Calamités…. Calamités…. Calamités…

3 August, 2017 - 00:55

La campagne de la consultation référendaire que le gouvernement prévoit d’organiser, le 5 Août 2017, se sera révélée particulièrement exceptionnelle. Puisque jamais, depuis l’enclenchement du processus démocratique, au début des années 90, aucune campagne électorale pour n’importe quelle élection n’aura connu autant de tension, autant de surenchère, autant de bizarrerie. Dès le départ, le ton a été donné, par le Président qui a donné quartier libre aux fonctionnaires du pays, en déclarant que, pendant deux semaines, le travail cesserait dans toutes les administrations, pour répondre aux crimes et mensonges des « autres » (NDLR : de l’opposition). Avant d’envoyer quasiment tous ses ministres comme coordinateurs de la campagne en faveur du oui aux amendements, dans toutes les wilayas. Conséquence : usage immodéré des moyens publics et désertion des lieux de travail. Imaginez un peu ce que cela peut représenter en termes d’argent : deux semaines de salaires indus, à une quarantaine de mille de fonctionnaires ; centaines de milliers de litres de carburant gaspillés, par les voitures des responsables des campagnes, par les services régionaux, les militaires et autres services de police, de gendarmerie et de la Garde chargés de  la sécurité et de la répression des convois et des manifestants. Les Mauritaniens attendent, de pied ferme, les révélations qu’Ould Abel Aziz a promis de divulguer. Dans ses discours, il leur en a donné juste un avant-goût : les sénateurs sont des corrompus qui ne servent à rien, leur chambre est un  foyer incandescent de gabegie qui a déjà englouti, inutilement depuis sa fondation, plus de seize milliards d’ouguiyas. Le Président s’est cependant abstenu de nous dire combien le BASEP a englouti depuis sa fondation, à raison de 900 millions d’ouguiyas par an ; combien ont coûté ses propres voyages, depuis 2008, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, en termes de kérosène et de frais de mission. Entre autres informations sulfureuses qui auraient certainement intéressé les Mauritaniens. Probablement beaucoup plus que les vieilles rengaines : les opposants au oui ne sont que des ennemis de la Nation ; qu’une bande d’escrocs et de malveillants ou, pour reprendre les propos de son tonitruant et phénoménal ministre des Finances, un ramassis de « vieillards qui font du cinéma ». A peine plus subtil : la Constitution n’en serait pas à son dernier amendement : « Nous continuerons à la changer, jusqu’à en faire une Constitution pour nous-mêmes, conforme à nos traditions, à nos valeurs, à nos réalités culturelles » et, pourquoi pas, à nos desseins inavoués. « Qui veut manger sa maman… », disait la sage hyène, ou « qui veut noyer son chien... » Pour plaire au Président, chacun y va de sa méthode. Des maires constitutionnalistes pour qui ni un troisième mandat ni un quatrième ne seront de trop, pour permettre, au pays, de ne pas laisser filer un homme si providentiel, exploseur des énergies, président indispensable. Des maires historiens pour qui l’hymne national est l’œuvre d’un goumier anonyme des années 1924. Le drapeau est colonial, toutes ces choses ne nous engagent pas, des lubies de colon. Des maires, des ministres, des notables, des fonctionnaires qui rivalisent d’incongruités et d’inconvenances, pour « refroidir » le cœur d’un homme dont les gesticulations et les atermoiements trahissent la peur de l’issue d’une consultation-couloir obligé vers d’autres perspectives. La dernière déconvenue, en date du 17 Mars 2017, avec le vote négatif des sénateurs, n’autorise plus à dormir tranquillement sur ses lauriers. La petite campagne de la Rencontre Démocratique, la grande mobilisation des populations dans la rue, en réponse à l’appel de l’opposition et la lame de fond de mécontentement populaire sont autant de facteurs qui hantent le sommeil du pouvoir. Les autorités paniquent. Leur gestion des manifestations des opposants au referendum le prouvent éloquemment. L’hystérie des propos des plus hauts responsables, la violation des dispositions élémentaires de la Constitution et le cafouillage de l’Administration  démontrent la fragilité et le manque de confiance d’un système aux abois qui ne semble pas encore au bout de ses peines.

El Kory Sneïba