dans la mise en place des organes de gestion électorale, ou bien aller aux élections en rangs divisés, faute d’une véritable alliance,  pour que chacun puisse,  à son niveau et comme Tawassoul en 2013, glaner quelques mairies et députés. Sinon, l’opposition, pourtant indispensable à la démocratie, finira par disparaître et, partant, ouvrir la voie, comme au Congo et au Rwanda, au maintien au pouvoir du président sortant mais certainement pas prêt de sortir. Wait and see ? Ne serait-il pas plutôt grand temps d’agir, fermement ?

DL