31 Mars 1957 & 25-30 Mars 2007 : Dernières élections à l’assemblée territoriale sous l’autorité française & Exceptionnel second tour d’une élection présidentielle à pluralité de candidatures

30 March, 2017 - 01:16

Le 27 Mars 2007, l’Agence France Presse à Ottawa, rendant compte des félicitations du Canada au président nouvellement élu de la République Islamique de Mauritanie : Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, conclut que « depuis l’indépendance en 1960 de ce pays désertique de 3,1 millions d’habitants, les présidents étaient jusque là arrivés au pouvoir par des coups d’Etat avant de se faire réélire dès le premier tour par des scrutins entachés de fraude ». Cette affirmation est controversée. Les élections, dès qu’il s’en pratique en Mauritanie, soit après la Seconde Guerre mondiale et sous le régime dit colonial : l’administration française, portent sur le choix d’un député à l’Assemblée nationale métropolitaine, et sur la désignation d’une assemblée locale, qui devient nationale à la suite du référendum faisant des Territoires d’Outre-mer français des Etats autonomes. Jusqu’au premier coup militaire – celui du 10 Juillet 1978 -  le président de la République, Moktar Ould Daddah, est un civil et il a initialement été élu en toute liberté par l’assemblée sous des titres successifs : vice-président du Conseil de gouvernement (régime de la Loi-cadre établissant l’autogestion en Afrique d’expression française), puis Premier ministre. A partir du 20 Août 1961 et jusqu’à celle de 1976, l’élection présidentielle n’a pas la forme qu’elle connaît aujourd’hui, en ce sens qu’elle n’est pas pluraliste. Mais la première est le fruit d’un consensus : celui d’une table ronde des partis et mouvements politiques existant au début de 1961 et décidant d’une part leur fusion et d’autre part l’investiture d’un candidat commun à tous. L’institutionnalisation du Parti unique de l’Etat entraine l’exclusivité du choix des candidats. Rien dans les textes du Parti du Peuple Mauritanien n’a interdit le pluralisme et Moktar Ould Daddah, sa succession pour le moment où la guerre du Sahara se terminerait – il l’espérait pour 1981 – songeait (et en fit part) à la généralisation d’une pluralité, pour toutes les élections, mais à l’intérieur du Parti. L’observation de l’étranger ne vaut donc qu’à partir du 24 Janvier 1992 quand l’entourage du multi-putschiste Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya, sans doute en minorité relative au premier tour, empêche qu’il y en ait un second et fait falsifier d’autorité les procès-verbaux locaux du scrutin qui – dans les archives de la Cour suprême, alors compétente – se trouvent tous rédigés de la même main ! Elections exemplaires et libres, de deux sortes, celles à la future assemblée nationale constituante, le 30 Mars 1957, et celles clôturant le processus de transition démocratique, les 11 et 25 Mars 2007, arbitrant finalement entre un opposant historique aux régimes militaires, Ahmed Ould Daddah, et un autre ancien ministre du Père fondateur, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi. Les prises de pouvoir par la force l’ont été contre des élus. Et les moyens d’intimidation ou de fraude n’ont pas changé. La question d’une démocratie réelle reste posée en Mauritanie. Elle avait eu sa réponse sous deux formes. La première, par le régime fondateur, sans doute monopoliste, mais constamment ouvert aux élargissements et à de nouvelles participations aux décisions et au gouvernement, dans le Parti et dans l’Etat : Moktar Ould Daddah de Mai 1957 à Juillet 1978 avait ainsi amené le pays à l’indépendance intellectuelle et morale autant vis-à-vis de l’ancienne métropole que des pratiques traditionnelles de l’élection et du pouvoir. La seconde avait été l’essai de l’alternance au pouvoir et du débat institutionnel à l’occidentale : les quinze mois d’exercice démocratique du pouvoir par Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

 

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Le 30 Mars 1957, ont lieu dans toute l’Afrique d’expression française au sud du Sahara, les élections à l’assemblée de chacun des territoires dits d’Outre-mer. Leurs compétences n’en sont pas encore connues puisque les décrets d’application de la Loi-cadre du 23 Juin 1956 ne seront publiées que le 4 Avril 1957 mais l’esprit en est connu et, en Mauritanie, dès le 13 Février 1957, à Atar, Sidi el Moktar N’Diaye, député à l’Assemblée nationale française depuis un an et un mois, expose les dispositions de cette Loi-cadre : le plus clair pour tous est que le pays va être doté d’un Conseil de gouvernement proprement national, même si le chef du Territoire, un métropolitain, en sera le président. Ces élections qui ont un enjeu très différent de la simple désignation de représentants, vont cependant se dérouler dans le calme, alors même que l’environnement est devenu dangereux.

 

En effet, en coïncidence exacte de date avec la promulgation de la Loi-cadre, l’ancien député de Mauritanie [i], au caire, Horma Ould Babana a engagé le Maroc à « faire valoir sa souveraineté sur Tindouf et la Mauritanie » lors d’une réception donnée par le Prince héritier du Maroc ; il a déclaré à l’AFP que « le Maroc et la Mauritanie sont un même  pays » et créé une « section mauritanienne du bureau du Maghreb, dite de représentation du mouvement nationaliste mauritanien » . Et au lendemain juste des dires de son successeur au Parlement français, le 14 Février 1957, à Agui, au nord de Fort-Trinquet, trois officiers et dix-sept hommes sont tués. La rumeur court alors que les forces de l’ « armée de libération » se sont élevées à 5.500 hommes. Le commandant supérieur des forces françaises en Afrique Occidentale Française est sur place le lendemain, et le 20, le ministre de la France d’Outre-mer autorise le Haut-commissaire Cusin « dans le cas d’une nouvelle agression des rebelles, à les poursuivre et à les détruire avec tous ses moyens, sans tenir compte de la frontière ». Illustration immédiate, le quotidien Paris-Dakar publie une carte des « frontières du Sahara  telles que le Parlement les a récemment votées » : d’après le document, forment le Sahara : le Sahara algérien, le Nord du Mali, le Nord du Niger (sauf l’Aïr), le Tibesti et Borkou ; la Mauritanie n’en fait pas partie, et un aide-mémoire accompagnant le texte de la loi créant l’Organisation commune des régions sahariennes, propose au Maroc une coopération pour la mise en valeur des zones limitrophes. Significativement, les 13 et 14 Mars suivants, le général de Gaulle qui, à l’époque, n’a plus aucune fonction d’aucune sorte, est à Atar puis à Fort-Gouraud : « je sens que je me trouve au milieu d’hommes courageux, amicaux et raisonnables ».

 

Nouvelle coïncidence – il y en a beaucoup au moment où va naître la Mauritanie nouvelle  , tandis que commence de paraître l’Éclaireur mauritanien [ii], organe mensuel franco-arabe de l’Union Progressiste Mauritanienne (U.P.M.), parti dominant, créé par les notables, dès 1948, pour faire pièce au député Horma Ould Babana, est publié à Rabat  le premier numéro de Sahara marocain, « hebdomadaire national pour la défense des frontières nationales et historiques du Maroc ». Pourtant, séjournant au même moment à Dakar, le ministre des Affaires étrangères marocain, Ahmed Balafrej, assure que son pays respectera la volonté des Mauritaniens et décline toute responsabilité vis-à-vis des éléments « incontrôlés » qui opèrent dans le sud.

 

C’est dans cette ambiance que le 10 Mars se clôt le délai pour déposer des candidatures aux élections territoriales. L’Entente mauritanienne ne participe pas au scrutin : à la suite des propos de son fondateur, Horma Ould Babana, elle l’a exclu [iii], mais elle n’est pas parvenue à se doter une orientation. L’U.P.M. présente dans toutes les circonscriptions, est sûre d’avance de 27 sièges sur 34, puisqu’il n’y a de listes hors d’elle – doit-on dire d’opposition ? – que dans le Gorgol, le Guidimaka et l’Inchiri [iv]. L’administration, très engagée lors des premières votations qui, en 1946, avaient été triomphales pour Horma, est, cette fois, impartiale sur recommandation écrite du Haut-commissaire à Dakar.

 

La victoire de l’U.P.M. est totale : 250.000 voix contre 13.000 aux opposants ou aux indépendants. Surtout, les abstentions passent de 42% en 1956  (quand Horma Ould Babana est battu par Sidi El Moktar N’Diaye [v]) à 28, 60% précédemment. L’Union Progressiste Mauritanienne obtient 33 sièges sur les 34  à pourvoir : le dernier va à un indépendant. Ces élections sont significatives par elles-mêmes. Le 6 Avril, Sidi El Moktar déclare : «  d’une part, elles démontrent que nous approuvons entièrement par notre vote les nouvelles institutions que la France a bien voulu nous accorder et d’autre part elles infirment les slogans et prétentions non fondées du territoire voisin, je veux parler du Maroc ». Et elles ont un enjeu : pour la première fois en Mauritanie, elles décident de la composition d’un gouvernement. « La Mauritanie aura-t-elle le plus jeune chef de gouvernement de la Fédération ? »… Paris-Dakar, le 12 Avril,  fait pressentir que Moktar Ould Daddah, conduisant la liste U.P.M. dans le nord du pays, sera le vice-président du Conseil du Gouvernement. Ce n’est formalisé que le 11 Mai : le comité directeur de l’U.P.M. désigne Me Moktar Ould Daddah comme tête de liste du Conseil de Gouvernement. Ce sera l’investiture par la nouvelle Assemblée Territoriale, la proposition historique : « Faisons ensemble la Patrie mauritanienne » et la proposition, acceptée ; de responsabilités gouvernementales à l’Entente Mauritanienne, malgré les réticences – pour ne pas écrire davantage – du parti qui a la majorité absolue. 20 et 21 Mai 1957…

 

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Le 30 Mars 2007, la mission d’observation électorale de l’Union européenne (plus de 80 membres) qui avait également suivi les scrutins législatifs et municipaux de l’automne précédent, rend compte publiquement de ses conclusions. Elle souligne « le respect des engagements pris par les autorités de transition d’une part, et la grande détermination des Mauritaniens à voir s’installer une véritable démocratie, d’autre part… Pour la première fois depuis l’indépendance du pays, les Mauritaniens ont pu élire librement leur président au terme d’un scrutin réellement pluraliste, démocratique et transparent… Les observateurs européens s’attendent à ce que le passage de pouvoir se fasse dans les meilleures conditions. Ils encouragent l’ensemble des acteurs politiques du pays à poursuivre la consolidation de la démocratie dans le respect du cadre constitutionnel établi ». Par la voix de son président, alors Jacques Chirac, à six semaines de la fin de son dernier mandat, renchérit : « Les conditions exemplaires dans lesquelles se sont déroulées les différentes élections prévues dans le processus de transition démocratique, notamment les élections présidentielles, marquent de façon éclatante le retour à la stabilité institutionnelle dont la Mauritanie a besoin afin de pouvoir se consacrer à son développement ».

 

De fait, l’élection de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, au second tour du scrutin présidentiel par 52,85% des voix, et arrivant en tête dans onze des treize régions, n’est pas contestable même si la participation a légèrement reculé (de 70% à 67,48%). Sans doute, passe-t-il pour « le candidat soutenu par la majorité présidentielle au pouvoir avant le coup d’Etat de 2005 » [vi], c’est-à-dire des militaires d’une autre génération que celle de 1978, à laquelle appartenait le colonel Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya. Agé alors de 69 ans, l’ancien ministre de Moktar Ould Daddah pendant sept ans (1971 à 1978) puis du dictateur militaire pendant deux ans (1986 à 1987) se présente lui-même comme le « président qui rassure », adepte du « consensus » (notamment avec les militaires, en la loyauté desquels il croit, convaincu qu’il est que c’est par la confiance faite particulièrement à Mohamed Ould Abdel Aziz, vite promu général, que l’armée enfin réintègrera ses casernes), par opposition à Ahmed Ould Daddah, 65 ans, lui aussi ministre de Moktar Ould Daddah (pendant les derniers du gouvernement de celui-ci, mais fondateur de la monnaie nationale et de la Banque centrale de Mauritanie), et l’un de ses demi-frères, qui incarnait un changement plus radical pour « tourner la page du passé » [vii].

 

L’arbitrage populaire a été net, mais le fruit d’un report des voix du premier tour et de ralliements divers aux deux candidats arrivés en tête. C’est d’ailleurs ce qui, entre opposants à un retour au régime militaire, était prévu pour le second tour de l’élection présidentielle de 2009, qui faisait renouer – tristement – le pays, avec le système ayant prévalu – en « démocratie de façade » [viii].

 

A la suite du premier tour de 2007, Messaoud Ould Boulkheir, arrivé en quatrième position avec 9,79% des voix, décide de soutenir Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, tandis que Mohamed Ould Mouloud (4,08%) se rallie à la candidature d’Ahmed Ould Daddah. Il s’en distinguera ensuite puisqu’au printemps de 2008, il est l’un des soutiens les plus fermes de la légitimité de l’élu du second tour, en même temps qu’il prophétise le coup militaire en gestation. Ibrahima Moktar Sarr (7,95 %) n’annonce son choix qu’à la suite du débat radiotélévisé entre les deux concurrents pour le second tour : ce débat du 21 Mars 2007 [ix]est sans précédent en Mauritanie et n’a jusqu’à présent pas connu de semblable. Mais c’est le soutien du candidat – indépendant, précédemment gouverneur de la Banque centrale de Mauritanie, Zeine Ould Zeidane – arrivé troisième avec 15,28% des voix qui est décisif. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi en fera son Premier ministre pour les débuts d’un mandat dont personne, selon les engagements répétés des militaires, ne prévoyait la brutale interruption. Dahane Ould Ahmed Mahmoud (plus de 2% des voix) avait, lui aussi, apporté son soutien à Sidi Mohamed.

 

Les chiffres pour le premier tour : 24,80 % à Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, et 20,69% à Ahmed Ould Daddah sont concordants entre les publications du ministère de l’Intérieur et la décision du Conseil constitutionnel. La Commission européenne avait félicité dès le 15 Mars tous les acteurs mauritaniens pour « le calme, la transparence et le respect de la loi » caractérisant la campagne [x]. « Elle note avec satisfaction que les libertés d’expression et de circulation ont été assurées aux candidats pendant la campagne électorale et que les autorités de transition ont respecté leur engagement de neutralité pendant le processus électoral ». Le Commissaire européen au Développement (ancien ministre des Affaires Etrangères en Belgique) salue « la participation au scrutin de dix-neuf candidats représentant une gamme de tendances politiques » et « la nature très ouverte de l’élection  qui a permis qu’un véritable choix ait été offert aux électeurs ». C’est vraiment l’élection de maturité mauritanienne.

 

L’élection du général Mohamed Ould Abdel Aziz le 18 Juillet 2009 sera à tous égards différente, de forme et de nature, et d’abord par le fait que la junte de 2008, au contraire de celle de 2005, présente son chef. Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie avait tenu parole, le Haut Conseil d’Etat a trahi d’emblée son engagement de ne pas se perpétuer au pouvoir, trompant notamment Ahmed Ould Daddah, convaincu d’un retour des civils à la présidence de la République après avoir initialement « compris » la nécessité de la « rectification », donc implicitement admis la légitimité du coup. Les négociations menées à Dakar du 3 Mai au 5 Juin 2009 entre les différents « pôles mauritaniens » n’ont pas du tout le même caractère libre, consensuel et strictement national qu’avaient eu les journées de concertation tenues à Nouakchott du 25 au 29 Octobre 2005 [xi] ou – autrefois – les réunions mensuelles de la table ronde des partis et mouvements politiques,  pendant le premier semestre de 1961. Elles ont été organisés par l’étranger et à l’étranger (même si Dakar n’est pas loin de Nouakchott) et elles se déroulent sous la menace du putschiste du 6 Août 2008, d’organiser une élection présidentielle, dès le 6 Juin, à sa seule façon. Il y sera le principal candidat, et ses trois adversaires ont approuvé sa prise de pouvoir par la force, et qu’il n’y a aucun contrôle international à prévoir [xii], puisque l’ensemble du processus n’est avalisé que par les parlementaires (il est vrai 83 sur 151) adhérant au parti créé pour la circonstance : le putschiste-candidat ayant démissionné de l’armée, pour la montre, mais la junte se maintient au pouvoir.

 

Les pourparlers de Dakar avalisent un document circulé dès leur ouverture, et manifestement rédigé hors d’Afrique…Un gouvernement d’union nationale est formé, le 26 Juin à la suite de la démission forcée du président renversé,  qui pour prix de son abnégation a le droit de prononcer un discours de bilan et d’adieu, mais pas dans le bureau du Président de la République. A partir de cette date le Conseil constitutionnel est d’opinions successives et contradictoires sur le processus électoral : finalement, le 29 Juin, il valide la date de convocation pour le 18 Juillet. La brièveté du délai, pour complaire au général Mohamed Ould Abdel Aziz qui a cédé sur le projet d’une élection le 6 Juin, est telle qu’aucune préparation nationale et a fortiori internationale du scrutin, n’est possible. Le 4 Juillet, le ministre de la Communication du gouvernement d’union nationale [xiii] admet que «  la période qui est impartie est très courte, mais nous sommes un gouvernement qui travaille en harmonie et qui a la détermination de faire des élections transparentes… les gouverneurs de région [xiv] seront conviés à jouer leur rôle administratif avec toute la neutralité requise … des discussions sont en cours pour revoir les démembrements locaux de la Commission électorale nationale consensuellement formée [xv] pour s’assurer de sa capacité à accompagner l’opération en toute neutralité ». Les listes électorales sont révisées en quarante-huit heures, et s’il y a bien dix candidats, deux d’entre eux répètent leur conviction d’être élus dès le premier tour : Ahmed Ould Daddah et Mohamed Ould Abdel Aziz [xvi]. Ce dernier est élu dès le premier tour avec 52,75% des suffrages exprimés, les quatre principaux candidats de l’opposition à cette légitimation du coup militaire rejettent les « résultats préfabriqués » et demandent aux « entités compétentes » comme le Conseil constitutionnel et le ministère de l’Intérieur (confié à un opposant au régime militaire) de ne pas « accepter la validation ». Il est question de la « manipulation du fichier électoral », de  « corruption généralisée » et d’utilisation de faux documents électoraux [xvii].

 

Sans doute, la participation a été de 61,46% et le putschiste distance considérablement ses deux opposants : Ahmed Ould Daddah, troisième avec 13,86% et Messaoud Ould Boulkheir avec 16,72%. Le scenario de ceux-ci – l’alliance générale contre le putschiste, pour le second tour – ne peut donc être jouée. Le ministre de l’Intérieur [xviii], émanant de l’opposition aux militaires, assure que « les élections se sont déroulées dans de très bonnes conditions. Je félicite les électeurs mauritaniens pour leur esprit de responsabilité et leur civisme. Et j’affirme ici que je n’ai reçu aucune réclamation ou recours mettant en cause la sincérité du vote, en dépit d’informations qui nous sont parvenues sur la publication par quatre candidats d’un communiqué contestant les résultats du vote ». Le Front national pour la défense de la démocratie (F.N.D.D., fondé dès l’après-midi du putsch du 6 Août 2008) assure au contraire que « le vote a été manipulé aussi bien en amont par la violation de l’accord de Dakar, la neutralité de l’armée n’a pas été observée, les moyens de l’Etat ont été utilisés par le candidat Ould Abdel Aziz : « utilisation des avions de l’armée et distribution de vivres aux populations en pleine campagne par les institutions étatiques ». Le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères donne raison cependant à Mohamed Ould Abdel Aziz : « selon les premières informations fournies par les nombreux observateurs indépendants présents, il n’y pas eu d’anomalies majeures constatées ».

 

Pour la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme, qui avait trente observateurs dans le pays : « globalement, le scrutin s’est déroulé de façon libre, démocratique et transparente » malgré « la présence impressionnante des forces de l’ordre, à l’intérieur et à l’extérieur des centres de vote, pour assurer la sécurité et la propagande électorale dans les centres de vote et les alentours ». [xix]  Mais la publication officielle des résultats dès le soir du vote a dessaisi la Commission électorale, renvoyant les contestations au seul examen du Conseil constitutionnel : le président de cette Commission [xx], Sid’Ahmed Ould Deye, démissionne, mais ce n’est publié que le 23 Juillet en fin de journée. Sans doute, a-t-il « constaté comme beaucoup d’autres que les élections présidentielles se sont déroulées normalement, dans les formes (mais) les plaintes que j’ai reçues ainsi que les contenus des recours adressés au Conseil constitutionnel ont semé le doute dans mon esprit sur la fiabilité de ces élections quant au fond. C’est pour cela et pour ne pas être en contradiction avec ma conscience que j’ai décidé de présenter ma démission de la présidence de la C.E.N.I. à compter de ce jour » [xxi]. C’est le fruit notamment du travail de l’opposition  qui a mis en place dès le 20 [xxii] une commission revoyant en détail les dépouillements : « cette opération de vérification permettra sans doute d’avancer des preuves tangibles sur cette fraude massive »… De fait ! Il apparait que le vote de certains militaires a été multiple, que des étrangers venant notamment du Sénégal ont participé au scrutin et que des substances chimiques ont imprégné certains bulletins [xxiii]. L’impression avait été faite en Iran…

 

  Ould Kaïge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[i] - de 1946 à 1951. Il a contesté sa défaite du 2 Janvier 1956, Sidi el Moktar N’Diaye l’ayant battu comme en 1951, mais beaucoup plus nettement : 106.603 voix contre 17.371, .mais l’Assemblée nationale, alors seule juge de ses propres élections l’a débouté, le 18 Avril 1956. En repoussant par 218 voix contre 114 la demande d’enquête, l’Assemblée nationale valide l’élection de Sidi el Moktar N’Diaye 

 

[ii] - Sidi el Moktar N’Diaye, directeur ; Moktar Ould Daddah, directeur délégué ; Sall Mamadou Cledor, rédacteur français ; Ba Ould Ne, rédacteur arabe

 

[iii] - 27 Juin 1956

 

[iv] - Bloc démocratique du Gorgol, Union pour la défense des intérêts du Guidimaka, Indépendants -  Le 15 Avril, se constitue une Union des originaires et amis du Gorgol : Sy Yaya, président ;        Sene Baila, vice-président et Sylla Lamine, secrétaire général

 

[v] - le 17 Juin 1951, élection du député de la Mauritanie à l’Assemblée nationale française: Sidi El Moktar N’Diaye l’emporte par 25.039 voix contre 23.649 voix à Horma Ould Babana, 2.432 à Ba Hamat, 277 à N’Diaye Guibril, 17 à Torré et 11 à Sanchez Calzadilla (inscrits 135.586 et votants 52.181)

 

[vi] - Agence France Presse à Nouakchott . 26 Mars 2007 à 18 heures 11 . C’est cette dépêche qui légende : « depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960, les présidents étaient auparavant arrivés au pouvoir par des coups d’Etat pour se faire ensuite réélire dès le premier tour lors de scrutin entachés de fraude »

 

[vii] - Agence France Presse à Nouakchott . ibidem

 

[viii] - l’expression est de M° Brahim Ould Ebetty, infatigable et brillant avocat des droits de l’homme et des libertés politiques depuis plus de trente-cinq ans

 

[ix] - organisé par Reporters sans frontières

 

[x] - Agence France Presse à Nouakchott . 15 Mars 2007

 

[xi] - organisées par Habib Ould Hemet, ministre secrétaire général de la présidence. Elles se tiennent à Nouakchott du 25 au. 29 Octobre 2005 entre militaires du CMJD et « société civile » et décident 1°  l’exercice des fonctions présidentielles est limité à deux mandats ; 2° une commission électorale nationale indépendante (CENI) prend les attributions du Conseil constitutionnel pour organiser et juger les élections ; 3° les membres du Conseil et du gouvernement ne sont pas éligibles aux prochains scrutins

 

[xii] - l’Union européenne a suspendu sa coopération le 6 Avril, et aucun observateur de sa part n’est présent pour des « raisons de calendrier », mais plus de 300 observateurs, notamment de l’Union africaine, de l’Organisation internationale e la francophonie et de la Ligue arabe sont déployés dans le pays

 

[xiii] - Ahmed Ould Ahmed Abd

 

[xiv] - nommés par le Haut Conseil d’Etat, organisation des putschistes

 

[xv] - elle ne l’a été que le 1er Juillet

 

[xvi] - « Je suis sûr, nous passerons au premier tour. Ce sera la victoire de toute la Mauritanie, du peuple mauritanien. Ce sera la victoire du changement pour une Mauritanie prospère, digne de son indépendance », déclare-t-il dans le milieu de matinée du jour du vote

 

[xvii] - Agence France Presse à Nouakchott . 18 et 19 Juillet 2009

 

[xviii] - Mohamed Ould Rzeizim

 

[xix] - Agence France Presse à Nouakchott . 20 Juillet 2009

 

[xx] - la Commission a été constituée paritairement entre opposants et partisans du putsch, Sid’Ahmed Ould Deye est des opposants

 

[xxi] - Agence France Presse à Nouakchott . 23 Juillet 2009 à 17 heures 47

 

[xxii] - Agence France Presse à Nouakchott . 20 Juillet 2009 à 16 heures 30

 

[xxiii] - Agence France Presse à Nouakchott . 23 Juillet 2009 à 13 heures 04