3-5 Juillet 1978 : Une concertation avec les militaires, organisée par le président Moktar Ould Daddah, permet aux conjurés de mettre au point leur coup

6 July, 2017 - 00:59

Du 3 au 5 Juillet 1978, au trentième mois de la guerre qu’a imposée l’Algérie à la Mauritanie, bien plus qu’au Maroc depuis le partage entre riverains du territoire administré par l’Espagne, le président Moktar Ould Daddah, responsable incontesté du pays depuis plus de vingt-et-un ans réunit la hiérarchie militaire. Aucune de ses collaborateurs civils n’en est averti, le président de l’Assemblée nationale, depuis près de vingt ans l’un de ses principaux confidents, ne l’apprendra que par hasard : son épouse, présidente du Croissant rouge, croise l’ensemble des participants et s’étonne de ce mouvement.

 

Ce jour-là, Chaab, l’unique journal national, celui du Parti du Peuple Mauritanien publie en éditorial qu’« à la suite de la décision du B.P.N. de donner à l’application de la Chariâa islamique un contenu substantiel et un droit de cité dans l’ensemble de la vie nationale de notre pays, les motions de soutien et d’entière adhésion continuent de parvenir au Chef de l’Etat, secrétaire général du Parti, Me Moktar Ould Daddah. Par l’élan patriotique et le délire populaire qui ont accueilli la décision de la direction nationale, les militants de base à l’intérieur du pays ont voulu montrer à la face du monde leur attachement inconditionnel à la politique de l’homme qui s’est donné sans répit à la réalisation des aspirations profondes du peuple mauritanien ».

 

La réunion dont il semble qu’aucun compte-rendu n’ait été écrit ni à plus forte raison diffusé, n’est pas une concertation sur les opérations en cours ni sur l’effort de guerre dans son ensemble, mais porte sur l’exemplarité des forces armées en matière financière : comportements des personnes. « Je ne peux plus accepter certains agissements », déclare le Président. Et pénurie budgétaire.  De 3.000 hommes avant le conflit, l’armée nationale est passée à plus de 15.000. Ses cadres sont formés et entrainés dans une école inter-armes en coopération avec la France. Sans que les accords de défense initialement conclus jusque après l’indépendance, aient été renouvelés lors de la révision de l’ensemble des relations avec l’ancienne métropole [i], le président français Valéry Giscard d’Estaing a décidé de faire poursuivre par deux Jaguar, sur demande particulière de son homologue mauritanien, pour chaque intervention, les colonnes ennemies au contact des forces. Jamais, depuis l’indépendance, la relation entre la Mauritanie et la France n’a été aussi confiante et opérationnelle. Le 14 Juin, Valéry Giscard d’Estaing, en conférence de presse : «  Je n’ai trouvé personne qui mette  en doute les qualités respectables du Chef de l’Etat mauritanien … La République islamique de Mauritanie est d’une parfaite dignité et a su faire l’objet de la considération de l’ensemble de ses partenaires arabes islamiques » ; il dément qu’il y ait des troupes françaises en Mauritanie.

 

Trois semaines auparavant, à Paris, en marge du sommet franco-africain, auquel il assiste pour la première fois depuis la dissolution de la Communauté et de toutes institutions ayant succédé à l’organisation coloniale de la France d’Outre-Mer, le président Moktar Ould Daddah déclare que la situation militaire s'est considérablement améliorée. Et commente : « nous nous sentons totalement libres, nous n’avons plus à l’égard de la France de complexe parce que l’agression que nous avons subie dépassait nos moyens. L’aide que la France apporte à notre pays est l’expression d’une solidarité pour ne pas dire d’un devoir » [ii]. En fait, la guerre est devenue d’usure, elle est donc de plus en plus politique et le front est diplomatique. A cela, la Mauritanie avec son fondateur et l’inamovible ministre des Affaires Etrangères depuis Avril 1970 : Hamdi Ould Mouknass, excellent. C’est le front politique qui va céder, et du fait de l’encadrement militaire supérieur.

 

La structure des relations entre le pouvoir politique et les forces armées a été définie, près de dix ans auparavant, selon le principe de l’intégration des forces armées et de sécurité au Parti unique de l’Etat, lors du IIIème congrès du Parti du Peuple Mauritanien, tenu à Nouakchott du 23 au 27 Janvier 1968. Il ne s’agit nullement de subordination entre entités comparables, mais de l’entrée en politique active de « la grande muette ». C’est affaire de participation. Dans le même esprit, depuis le IVème Congrès ordinaire, tenu du 15 au 20 Août 1975, le Bureau politique national s’est considérablement élargi par la participation de membres de droit, représentant les forces économiques et sociales, sans que ces représentants soient forcément acquis et aux institutions et aux orientations politiques d’alors, et il n’existe plus de Comité permanent, direction très restreinte du pays.

 

Une mission de préparation psychologique avait visité les garnisons de Moudjeria, Néma, Aïoun, Kiffa, Kaédi, Rosso, Atar, F’Derick, Bir-Moghrein et Nouadhibou du 5 au 11 Juin 1969 et du 22 au 25 Juillet. Elle était composée du président de l’Assemblée nationale, alors Youssouf Koïta, d’Ahmed Ould Mohamed Salah, chargé de la permanence du Parti, Baham Ould Mohamed Laghdaf, ministre de la Défense, du capitaine Moustapha Ould Mohamed Saleck, chef d’état-major national, du capitaine Dia Amadou, faisant l’intérim du chef de corps pour la gendarmerie et enfin du capitaine Cheikh Ould Boidé, inspecteur de la garde nationale, qui fera le rapport, avant de présider quinze ans plus tard la plupart des procès politiques intentés par les putschistes à tous contestataires et d’abord aux responsables du régime fondateur. La tonalité de cette rédaction étonne car rien n’est analysé de possibles réticences des militaires, en hiérarchie ou en hommes de troupe. « La vague de contestations et de luttes psychologiques orchestrées par les anti-parti, les anti-régime et les éléments irresponsables de tous bords » est censée ne pénétrer en rien l’armée, où l’on est au contraire avide de cette intégration. Les problèmes ne sont apparemment que de détail [iii]. Enregistré à la présidence de la République le 11 Novembre 1969, le rapport de Cheikh Ould Boidé a été immédiatement lu, mais sans annotations, par Moktar Ould Daddah. Il rend compte des exposés donnés par les différents membres de la mission, mais aussi des réactions, qui sont toutes de l’ordre pratique, jamais de la faisabilité ou de l’opportunité. Pourtant, les exposés sont partis de l’analyse de la crise de Janvier-Février 1966 où c’est bien l’armée et le syndicat qui ont, sans concertation avec le Parti, soudainement divisé selon des alliances claniques et des origines ethniques, sauvé celui-ci en soutenant l’autorité politique, et manifestement le président régnant, Moktar Ould Daddah.

 

Bien après leur forfait, qu’ils ont constamment présenté à eux-mêmes et au pays comme une action salvatrice, les putschistes du 10 Juillet 1978 conviennent que la « politique » ne les intéressait pas et qu’ils ne sont intervenus que pour arrêter la guerre. Pour le chef nominal [iv], le plus ancien dans le grade le plus élevé, Mustapha Ould Mohamed Saleck, chef d’état-major national à trois reprises [v], comme pour Mohamed Khouna Ould Haïdalla [vi] au parcours très différent et uniquement de commandement sur le terrain jusqu’au putsch, l’analyse est restée la même : « le coup d’Etat n’avait pas pour but essentiel le renversement de Moktar, mais plutôt l’arrêt de la guerre. Moktar, quelques mois avant le coup d’Etat, avait réuni l’Etat-Major de l’armée et les principaux officiers du front, commandants de régions et commandants des secteurs. A la clôture de la réunion, il nous a déclaré ceci : « A partir de maintenant, nous ne devons plus compter que sur nos propres moyens. La plupart des pays amis ont arrêté leur aide. Cette guerre est ruineuse mais nous ne pouvons pas l’arrêter. Nous sommes obligés de la continuer, même avec des bâtons. » Cette conclusion a été interprétée par certains officiers, comme une invitation au coup d’Etat. Pour nous, la poursuite de la guerre devait conduire le pays à la catastrophe. Il fallait donc arrêter la guerre et cet arrêt ne pouvait se faire que par le renversement du régime en place. C’est seulement en 1978, après le coup d’Etat, que j’ai commencé un peu à m’intéresser aux affaires de l’Etat. C’est dire que j’étais très loin de la conduite des affaires du pays et de ce qu’il se passait au gouvernement. »

 

De fait, la situation économique et financière est difficile : le 1er Juillet, la Société nationale industrielle et minière qui a succédé depuis la nationalisation du 28 Novembre 1974 à la Société des Mines de fer de Mauritanie, communique qu'elle n'a exporté que 3 millions de tonnes de minerai depuis le début de l'année, alors que le seuil de rentabilité est de 8,5 millions de tonnes.

Malgré l’intégration au Parti, malgré de nombreuses nominations d’officiers supérieurs dans le gouvernement ou à la tête des régions, et donc des fédérations du Parti, l’esprit est resté différent et le débat seulement intime. Il en résulte deux mouvements des esprits, la façade et la perplexité.

 

Les 9 et 10 Juin 1978,  a lieu la fête des Forces armées et de sécurité. A cette occasion, le Président de la République adresse un message aux forces armées : « Soyez à chaque instant plus confiants en vous-mêmes, et constamment confiants que votre peuple et vos chefs auront à cœur de renforcer vos moyens, et soyez toujours plus disciplinés, plus vigilants et plus persévérants ». L’ambiance et le discours sont décalés. Le débat du moment est la lutte contre la corruption et la mise en œuvre de la charia. L’avant-veille, Moktar Ould Daddah a lancé publiquement une campagne et vingt hauts-fonctionnaires. Toutefois le Bureau politique national limite la portée de ce discours à  la poursuite des fonctionnaires détenant des actions dans le secteur privé : ceux-ci seront relevés de leurs fonctions, mais pas pour autant radiés de la Fonction publique. L'application de la charia, annoncée, ne donnera cependant pas lieu à l'administration sévère des châtiments corporels. La discussion est vive et une motion de soutien du Conseil supérieur des jeunes est refusée de diffusion, mais le 23 Juin, à l’issue de la prière, une marche de soutien au Président est organisée à travers tout Nouakchott.

 

Ainsi, tout se passe comme si la direction du pays et sa défense n’étaient plus qu’en relations implicites de confiance et d’estime mutuelles, mais sans que soient organisées, entre gouvernement et armée, la délibération stratégique et la guerre psychologique. La réunion, censée stimuler les militaires, va les déterminer. La confiance du président-fondateur – Dieu ait son âme – est telle que la perspective de son propre renversement – puisqu’il est au courant de ce qui est tramé et va se passer, d’ailleurs assez différemment, du plan primitif [vii]– ne l’entame. Les militaires aboutiront et, même sans lui, le pays aura fait aboutir en bonne partie sa pétition, exprimée dès le 1er Juillet 1957, à Atar, une réunification de l’ensemble mauritanien, tronçonnée par les accords franco-espagnols du début du siècle. Les futurs putschistes sont d’une appréciation totalement contraire : « la machine étatique s’était arrêtée depuis que la guerre avait été déclarée ; que les efforts et le courage humains n’étaient plus suffisants à eux seuls pour poursuivre la guerre ; que le pays commençait à se dépeupler en direction de l’Algérie (appels du Polisario) ou vers le Sud (Sénégal, Mali,…) ; que la SNIM, seule source de financement, n’avait plus de carburant pour les forces armées et les troupes combattantes ; même si les forces armées s’étaient battues jusqu’au dernier homme… comme il leur fut demandé et comme elles y étaient prêtes. Les mécontentements étaient grandissants et à tous les niveaux. » [viii] 

 

[i] - les nouveaux accords signés à Nouakchott les 14 et 15 Février 1973

 

[ii] - Europe 1, 23 Mai 1978

 

[iii] - « De nombreuses questions, dont les plus essentielles sont celles qui suivent, ont été posées :

1°/ Est-ce que les Forces armées ne peuvent pas participer à la construction nationale sans être intégrées au Parti ?

2°/ Rôle des Forces Armées au sein du Parti ?

3°/ Est-ce que l’éducation politique des Forces Armées est prévue ? – et par qui sera-t-elle assurée ?

4°/ Est-ce la discipline sera toujours garantie avec l’intégration des Forces au Parti ? Discipline et Politique sont-elles conciliables ?

5°/ Est-ce que les Forces seront représentées à tous les niveaux du Parti ?

6°/ Quels seront les rapports entre les comités spéciaux et les comités ordinaires du Parti ?

7°/ Quelle est la voie de développement suivie par la Mauritanie ?

8°/ Est-ce que les sanctions prévues dans le règlement intérieur du Parti seront appliquées aux militaires ?

9°/ Est-ce que les familles des militaires et des autres membres des Forces de sécurité ne peuvent pas adhérer directement dans les comités spéciaux ?

10°/ Pourquoi on ne nous autorise pas à adhérer directement dans les comités ordinaires du Parti ? (Problème de l’intégration totale posé par certains cadres).

11°/ Est-ce que des militaires se promenant en ville peuvent assister à un meeting organisé par les instances locales du Parti ?

12°/ Certains des textes des différents Corps interdisent au personne de faire de la politique. Est-ce que ces textes seront modifiés ?

13°/ Est-ce que les militaires seront soumis à la détention de la carte tout comme les adhérents des Comités ordinaires ou non ? … »

 

[iv] - entretien du 23 Avril 2006, publié par le Calame les 8, 15 et 22 Juillet 2008 – extraits :

M. Sall Abdoul Aziz, à l’époque directeur de cabinet du Président, peut le confirmer. Je lui dis : j’ai l’impression  que je piétine, je tourne sur place. Il y a des procédures. Ou bien nous voulons faire une armée, engager cette armée à un certain niveau. Si ce n’est pas le cas, moi je pense que j’ai encore un minimum de vigueur, confiez-moi de grâce quelque chose qui me permette d’être utile au pays et ne me demandez pas de former des soldats qui ne font plus que manger et boire. Pendant très longtemps avec gentillesse, il m’a écouté. Vous êtes très fatigué, on va vous envoyer à Las Palmas, il y a des hôtels, passer un mois à l’étranger. – Je ne suis pas du tout fatigué … il me faut régler cette affaire, il me faut un équipement, il me faut une armée. Qui soit digne de ce nom, quelque chose d’abouti. Cela ne m’intéresse pas de faire de la politique. A ce moment-là, naturellement, on traversait toutes ces phases de vouloir intégrer l’armée au Parti. Le ministre du Parti, où chacun à son salon et où l’on compte les officiers qui sont là. Je me suis interdit ces choses-là, les militaires politiques, les politiques militaires… en tant que militaires, nous ne sommes pas faits pour faire de la politique. Ce qui m’intéresse c’est que ce pays-là reste sain et sauf. Et qu’il ait un outil militaire qui se développe, qui ait du matériel et qui suive l’évolution des matériels, que tous ces pays inventent… Rester en continuité avec ma conscience et en continuité avec ma formation. 

Naturellement, j’ai préparé le dossier, dans un domaine, dans une ambiance, dans un monde auquel je n’appartenais pas du tout, où les gens s’achetaient des officiers pour avoir le plus grand groupe. En tout cas personnellement, moi, je n’y a pas participé. Nous avons fait Tidjikja, j’ai amené le dossier, il était prêt, il comportait tous les éléments pour la  décision. A notre retour, une semaine, deux semaines, je suis revenu à la charge. Moktar a été suffisamment gentil quand même pour me recevoir, il m’a dit : nous ne sommes pas un pays en guerre, et notre vocation n’est pas la guerre. Nous n’avons donc pas à nous armer. Nous ne le pouvons pas. Nous avons autre chose de plus urgent que les armes ou que l’équipement militaire. Nous avons besoin d’une présence … d’une grande police… noble, grande qui puisse parer aux petites éventualités. Nous n’avons aucune vocation à agresser personne et personne ne viendra… J’ai répliqué : je ne suis pas de cet avis. Nous avons des mines, nous avons du poisson, nous avons certainement du pétrole qui va apparaître par on ne sait qui, et les gens aujourd’hui ont tous des intérêts économiques… qui attireront certainement des convoitises de tous côtés. Et nous ne pourrons pas affronter ces situations. Moi, en tous cas, je ne peux pas affronter cette situation. Faites les choix que vous voulez, moi, je veux bien gérer peut-être des citoyens, les aider sur le terrain, mais pas cette expectative dans laquelle vous nous conservez… j’ai insisté plusieurs semaines, plusieurs mois, et en définitive, ils m’ont affecté dans l’administration régionale.

D’abord à Néma, adjoint à l’un des gouverneurs, puis je suis allé à Atar comme gouverneur, aussitôt après quelques mois ramené à Néma comme gouverneur, etc… je me suis exercé dans ce domaine de l’administration. Qui n’était d’ailleurs pas moins fatiguant, au contraire où j’ai eu à apporter certaines choses, au point que le Président a exigé que les gouverneurs soient présents à toutes les réunions du Bureau politique. Nous étions convoqués à toutes les réunions à participer à l’avenir du pays sans avoir à renier de mon côté le terrain.

 

[v] - du 25 Décembre 1965 au 10 Février 1967 par intérim de M’Bareck Ould Bouna Moktar, stagiaire en France ; il l’est de nouveau, cette fois en titre, du 15 Juillet 1968 au 5 Octobre 1970 pour être remplacé par Ahmed Mahmoud Ould Houssein et nommé adjoint du gouverneur de la 1ère région ; enfin une troisième fois à partir du 20 Février 1978 succédant à M’Bareck Ould Bouna Moktar (qui avait cumulé cette fonction avec la charge de ministre de la Défense) 

 

[vi] - entretiens des 1er et 5 Décembre 2005, publiés par Le Calame les 11 Juillet et 9 Août 2011 – extraits

En 1978, la Mauritanie était encore en guerre. Son économie était à bout de souffle. Nous avions énormément de problèmes sur le plan économique et social. Mon premier souci était d’arrêter la guerre, car sans l’arrêt de la guerre, on ne pourrait pas penser à développer l’économie et à renforcer l’unité nationale. Je rêvais, en ce temps-là, d’une Mauritanie en paix, unie et prospère ; une Mauritanie trait d’union entre l’Afrique blanche et l’Afrique noire, comme l’avait pensé le Président Moktar Ould Daddah.

Moktar Ould Daddah était pour moi l’idéal du chef de l’Etat. Il incarnait pour moi la grandeur et la responsabilité [vi]. Nous faisions très souvent, mes amis et moi, référence à ses ministres et à tous les hommes qu’il avait choisis ; c’étaient des hommes qui n’étaient pas comme les autres.

Au retour, le 17 Juillet 1981, du prestigieux exilé, seul de ses « successeurs » militaires, le colonel Mohamed Khouna Ould Haïdalla est venu saluer le président Moktar Ould Daddah ; il lui a publiquement présenté ses excuses et, en hommage tout traditionnel, lui a offert une chamelle – chacun sait combien l’ancien président du Comité militaire et chef de l’Etat est attaché à ses animaux et en connaît l’élevage. 

 

[vii] - le scenario initial du coup prévoyait l’arrestation du Président parmi ses ministres et les membres du Burerau politique national, en réunion le samedi 8 Juillet 1978. La confidence de Sid’Ahmed Bneijara à Ahmed Ould Zein (double jeu ?) en empêcha l’exécution et en fit improviser un autre, avec d’autres acteurs, le lieutenant-colonel Ahmedou Ould Abdallah, soudainement souffrant. Seul à pouvoir pénétrer à toute heure chez le Président sans éveiller la méfiance des sentinelles, son aide-de-camp, le lieutenant Moulay Hachem Ould Moulay Ahmed devint l’homme-clé du putsch et donc le responsable ultime d’un changement du cours de l’histoire nationale mauritanienne. De lui, l’affirmation historique – aujourd’hui encore source de la légitimité du pouvoir régnant : « l’armée vous retire sa confiance », déduction inscrite dans les Chartes militaires et dans les faits, mais pas encore dans la Constitution : « les forces armées détiennent en dernier recours la souveraineté nationale ». Moktar Ould Daddah pensa commencer ses mémoires par la réfutation de ce syllogisme