Samba Thiam à l'ouverture du congrès des Flam

30 August, 2014 - 02:18

Camarades membres du Conseil national,

Camarades membres du Bureau national

Camarades secrétaires généraux de Sections,

Camarades délégués,

Camarades congressistes

Excellence, Messieurs les Ambassadeurs,

Honorables invités,

 Mesdames et Messieurs,

Ce jour - ci est un jour historique, mémorable  tant pour les membres des Flam que pour beaucoup de  Mauritaniens. Je voudrais, avant de poursuivre, vous demander d’observer une minute de silence à la mémoire de nos martyrs.

 

Mesdames et Messieurs, je disais que ce jour est un jour historique, mémorable: les Flam, pendant longtemps diabolisées, à tort, bannies, persécutées  tiennent un congrès public  à Nouakchott, au cœur même de la république, celle qui nous avait refusés  le droit à l’existence, celle qui  ne voulait pas se regarder en face à travers le reflet de sa triste réalité que  lui renvoyait  notre Manifeste..  Cet évènement est historique aussi en ce qu’il couronne notre retour   après 23  ans d’exil, en même temps qu’il inaugure un changement fondamental dans notre ligne stratégique en replaçant notre mouvement dans sa trajectoire naturelle ; notre place est ici,  pour défendre des valeurs de la démocratie et de la coexistence pacifique de nos composantes nationales.

 

 Nous sommes revenus chez nous  dans  l’intention de continuer notre combat pour une Mauritanie débarrassée du racisme et de l’esclavage, dans le cadre de  la légalité, et du jeu démocratique malgré toutes ses insuffisances du moment. Nous avons, a cet égard, bon espoir que cette voie choisie  nous sera ouverte sans entraves ni restrictions

En  patriotes sincères, nous ne le répéterons jamais assez, nous, revenons  mus par l’unique ambition d’œuvrer au redressement du pays, au renforcement de la cohésion sociale, à travers  la résolution  des problèmes de fond, dont  la question centrale de l’unité nationale ou de cohabitation. Notre  unité est nécessaire, même vitale, je dirais, mais cette unité a été mal enclenchée des l’indépendance; il nous faut la repenser dans ses fondements, l’asseoir sur des bases que sont  l’acceptation mutuelle, le respect réciproque, l’esprit de tolérance, l’égalité en droits et en devoirs, le respect de la diversité culturelle.

Les Négro-africains ont mal, très mal a leur pays. Pour emprunter la formule d’E Said,  je dirais que notre présent nous interpelle sur les questions existentielles de notre avenir, dans ce pays, nous Afro –mauritaniens, pour user d’une terminologie dans l’air du temps !

Runoko Rashidi , chercheur afro-américain, raconte qu’un jour, à travers ses voyages dans la Turquie profonde, il visita  un petit village, isolé, peuplé essentiellement de femmes noires dont les maris étaient tous décédés. Elles lui décrivirent leur terrible condition, il en fut très touché; la plus âgée des dames, toute émue de la compassion et de l’empathie manifestes du chercheur à leur endroit lui dit, pour clore tout questionnement: ” On  nous a  tout pris, il ne nous reste plus que la couleur de notre peau “.

On  ne saurait, par cette formule, mieux exprimer le ressenti  actuel des Négro-africains de Mauritanie!

Chers compatriotes,

Un  problème sérieux existe chez nous. Le cas récent de Niabina, entre autres, est suffisamment révélateur du malaise de la cohabitation. Mais, pourrait- on objecter, quel pays, en Afrique,  en était  exempt? Quel pays du continent  ne rencontrait  pas  de problèmes, en particulier des problèmes d’identité, de coexistence par ces temps?

Il est vrai, ce qui nous arrive n’arrive pas qu’a nous, mais  face à un problème deux attitudes sont possibles: y faire face, résolument, ou adopter la posture de l’autruche ! 

Un problème reconnu est à moitié résolu, dit l’adage !

Osons reconnaitre l’existence, dans notre pays, de discriminations raciales et sociales pour nous engager dans le nécessaire changement, salvateur, qui passe par la construction d’un pays qui combat les inégalités liées à la naissance,” accepte sa diversité, cultive la solidarité, partage ses richesses”, pour emprunter la formule à quelqu’un.

Face à  l’épineuse question de la cohabitation, la position des Flam a toujours été et demeure le recours au dialogue; un dialogue  franc, sérieux, serein. C’est pourquoi, dès que cela a été possible, nous avons tenu a  échanger avec l’essentiel des responsables nationaux et  des acteurs de la société civile. De ces rencontres, nous tirons des motifs de satisfaction et d’espoir : que les Mauritaniens pouvaient dépasser les à priori, se parler en dépit de  leurs différences, leur appartenance et leurs convictions partisanes. Il faut, me semble –il, maintenant aller vers l’approfondissement du  débat  dans  la recherche de solutions courageuses aux problèmes de fond  qui se posent à notre pays.

En guise de solution, pour  ce qui nous concerne,  nous   optons   pour  l’Autonomie, projet  qui sera, sous peu, porté à l’attention du public et de la classe politique.

Cette  Autonomie, - objet de tant  de conjectures,  agitée comme un épouvantail par nos adversaires - , je puis vous assurer et vous  rassurer, ne sous-tend aucune arrière- pensée trouble; alors aucune. Cette Autonomie demeure  un projet de  réorganisation territoriale et administrative, plus adaptée à notre réalité socioculturelle,  ethnique et tribale, sans plus ! Elle se fonde  sur des critères objectifs, naturels, plus à même de réduire les tensions ethniques récurrentes et favoriser la cohésion sociale.

 La Mauritanie  comporte une réalité tribale, ethnique et régionale têtue. Nous ne pouvons en faire table rase sans tomber dans d’autres travers ! Il faut la reconnaitre, essayer de la moduler, de l’atténuer avec discernement, avec patience, afin de forger doucement, progressivement,  une autre mentalité sociale !

Nous ne pouvons, - pour élargir la perspective - gommer la logique différentielle et segmentaire des sociétés africaines dans lesquelles nous baignons, à partir desquelles  l’Etat doit être perçu  non pas comme un Etat-nation mais comme un Etat –multi-nations, un appareil de plusieurs nations “ comme le posait  Mwayila Tshiyembe ; l’Etat multi-nations ou  la notion du Terroir autant que du  Territoire aura également toute son importance; Une démocratie, non pas à base de majorité gagnante et de minorité perdante, ajoutait-il plus loin, mais une démocratie combinatoire,  perçue comme moyen politique de protéger la diversité culturelle …et qui pose ipso-facto, les conditions mêmes de participation des nations à la fondation de l’Etat  et à la gestion de la chose publique .

L’Autonomie  constitue, enfin,  à nos yeux juste une étape transitoire mais nécessaire vers la gestation de l’Etat-nation, qui ne se décrète pas.

Encore une fois un problème sérieux existe, reconnaissons-le , dialoguons autour, débattons-en, plutôt que  verser dans l’intimidation et la provocation !

C’est cette vision que nous avons tentée de faire partager, depuis notre retour, avec les acteurs politiques, des plus hautes autorités de l’Etat aux responsables d’institutions politiques nationale en passant par les porteurs de l’économie.

Il est temps de se ressaisir…il nous faut nous ressaisir!

Le rêve d’un meilleur devenir, en commun, est encore possible à condition d’oser aller résolument vers le changement, vers une nouvelle Mauritanie, une Mauritanie inclusive.

Avant de terminer, je voudrais redire ici la disponibilité des Flam à travailler avec tous les Mauritaniens qui partagent avec elles le souci de l’édification dans notre pays d’un état de droit qui consacre la fin des discriminations et des injustices que subit l’immense majorité de notre population.

 Pour clore, je voudrais rappeler ce mot  de N. Mandela qui disait que “la nouvelle Afrique du Sud ne sera pas construite par ceux qui restent à l’ecart, les bras croisés, mais par ceux qui sont dans l’arène, les vêtements réduits en haillons par la tempête, le corps mutilée par les évènements”.

Par analogie, je crois qu’on pourrait aussi le dire  pour la “Mauritanie nouvelle”…

Voila pourquoi j’invite ces compatriotes honnêtes, mais surtout courageux,  animés du sens de l’orgueil national, soucieux de notre commun devenir, à entrer davantage dans l’arène.    

Il nous faut nous ressaisir !

Mesdames et messieurs, honorable invites , merci de nous avoir honores de votre présence

 

Vive la Mauritanie fraternelle, tolérante et riche de sa diversité !

Vive les Flam