Troisième mandat : La dernière d’Ould Hademine ?

13 July, 2017 - 01:19

Le Premier ministre, Yahya ould Hademine, est en tournée, depuis quelques jours,  dans le triangle dit « de pauvreté » (Assaba, Gorgol et  Guidimakha). Officiellement, pour inaugurer  des chantiers  achevés et  pour en lancer de nouveaux. Mais, comme chez lui, au Hodh Charghi, il ne s’est pas fait prier pour parler politique, objectif  supérieur,  semble-t-il,  de son déplacement. Au Hodh il s’était contenté de laisser entendre que le pouvoir allait survivre à l’élection présidentielle de 2019. Devant les populations de Bouratt, il a, carrément, franchi le Rubicon, en annonçant, pince-sans-rire, que Mohamed ould Abdel Aziz  dont le dernier mandat présidentiel court à sa fin, en briguerait un troisième. A la demande, souhaite-t-il, des populations, pour achever les chantiers qu’il a mis en oeuvre. Message auquel la classe politique mauritanienne s’attendait, depuis quelque temps, même si le Président avait haut fort clamé, il y a plus d’un an, déjà, que, oui, bien sûr, il respecterait la Constitution qui limite le mandat présidentiel à deux. Une déclaration réitérée on ne peut plus officiellement, devant les dialoguistes de 2016 rassemblés.

La sortie du PM intervient, elle, en plein bras de fer avec les sénateurs qui ont rejeté les amendements constitutionnels  préconisés par  l’accord du 20 Octobre 2016 et l’opposition démocratique (FNDU), hostiles  tous les deux au referendum convoqué, par le président de la République, le 5 Août prochain. Celui-ci avait décidé, on s’en souvient,  de recourir au très vague article 38 de la Constitution, pour déglinguer ceux de son titre XI, très précisément relatifs, eux, aux amendements de la loi fondamentale, et convoquer, ainsi, « son » referendum, ce contre quoi se sont élevés et s’élèvent toujours les sénateurs et une grande partie de l’opposition, dénonçant un vrai « tripatouillage ».

Si elle est  acquiescée par son mentor, la déclaration du PM oblige,  forcément, au déverrouillage de l’article 26 de la Constitution qui limite à deux le mandat du président de la République. Comment faire ? Recourir encore à l’article 38, pour  demander, au peuple mauritanien, de trancher par referendum ? Celui prévu en Août prochain, éventuellement à nouveau reporté ? Ou encore un autre, l’année prochaine ?

En effet, depuis le dernier dialogue, la question du troisième mandat était bien dans l’air, même si le Président avait tranché, le 20 Octobre dernier. Nombre de ses suppôts se démenaient pour lui faire changer d’avis. Qu’il se dédise,  tout simplement. A l’instar d’Abdoulaye Wade, au Sénégal, qui  y consentit pour briguer un troisième mandat. Comme Blaise Compaoré qui tenta, lui aussi, le coup de force pour  rester au pouvoir. On connaît, dans l’un et l’autre cas, la suite. Jamais deux sans trois ?

Bref, Ould Abdel Aziz aurait-il décidé de laisser tomber ce dont on le suspectait : la solution à la Poutine ? Une chose est aujourd’hui sure : la question du troisième mandat est revenue à la mode. Nombre de chefs d’Etat du Continent songent, à l’approche du terme de leur dernier  mandat, à se représenter en modifiant la Constitution de leur pays. Certains  se verraient bien en Mugabe, Denis Sassou Nguesso  ou N’Kurunziza. Alpha Condé y pense déjà, sinon, l’on se demande pourquoi  la déclaration, à Addis Abeba, du ministre sénégalais des Affaires étrangères l’a tant vexé. Mankeur N’Diaye y a dit, en substance, que le Sénégal s'érigerait contre tout président en quête de troisième mandat. Alpha Condé ne s'est pas fait prier pour le recadrer : « Ce n’est pas à vous de nous dire cela. Ce n’est ni le moment ni le thème du jour ». Le président mauritanien qui se trouvait, lui aussi, à Addis, aura été, une fois n’est pas coutume, plus subtil que l’opposant historique du dictateur Sékou Touré.

Commanditée ou non par le général des mois d’Août, la  dernière d’Ould Hademine  jette un gros pavé dans la mare, déjà fort troublée par le referendum du mois prochain et la tension politique qui  prévaut depuis des années. Nous sommes partis pour deux longues années de campagne électorale.  Avec l’arrestation du sénateur Ould Ghadda, un des pourfendeurs du pouvoir azizien, l’atmosphère estivale s’est subitement très alourdie. Gare aux dérapages ! Mais n’est-ce pas là, justement, ce que cherche à provoquer le général aux abois ? Sous le complet-veston, les bottes : rien de tel qu’un bon énervement populaire pour les astiquer… Auront-elles le dernier mot ?

DL