Affaire M’Kheitir : Sauvé par la loi

23 November, 2017 - 10:25

Dans une nouvelle composition,  la Cour d’appel de Nouadhibou a condamné  le blogueur Mohamed Cheikh Ould M’Kheitir à une peine de deux années de prison ferme et une amende de 60.000 ouguiyas, dans un arrêt rendu le 09 Novembre dernier. En dépit d’un pourvoi introduit par le ministère public, dont le réquisitoire sollicitait la confirmation de la peine de mort prononcée, en Janvier 2014, par la Cour criminelle de la cité portuaire, minière et grande métropole du Nord, cet  arrêt sonnait, du point de vue du droit, comme l’ultime épilogue d’une long feuilleton, pour ce jeune homme qui avait été reconnu coupable, dans un premier temps, « d’apostasie ». Le dossier est alors déféré, une première fois, devant la Cour d’appel qui requalifie les faits  en « mécréance » sans toutefois aller au bout de la logique d’une démarche qui aurait dû entraîner une révision de la peine.

La suite judiciaire de cette affaire  charriant un torrent de passion,  est une saisine de la Cour suprême, par les courageux avocats de la défense, maître Fatimata M’Baye et Mohamed Ould Moine, qui décident de braver la pire de toutes les justices, celle d’une rue en ébullition, chauffée par le courant islamiste radical et décidée à dicter ses propres règles, pour faire payer, à Mohamed Cheikh ould M’kheitir, ses « attaques » contre  les fondements d’une foi spirituellement ancrée par plusieurs siècles d’exercice, et, par là, dans l’imaginaire social collectif.

 

 

Après avoir examiné  l’affaire, la Cour d’appel de Nouadhibou a basé son arrêt sur l’article 306 du Code Pénal (CP). Celui dispose que « tout musulman,  coupable du crime d’apostasie sera invité à se repentir dans un délai de trois jours. S’il ne se repent dans ce délai, il est condamné à mort, en tant qu’apostat. Toute personne coupable du crime d’apostasie (zendagha), sera, à moins qu’elle ne se repente au préalable, punie de la peine de mort. Si elle se repent avant l’exécution de cette sentence, le Parquet saisit la Cour suprême, à l’effet de sa réhabilitation dans tous ses droits, sans préjudice d’une peine correctionnelle prévue au premier alinéa du présent article (3 mois à 2 ans d’emprisonnement et une amende de 5000 ouguiyas à 60.000 ouguiyas) ».

 

On légifère sous la pression de la rue

La décision de la cour d’appel de Nouadhibou déclenche à nouveau la colère de la rue, toujours habilement manipulée par le courant radical islamiste. On note plusieurs tentatives visant à organiser des  manifestations, toute réprimées par une intervention sans quartier des forces de police, qui tapent sur tout le monde  et procèdent à de nombreuses interpellations. Mais, au bout de quelques jours, les autorités, fortement ballotées entre l’intransigeance des radicaux, les tentatives de récupération de l’opposition et les exigences des ONG de droits humains et des partenaires occidentaux, lâchent du lest, au profit de l’opinion interne.

 C’est dans cette logique qu’il faut placer l’examen et l’approbation, par le gouvernement, à l’occasion de sa réunion hebdomadaire du jeudi 16 Novembre dernier,  d’un projet de loi visant à abroger l’article 306 de l’ordonnance 83.162 du 09 Juillet 1983 instituant Code Pénal (CP). La nouvelle loi  vise à « durcir les peines prévues à l’encontre des individus reconnus coupables de blasphème de Dieu,  de ses messagers, de ses anges, de ses livres, ou de l’un de ses prophètes». L’adoption de la nouvelle loi intervient sur fond d’allégations contradictoires, quant au sort du jeune blogueur, entre la thèse d’une exfiltration hors du territoire national, celle de son placement dans un endroit sous haute protection, ou une « détention » sans aucun mandat de justice.

                     AS