Scandales à gogo : En veux-tu, en voilà

6 July, 2017 - 01:06

En 2005, un groupe de militaires renversent le président Taya. Un Comité militaire pour la justice et la démocratie (CMJD) avec, à sa tête, feu Ely ould Mohamed Vall, vient aux affaires nationales et promet de rendre le pouvoir aux civils. La promesse est tenue au bout de dix-neuf mois et, à l’issue d’une élection présidentielle organisée en Mars 2007, Sidi Mohamed ould Cheikh Abdallahi est élu président de la République. Moins de quinze mois plus tard, il est renversé par le responsable de sa sécurité qu’il vient de limoger. Après donc un petit intermède, les militaires au pouvoir depuis 1978 le reprennent. Le général Mohamed ould Abdel Aziz, nouveau patron de la junte, promet au peuple de partager la justice et de déclarer une guerre sans merci à la gabegie. Après les fameux accords de Dakar, une nouvelle élection présidentielle, en 2009, lui permet de « légitimer » son coup d’Etat. Sa « rébellion », comme aimait à le rappeler feu le président Ely ould Mohamed Vall. Officiellement, le pouvoir et son gouvernement prétendent que la lutte contre la gabegie a permis de restituer des dizaines, voire centaines de milliards, au Trésor public. D’autres pensent, au contraire, que les slogans comme « président des pauvres » et « campagne d’assainissement de la gestion publique » ont juste servi, à leur promoteur en chef, Mohamed ould Abdel Aziz, et à ses soutiens civils et militaires, de bien asseoir leur emprise sur tous les secteurs de la vie nationale. Certaines affaires aux contours « peu » transparents ont, de fait, jeté le discrédit sur les prétentions, déjà très écornées, du pouvoir et de sa volonté de lutter, réellement, contre la gabegie et la malversation. Pour preuves, divers grands projets, lancés, par le général Mohamed ould Abdel Aziz, depuis son arrivée au pouvoir en 2008, qui ont coûté, au Trésor, des centaines de milliards, sans être véritablement réalisés. Après neuf ans de règne. En voici quelques exemples.

 

MDC, des avions en l’air

Ce projet constitue, certainement, l’une des plus grandes stupidités de l’histoire contemporaine du pays. La MDC devait procéder à la fabrication d’avions à exporter dans le monde entier. Un gros mensonge qui aura coûté, au Trésor, 23.650.000 dollars. Un modèle de détournement et de surfacturation. A titre d’exemple : un Lancair version 2012, l’avion proposé, est exposé à la vente, pour 1,45 million de dollars, alors qu’il est enregistré, au contrat d’achat, pour 21,5 millions de dollars. Rappelons, ici, qu’un Lancair d’occasion coûte 500.000 dollars. L’usine devait livrer son premier avion en 2013. Selon les informations glanées, le premier responsable de ce scandale est le président Mohamed ould Abdel Aziz, suivi du ministre de l’Equipement de l’époque, Yahya ould Hademine, l’ambassadeur de la Mauritanie à Washington, Mohamed Lemine ould Haycen et le PDG de la MDC, Eom Jibson.

 

Qui s’est sucré ?

Lors de sa visite au Soudan, en Janvier 2010, le général Ould Abdel Aziz supervise la signature d’une convention, relative à l’érection, en Mauritanie, d’un complexe industriel de production de sucre, pour une capacité de 60.0000 T/J de cannes à sucre, un budget de 335 millions de dollars et deux mille emplois. Une enveloppe de 440 millions de dollars a été versée. La Mauritanie  en a donné 60% et le partenaire soudanais devait donner les autres 40%. Et le ministre des Affaires économiques de l’époque, Sidi Ould Tah, de fanfaronner : « C’est le plus grand projet agricole et industriel alimentaire jamais réalisé par le pays, durant toute son histoire ». Mais, après la fondation de la société et la désignation de ses fonctionnaires, les partenaires soudanais se désistent, ne versant que cinq millions de dollars sous forme de subvention technique. Suite à ce désintérêt subit, la Mauritanie demande, aux partenaires institutionnels nationaux, comme la SNIM, la CNAM, les banques ou le Port de Nouakchott, de mobiliser l’argent nécessaire à la contribution du gouvernement. Histoire de continuer à entretenir un projet mort-né, continuer à payer de hauts fonctionnaires, dont l’actuel président de l’UPR, alors président du conseil d’administration de ladite société et donner, complaisamment, des marchés de gré à gré et autres consultations et études à des proches du pouvoir. Ce qui a conduit à dilapider plus de dix milliards d’ouguiyas dans un gigantesque détournement organisé.

 

Logement in(décent)

Fondée en 2010, sur les cendres de la SOCOGIM, ISKAN a pour mission d’exécuter la stratégie du gouvernement dans le domaine de l’habitat. Ses deux prédécesseurs, la SOCIM et la SOCOGIM, ont construit des quartiers qui portent encore leur nom, à Nouakchott et à Nouadhibou. ISKAN dépense, pour sa part, beaucoup d’argent… sans résultats : 60 milliards pour la fondation de villes fantômes comme Chami, Termesse, Nouveau Benichab, PK7 Rosso, Tarhil à Nouakchott, et à Nouadhibou et Nbeyket Lahwach. Son projet de construire 4000 logements, à Nouakchott, destinés à la location/vente est restée lettre morte. Sa convention, signée dans un protocole de Mai 2011, avec la Société saoudienne de prêt et d’investissement, pour la construction de 30.000 logements à Nouakchott et dans les villes de l’intérieur n’a pas avancé.

 

Les ailes brisées de la MAI

Alors que logiquement, l’Etat mauritanien devait opter pour la nationalisation de la Mauritanie Airways dont il détenait 10% du capital, il a préféré lancer une autre société – MAI – qui récupère un Boeing 737-700 cloué au sol à Perpignan (France), propriété d’une société sénégalaise en faillite depuis Avril 2009. La nouvelle société débloque, à cette fin, 25 millions de dollars. Un prix excessivement cher, selon les spécialistes. Première mauvaise opération. Quelques semaines plus tard, le directeur général part finaliser, à Prague, l’achat de deux Boeing 737-500 à la société tchèque d’aviation. La SNIM aurait contribué, dans cette affaire, pour 40 millions de dollars. Mais, après cinq ans d’activités, la MAI reste encore incapable d’assurer la desserte des aérodromes de Néma, Sélibabi, Tidjikja,  Kiffa et Aïoun. Pire, ses trois engins volent avec des moteurs loués. Depuis sa fondation, elle n’a jamais publié ses comptes, n’a fait l’objet d’aucune inspection, n’a versé aucun sou, ni aux impôts, ni au Trésor, ni, moins encore, aux institutions nationales qui lui ont fourni ses équipements et ses sièges. Sa tentative d’intégration avec une société nigérienne a échoué et ses vols vers Paris et les villes d’Afrique centrale sont arrêtés.

 

STP, un gouffre à subventions

En 2005, l’Etat procède à la réforme du secteur des transports. Le bureau des transports qui en avait le monopole, pendant plus de vingt ans, est désavoué. Une société des transports publics est fondée. Elle sera subventionnée par l’Etat et les privés nationaux. Pour lancer son réseau de transport urbain, en 2010, le gouvernement sollicite l’appui du Venezuela et de l’Iran. Sans aucune étude préalable, la STP est née et devait être dotée de plusieurs centaines de voitures. Une banque privée iranienne lui concède un prêt, avec la garantie de l’Etat d’Iran. Un contrat opaque est passé, avec la société iranienne Khodra, pour la livraison de 200 bus  et de plusieurs conteneurs de pièces de rechange. Finalement, seuls 65 bus sont acheminés. Le reste attendrait une notification financière des partenaires, à la BCI. Mais la STP commence à fonctionner, lentement, presque sans moyens. La visite du Premier ministre et de son directeur général, au siège de la société iranienne partenaire, ne lui fut d’aucun secours. Pour lui mobiliser les fonds, l’Etat oblige certaines sociétés publiques à lui acheter des actions et lui octroie, afin de lui éviter la faillite, un impôt, prélevé sur chaque litre de gasoil consommé, sur l’ensemble du territoire national. L’écurie de la société est renforcée par un lot de bus venus de France, après avoir été interdits de circulation dans la région parisienne et l’on attend une commande qui viendrait de la république de Chine. Selon diverses informations concordantes, la STP constitue l’un des foyers les plus ardents de la gabegie systématisée où se trament les affaires les plus rocambolesques et les plus opaques. Les lobbies qui profitent de cette anarchie sont si puissants qu’ils lui évitent, à chaque fois, le débarquement des services de l’inspection générale d’Etat.

 

CDD, la pompe à fric

En février 2012, le conseil des ministres adopte un projet de loi fondant une société de  dépôt et d’épargne, avec, pour objectifs, le dépôt, l’assurance et le développement. Comme les banques, cette institution va financer les projets d’investissement dans tous les domaines, particulièrement celui des industries. Un proche du président, Ahmed ould Moulaye Ely, est choisi pour diriger l’institution. Des notifications financières lui sont rapidement accordées et la voilà très vite en besogne. En quelques mois, des milliards d’ouguiyas sont distribuées… sans aucune garantie. Pour exemple, la convention de prêt, signée au profit d’un général retraité, pour lui permettre, via un projet ad hoc, de briguer la présidence de la fédération des agriculteurs. Après quelques temps, il s’avère que cette caisse a battu tous les records, en termes de faiblesse de recouvrement. Mais paradoxalement, la CDD s’instaure en caisse-providence pour les banques primaires proches du pouvoir qui ont des problèmes de liquidité. Elle accorde ainsi 1 milliard 200 millions à la Maurisbank, déjà en état avancé de faillite, 500 millions à la BMS, 500 millions à la BPM et 500 millions à la NBM (Nouvelle Banque de Mauritanie) qui appartiennent toutes à… qui vous savez. Et lorsque la SNIM veut se débarrasser de sa filiale Daman Assurances, pour régler quelques soucis d’argent, c’est encore la CDD qui se porte candidate à payer les pots cassés. Des informations rapportent que les membres de son comité de gestion et de crédit sont endettés, jusqu’aux cheveux de leur tête, avec proches et amis. Une aventure de plus qui a fait partir en fumée plus de 30 milliards d’ouguiyas, au pays de la lutte contre la gabegie.

Sneiba El Kory