Autour d'un thé

4 May, 2017 - 00:14

Vraiment, moi, j’apprends, à mes dépens, combien le pays fait rire de toutes ces choses impossibles à qui il est seul à donner vie. En quel autre lieu de notre planète, par exemple, un délinquant porte plainte, à la police, contre un commerçant ? C’est où, ça ? Ici même et nulle part ailleurs. Pourquoi ? Parce que l’inversement des rôles, ça existe comme pas possible, chez nous. Ya que chez nous qu’un bout d’chou de six à sept ans se permet de clamer, à qui veut l’entendre, après juste une semaine de première année Fondamentale, que « seyidi » – plus généralement « seyideti » – ne connaît rien à rien. A mourir de rire ! Quand tu n’a pas le choix, tu n’as pas le choix. C’est tellement évident, ça, que ça fait rire aussi. Voici quelques semaines que les initiatives pour les amendements constitutionnels ont commencé à bourgeonner. « Tuer un groupe fait vivre un autre » : ces initiatives sont don d’Allah : pour les télévisions privées ,pour les clowns, pour le gouvernement. Les premières sortent, à longueur de nuit, les tribus de telle zone totalement en transe, pour démontrer, autant que  faire se peut, leur attachement « inconditionnel et indéfectible aux choix suréclairés de Monsieur Mohamed Ould Abdel Aziz, Chef Général de toute la Mauritanie confondue, mélangée et honteuse. Pourquoi ? Certainement pas pour les beaux yeux de telle ou telle tribu. Mais parce que c’est quand le président veut faire passer quelque chose, par n’importe où, que les cordons des bourses tribales et autres se délient. Comme ça, t’as des maux de tête à voir défiler, partout, des images folkloriques de colossaux rassemblements populaires, renvoyant, entre les foules houleuses, des messages apologétiques des « immenses réalisations de son Altesse Superman National ». Les seconds y trouvent l’inestimable occasion de tirer, à boulets argentés, sur les insaisissables responsables de la tribu que seuls des choses comme des amendements constitutionnels réussissent à extirper de leur infranchissable carapace de Picsou. Sortez l’argent, pour une fois au moins ! Sinon, vous êtes des opposants aux amendements. Des soutiens aux indésirables et dangereux sénateurs. Les tristes trente-trois. Les ennemis de la Nation. Quant aux ministres, voilà de quoi aller se faire voir dans les wilayas intérieures du pays. Un peu loin des bureaux et des usagers. Ce n’est pas mal qu’un ministre aille raconter des boniments au peuple : amendements, Sénat, réalisations… A faire passer, à faire disparaître, à faire connaître. Ce n’est pas tous les jours qu’on a six à sept milliards à claquer, en deux ou trois mois. Surtout quand ce n’est pas l’argent qui manque. Tu as le fond, comme disent les « pokéristes » et autres « blindeurs ». Yes ! La politique, c’est comme le poker ou le blind : tu peux beaucoup gagner, tu peux beaucoup perdre. Les caisses publiques sont pleines aux as : pression fiscale. Sans impôts, ya pas d’Etat, c’est bien connu. Et plus on est fou, plus on impose. Génie créatif du saint fisc... A partir de désormais (1er Mai 2017) et par décret pris depuis des semaines, pour rouler en Mauritanie, il faut être transparent ! Donc, attention aux verres fumés ! Sinon, amende de deux à trois dizaines de mille. Il faut être connu, avec bonne plaque d’immatriculation. Sinon, deux dizaines de mille. Il faut clignoter de partout. Il faut ranger son téléphone. Sinon, attention, sors l’argent ! Il faut respecter feu rouge. Sinon, tu vas débloquer, grave, portefeuille. Et, bien sûr, il faut avoir papiers traditionnels, comme permis de conduire, plus vignette, plus carte grise non apprivoisée ni adaptée, plus j’ai oublié mettre ceinture de sécurité, pour ne pas avoir à donner encore quelques argent, puis boîte pharmacie avec bouteille incendie et petites lampes intérieures fonctionnelles, plus marchepied, pour les 4x4, et sièges-bébés. Pneu de secours, plus cric, plus démonte-pneu, plus écrous de réserve et, éventuellement, chambre à air pour ceux dont les pneus ne sont pas blindés. Pays du million de poètes, salut.

Sneiba El Kory