Sidi Ould Kory, secrétaire général de l’Union nationale pour l’alternance démocratique (UNAD): ‘’L’attitude honorable des sénateurs face au projet de révision constitutionnelle a conféré à cette chambre haute une légitimité qui lui faisait défaut’’

23 March, 2017 - 02:36

Le Calame : Commençons par ce qui vient de se passer au Sénat qui, à la grande surprise des mauritaniens, particulièrement de l’opposition dite radicale, a rejeté la modification de la Constitution prévoyant au passage sa disparition. Que vous inspire l’acte de nos sénateurs ?

Sidi Ould Kory : Le rejet, vendredi soir, dernier, par le sénat de la mascarade du projet de révision constitutionnelle qui vise fondamentalement, la protection de Ould Abdel Aziz et de ses partenaires corrompus, de toute poursuite judiciaire future, pour les abus commis au cours de leur règne à la tête du pays, en supprimant  la Haute Cour de justice et en modifiant le drapeau national, est une décision courageuse.

Ces amendements, considérés comme une insulte à la résistance nationale avant de lui témoigner une glorification,  constituent une démarche non étudiée, essentiellement orchestrée contre la France, après le dernier froid qui  a caractérisé les relations entre les deux pays.

Cette attitude honorable des sénateurs face à ce projet de révision constitutionnelle, dangereux et rejeté par le peuple mauritanien, a conféré à cette chambre haute, une légitimité qui lui faisait défaut, en raison de l’irrespect par le régime, de délais de son renouvellement.

C’est en conséquence un vote historique qui mérite d’être loué et apprécié à sa juste valeur. L’opposition doit prendre aussi conscience que c’est le début effectif de la fin d’un régime dictatorial et dépassé, travailler et se préparer en tenant compte de cette nouvelle donne. 

 

La plénière de l’Assemblée tenue, le 6 mars a été marquée la répression de la police mais aussi des débats houleux au sein de cette chambre. Que vous inspire ces événements ?

 

Le régime qui manœuvre aujourd'hui pour modifier la constitution est un pouvoir illégal, du fait qu’il  a continué  à siéger à la tête du pays, en menant trois coups d’Etat tout en préparant le quatrième.

Le premier avait été organisé contre l'autorité civile élue  par le peuple mauritanien à une élection unanimement reconnue par sa transparence et sa crédibilité, à savoir le pouvoir de Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi.

Le second est le putsch mené contre l'accord de Dakar, qui avait dégagé un consensus des partis politiques avant d’être sapé par un coup d'Etat initié par le système de Ould Abdel Aziz, qui n’a pas exécuté des clauses convenues que l'organisation des élections présidentielles, tout en faisant profil bas sur les autres.

le troisième est le coup d’Etat mené par le système contre la volonté du peuple, en fraudant les élections de 2014, utilisant des chefs de tribus, des religieux, des institutions et de l’Etat et des fonds publics afin de rester au pouvoir ; excluant l’opposition et refusant de garantir les règles usuelles du jeu, garantissant son déroulement dans la transparence.

Le quatrième putsch porte sur ses manœuvres en cours relatives à un coup d’Etat contre la Constitution, soit la plus dangereuse conspiration.

Ould Abdel Aziz manœuvre à travers ce complot, afin de mettre sa mainmise sur le pouvoir en imposant un 3e mandat, après le rejet du peuple mauritanien et de toutes les forces politiques de cette conspiration.

Le voilà aujourd’hui, tenter d’imposer des amendements constitutionnels absurdes à travers un congrès parlementaires, impliquant un sénat au mandat expiré, selon une décision du Conseil constitutionnel et une assemblée nationale, née d’une élection truquée et souffrant de l’absence d’un consensus national.

L’objectif fondamental de ces modifications est d’assurer une protection à Ould Abdel Aziz et à tous ses partenaires, corrompus, de poursuites futures, pour les abus commis sous leur règne, en supprimant la Haute Cour de Justice.

Pour ce qui est des discussions au niveau du parlement, elles n’ont pas de sens. Il est illogique qu’il rejette les amendements constitutionnels, puisqu’il a adopté les accords suspects de pillage des richesses du pays et affamé le peuple à travers les impôts élevés, qui ont provoqué automatiquement la folle augmentation des prix.

Il est également le partenaire du pouvoir de Ould Abdel Aziz et assume avec lui, la responsabilité historique de problèmes vécus par le pays comme il ne représente pas la volonté populaire, dès lors qu’ il s’agit d’un parlement créé par le régime, comme je l’ai précisé avant, à travers des élections frauduleuses et boycottées par l'opposition, comme il a soutenu les lois dictatoriales et injustes à l’endroit du peuple, qui souffre de la faim, de la soif et de la maladie. En conséquence, il représente le système  et non le peuple.

Nous rejetons donc ces amendements dangereux, visant à saboter les symboles nationaux sacrés et,  à légitimer le pillage de la richesse nationale et les qualifions de haute trahison.

 

-Au cours d’un récent séjour à Nouakchott, le représentant du Secrétaire général des Nations Unies, en Afrique de l’Ouest et au Sahel, M. Ibn Chambas a appelé le pouvoir et l’opposition au dialogue. Pensez-vous que cet appel a des chances d’être entendu par les deux parties et que les partenaires étrangers doivent s’impliquer?

 

-La crise vécue par le pays a commencé par le coup d'Etat dirigé par Mohamed Ould Abdel Aziz contre le pouvoir de l’ancien Président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qui n’est pas parvenu durant toutes ses phases à sortir le pays de l’impasse, laquelle s’est aggravée de jour en jour, et devient de plus en plus complexe, en raison de l'intransigeance du Président Mohamed Ould Abdel Aziz. Et de son refus de reconnaitre les conclusions du dialogue organisé sous le parrainage de la communauté internationale.

Le régime a échoué dans tous ses pourparlers avec l'opposition et quatre fois dans l'organisation d’élections consensuelles. La crise a atteint aujourd'hui son paroxysme et constitue désormais une menace pour la pérennité de l’Etat.

En dépit de l'intransigeance de l'autre partie, nous avons privilégié et nous continuons au sein de l'opposition, à favoriser la voie du dialogue, comme nous souhaitons la bienvenue à toutes les initiatives qui cherchent à solder la crise, que ce soit à l’intérieur du pays et de la part de l’un des partenaires de la Mauritanie.

Toutefois, nous refusons que l’opposition soit une partie d'un dialogue formel et faux, commercialisé par le système à l'intérieur et à l'extérieur, faisant croire à l’existence d’une concertation marquée par la compréhension, le débat franc.

La vérité est que les documents adoptés à la fin de ces fausses concertations, ont été élaborés hors de la salle des discussions, dés lors que les participants à ces débats n’ont été  consultés sur aucun des points figurant dans les conclusions.

 

 

 

-Dans une interview sur France 24, le président Aziz n’a pas exclu de « soutenir un candidat » lors de la présidentielle 2019. Que vous inspire cette déclaration ?

 

-Concernant ces déclarations, à la fois graves et condamnables, je tiens à rappeler d’abord que le peuple mauritanien a brisé la barrière de la peur et n’acceptera pas à l’avenir, une transition qui ne consacre pas le principe de l’alternance pacifique au pouvoir, et où le peuple choisit celui qui dirige, loin de la prostitution de sa volonté.

Nous sommes bien conscients de la volonté de l’actuel régime de trouver son héritier, qui aura une mainmise sur le pouvoir.

Mais, nous nous élèverons de toutes nos forces devant toute initiative de l’actuel système, destinée à prolonger sa domination ou à imposer des héritiers et affirmons qu’il n y a pas de différence pour nous entre  le départ de Ould Abdel Aziz, et la continuité de son régime.

 

Propos recueillis par DL