Patience, on n’en est pas à nos derniers amendements

27 July, 2017 - 01:47

Ce que j’ai retenu du meeting présidentiel de Rosso, c’est qu’en Mauritanie, on n’en est pas à nos derniers amendements constitutionnels. ‘’Notre constitution ne restera guère figée. Non, elle devra être adaptée, au fur et à mesure, à nos réalités’’ , a dit le président  Abdelaziz. Inspirée de la loi fondamentale française, la constitution du 20 Juillet 1991 doit encore être révisée pour qu’elle soit «nôtre», a-t-il dit en substance. Cette constitution,  comme bien certains de nos textes de lois doit, aux dires du général Abdelaziz, être «tropicalisée» pour qu’elle soit conforme aux réalités nationales. Moi, j’en ai  retenu bêtement qu’il  y aura d’autres amendements constitutionnels. Autant que le général président voudra ! Avec le précédent de l’article 38, tout président peut réviser la constitution comme il veut. Il suffit de consulter le peuple par voie référendaire et de proclamer les résultats.  Et c’est d’ailleurs ça que dénoncent les partis de l’opposition  qui redoutent que, de but en blanc, on en arrive à déverrouiller certains articles pour aboutir à des mandats présidentiels illimités! Mais c’est comme ça que peuvent rester dans les affaires tous les présidents ‘’qui n’acceptent ni la démission, ni la défaite’’. Voilà. Prenez donc votre mal en  patience, on n’en est pas aux derniers amendements, le président l’a dit furtivement, sans que cela attire le moins du monde l’attention des uns et des autres, mais c’est fait.

A part ça, dans ce discours, le président s’est vertement attaqué au sénat et aux sénateurs. Il a dit que, depuis sa création, cette chambre a coûté près de 16 milliards d’Ouguiyas au trésor public et  a affirmé sans ambages que le sénat  a  fait souffrir les Mauritaniens. Mais le président  s’est gardé de nous dire comment et quand cette chambre scélérate nous a rendu la vie difficile. Aussi s’est-il  gardé de nous dire si cette chambre s’est rendue coupable envers nous avant ou après les diners répétés que la présidence de la République a organisés en l’honneur des sénateurs !  Il ne nous a pas dit, non plus, si c’est avant ou après les terrains et exonérations de véhicules généreusement octroyés par ses soins à ces élus du peuple. Il ne nous a pas dit surtout  si c’est avant ou après les commissions d’enquête sur les marchés de gré à gré et sur l’origine du financement de la fondation Rahma désormais présidée par le fils ainé du président.   Le général Abdelaziz  a omis de parler de tous ces détails qui sont pourtant très significatifs.  Certes. Mais s’il n’a pas pipé mot sur tout ça, le président s’en est allé remonter un peu plus loin dans le temps pour nous dire que les sénateurs étaient, au départ, mal élus, qu’ils s’adonnaient au répréhensible  achat de conscience de leur collège électoral numériquement limité et corruptible à souhait.                                                                                                                                                                Faut-il trouver dans ce dernier élément une explication au fait que le général et son régime n’ont jamais daigné renouveler les tiers du sénat ?  Peut-être bien. Mais toujours est-il  que le pouvoir n’a jamais voulu renouveler les tiers du sénat dont les mandats sont tous arrivés à leurs termes ! Non, non, le pouvoir n’a  pas voulu de ce renouvellement  parce que, tout simplement,  le général n’admet pas l’achat de conscience qu’il trouve justement immoral comme les dessous de table, les marchés de gré à gré, le mensonge, les fausses promesses  et toutes les actions indélicates qui permettent de voler l’Etat et voler le citoyen. 

En dehors de ça, le discours présidentiel rossossois a été somme toute très ordinaire. Pas de révélations, pas de surprises, comme on en avait promis. Même pas un seul mot sur le viol du secret des correspondances du sénateur Ghadda, qui a inondé le Web, ces derniers jours.  Cela a fait dire à quelqu’un, au terme du discours de Rosso, que la promesse de révélations  est juste un stratagème destiné à entretenir le suspens et à drainer le maximum de participants aux meetings présidentiels.  Et la boucle est bouclée. Sans que le président n’ait réagi  à l’arrestation, sur place et devant lui, de jeunes gens qui n’ont fait qu’exprimer leur hostilité  aux présents amendements constitutionnels.

On verra la suite.

Ely Abdellah