Les Mauritanides au théâtre : Un défi gagné et un spectacle majestueux

1 June, 2017 - 03:16

En toilettant le second Tome des Mauritanides (qui cherche toujours désespérément éditeur), il a été observé que certains textes se prêtaient bien à la catégorie du One Man Show ; on intégra alors cette activité au Programme 2015 de la Fondation Habib Ould Mahfoudh. En conséquence, on démarcha Ciré Camara qui était bon lecteur et qui présenta le texte de l’administration en première de l’ouverture solennelle de la journée de la Francophonie 2015 à la Chambre de commerce de Nouakchott. Il était convenu de continuer les répétitions avec Monsieur Camara auquel devait s’adjoindre quelques jeunes acteurs qu’il avait repérés. Entretemps, et comme les beaux esprits se rencontrent, l’IFM décida à son tour de mettre en scène quelques textes des Mauritanides. La Fondation fut sollicitée et proposa même quelques textes inédits. Les comédiens de l’IFM se mirent alors au travail sous l’encadrement d’Aphrodite de Lorraine secondée par Marine Demailly. Mais les répétitions auxquelles nous avions assistées nous laissaient sceptiques en raison de la complexité des textes et des problèmes de locutions des acteurs mais quelle fut notre agréable surprise lorsqu’on assista au spectacle du 24 mai dernier. Aphrodite et Marine ainsi que leurs comédiens avaient apparemment abattu un travail titanesque : la salle a été comblée comme en témoignent les grandes ovations du public en fin de soirée. Contrairement, au spectacle constitué uniquement de monologues auquel on s’attendait et qui aurait été certainement éprouvant pour le comédien et rébarbatif pour le public, on eut droit à un spectacle varié et enjoué. La mise en scène a été tout simplement géniale. Un « chef de théâtre », debout entre la scène et le public donnait l’impression d’une improvisation par le comédien qui s’appropriait l’œuvre de l’auteur tout en associant le public à l’architecture du théâtre, ce qui lui permit aussi de « faire passer en douceur » quelques textes. L’adaptation des textes a été réussie avec brio. Les moins complexes comme Air Mauritanie, le Maquereau, le téléphone ou la coopération ont été présentés par un seul comédien. Pour les plus complexes et au lieu des redoutables monologues, nous avons eu droit à différentes catégories d’adaptation. C’est ainsi que la fresque du cours express sur la Mauritanie donna lieu à un impressionnant opéra d’ouverture. Le manuel de conversation devint une discussion qui se déroula dans le Salon de la Ministre. L’enfer des innocents se mua en une rencontre insolite entre un promeneur mauritanien et une touriste française. Exporter des Mauritaniens devint une interview d’un expert en économie tandis que le pays qui ronfle en dormant s’est muée en un colloque où les éminents professeurs sont intervenus à tour de rôle pour présenter la Mauritanie atypique sous toutes ses facettes. Le texte des feux de la mendicité fut intégralement dramatisé. Pour évoquer L’amour en terre Beidhane, les acteurs ont recouru à des danses évocatrices et aux chants amoureux des filles et notamment au refrain: Il y a quelqu'un qui m'a dit ce soir de le retrouver quand il fera très noir En somme, la mise en scène a fait feu de tout bois pour nous présenter un spectacle de qualité, les acteurs se sont révélés de vrais comédiens en rendant des textes parfois difficiles mais aussi en étalant leurs talents de chanteurs et de danseurs. On peut, certes, regretter une phrase oubliée par-ci ou un mot mal prononcé par-là ou encore un recours à l’improvisation noyant parfois le texte originel dans le « texte des comédiens », mais ce fut sans conteste un spectacle grandiose. Elemine Ould Mohamed Baba