Unité nationale certes, mais Unité dans la diversité, Unité dans l’égalité…

15 May, 2017 - 01:28

En conseil des ministres  du 04 Mai 2017, il a été décidé, selon la presse, de retirer, dès la rentrée scolaire prochaine, l’enseignement des deux premières années du fondamental au secteur privé, au prétexte qu’il  ne se conformait pas  à ‘’ l’obligation de dispenser l’enseignement  en langue arabe qui n’est pas respecté’’ ;  les cours dans ces premières années, rappelons  le, sont dispensés exclusivement en arabe , depuis la réforme scélérate de 2000.

 A mots couverts, il  est reproché au Privé d’enseigner aussi le Français  dans ces  cours d’initiation…De l’enseignement du pulaar, soninke  et  wolof,  pas un mot !

Hélas, à l’écoute des lobbies et des milieux chauvins, forcément le Président perd de vue la forêt pour ne voir que l’arbre, percevant mal les problèmes centraux, structurels du système éducatif….

La problématique de l’Enseignement fondamental ne se situe pas dans  les cours  en Arabe ou en Français des 2 premières années ; elle  renvoie à quelque chose de plus profond, tel  le problème d’orientation de l’Enseignement, tel  le niveau des Enseignants, la gestion chaotique du personnel, la texture des programmes, le rapport confus du Public/Privé , mais en particulier et par-dessus tout l’idéologie sous-jacente et  le problème d’ordre ; un désordre général, ambiant, qui affecte tout, y compris le secteur  de l’Education . Rappelons le cas de ces centaines de Professeurs et Instituteurs détachés qui avaient été rappelés pour rester , pour la plupart, inemployés à ces jours , en dépit d’un ratio maître /élèves  déficitaire ;  tous ces Enseignants qui sèchent les cours et continuent de percevoir leurs salaires ;  Ailleurs , tous ces agents  fictifs de la fonction publique, tous ces gens  qui  émargeaient, sans rien faire, au budget de l’Etat … C’est ce  même désordre que l’on a laissé s’installer trop longtemps  dans les transports urbains pour pouvoir y mettre fin  tout d’un coup ...

Voilà les nœuds du problème auxquels on devrait  s’attaquer, et non pas  s’attarder sur  des points de détails  !  Du reste, avec  des Enseignants  sans  niveau  ou qui   désertaient quotidiennement les classes , comme cela se passe dans les écoles publiques, quel serait l’intérêt de la mesure appliquée ? Quelle serait son incidence  sur un  système éducatif  qui continue de s’écrouler  ? Aucune !

Retirer, en perspective, le cycle fondamental au Privé, anarchique il est vrai mais  fort utile , n’est pas la solution ; il faut plutôt le réguler, le réorganiser, l’assujettir à un contrôle rigoureux , réguler le  mouvement des Enseignants  du Public qui s’y ruent , négligeant le travail dans les écoles publiques.On ne transfère  pas  des compétences de quelque chose qui marche  cahin-caha vers quelque chose qui ne marche pas du tout ! Quoique l’on en dise le Privé est tout de même , par ces temps là , mieux que le Public .

La solution ?  réhabiliter l’Enseignement à la base,  résoudre les dysfonctionnements existants , atténuer les disparités graves  constatées entre enfants issus de milieu  social different , plutôt que  s’orienter vers des choses peu essentielles …Au lieu de chercher à redresser le secteur public par la restauration du travail, de l’éthique, de l’ordre et de la discipline,  on se focalise sur des horaires de l’Arabe en 1ere et 2e année !!! Cette manière de voir contraste  avec les propos récents du  ministre de l’Enseignement  superieur qui nous incitait à revoir notre nombrilisme pour nous orienter vers les  langues internationales . Cacophonie avec son Boss  ?  allez savoir !

De façon générale , non seulement cette mesure est sans grand intérêt et fait  fausse route , mais elle demeure,  par essence, injuste, inique, provocatrice et dangereuse  …

On le sait , tous les psycho-pédagogues s’accordent à dire qu’un enfant qui commence sa scolarité par une langue étrangère , au sens pédagogique du terme , accuse 6 années de retard…  Pourquoi s’obstinait- on à maintenir cet obstacle pour les enfants non arabes ? Mohamed  O abdallaye disait  que « la langue maternelle constitue pour tout un chacun l’outil irremplaçable de toute production scientifique effective et le socle de tout esprit créatif ». Pourquoi donc  le Président Abdel  Aziz s’acharnait - il  à vouloir, obstinément ,  pénaliser ces enfants , en les privant de ces possibilités, en leur  refusant  les  mêmes  opportunités ?

Cette mesure est d’autant plus surprenante qu’elle intervient peu après  que  le président aie reçu  le  plaidoyer des trois Associations culturelles _Pulaar , Soninke , Wolof-  demandant la réintroduction de ces langues  dans le système éducatif et leur officialisation ; pour  que chaque enfant  démarre sa scolarité  dans sa langue maternelle .  Pourquoi ce Président persistait - il  dans la voie d’une Ecole qui discrimine  et  divise les enfants d’un même pays , à travers  ses  neuf Etablissements  spéciaux  ou  ce type de mesures  ?

Au-delà du problème d’équité et  de justice qu’elle pose, cette mesure  perd de vue  une foule d’avantages - pédagogique, cognitif , didactique , psychologique et politique – à enseigner ces  langues maternelles à l’Ecole ; Cela  permettrait , en effet, d’apaiser les tensions en réduisant les frustrations accumulées toutes ces années,  cela permettrait une communication maître-élève  plus aisée, un apprentissage qui  se ferait  mieux et plus vite, un  retard scolaire  atténué, (harmonie entre Apprenant et  médium-), une unité nationale renforcée,  grâce  à  l’empathie induite de la communication élèves-élèves dans leurs  langues maternelles respectives  . Nos enfants maintenant ne communiquaient plus , ou s’ils le faisaient c’est en Français ou en Turc. Chacun parlant la langue de  l’autre , c’est le fondement même  du respect réciproque... S’y ajoute , enfin , l’efficacité accrue du système  par la réduction des déchets scolaires - déperditions et échec massif- non sans  impact  positif  sur le développement …C’est connu .

Bref, l’enseignement et l’officialisation des  langues nationales constitue un  gage d’équité , un facteur de stabilité  et  de développement … Et c’est du reste, ne l’oublions pas , un des points de consensus retenu du dialogue national de septembre 2016 , déliberement  et arbitrairement supprimé  des amendements constitutionnels à soumettre au peuple .

IL y a du  cynisme dans cette mesure  comme dans cette déclaration d’intention de la dernière  réforme scolaire (2000)  qui stipulait qu’il  fallait  rendre notre Enseignement ‘’ national’’, ‘’authentique’’ , tendre vers l’indépendance culturelle , au travers de la ‘’repersonnalisation de l’homme mauritanien’’. Repersonnalisation  bonne pour les uns , superflue  pour ceux-là  qui ne comptaient pas ou ne le méritaient pas , et  qu’on pouvait  aliéner  à loisir  et  sans remords …

Si, comme d’aucuns l’affirment ‘’ chaque individu reste porteur d’une dignité inaliénable’’, que ‘’chacun reste fier de ses racines et de sa culture ‘’, pourquoi poursuivait- on cette logique discriminatoire dans notre Ecole ? 

Abdel Aziz est tout sauf le Président de tous les mauritaniens …

Malgré le peu de considération , pour ne pas dire le mépris - qu’il témoigne  à  certaines composantes nationales , il  se trouve, malgré tout , des ‘’gens ’’ – toujours les mêmes - pour tenir encore  des discours laudatifs  ici et là  , ou se mettre en  pré-campagne pour un  référendum de tous les dangers, et  qui ne prenait  en charge aucune  de nos préocupations centrales . Ces gens qui roulaient pour Aziz  usaient de leur statut de fils du terroir, pour abuser les  populations, en leur demandant  de maintenir un Système qui les écrasaient !!!

Dieu fait l’homme en se retirant disait quelqu’un…

Unité nationale certes , mais Unité  dans la diversité , Unité dans l’égalité !

15 Mai 2017

Samba Thiam