Calam(ités)

8 March, 2017 - 00:06

Depuis quelques jours, l’histoire des tripotages constitutionnels ravit la vedette. Partout, on ne parle que de ça. Chacun selon son parti, tout se raconte, autour de ces amendements qui donneraient même, dit-on, des cheveux blancs au président de la République. Sans que personne ne nous dise pourquoi. Puisqu’en principe, cela ne devrait pas affecter un homme appelé à finir, dans moins de trois ans, son ultime magistrature… si tout va bien d’ici là. C’est très important de rappeler cette condition. Normalement, Mohamed ould Abdel Aziz devrait commencer à réfléchir, tranquillement, aux modalités pratiques de son départ du pouvoir, sans tambours ni trompettes. Libre à lui de penser quel dauphin pourrait-il éventuellement soutenir. Comme il l’a déclaré à France 24 dernièrement, il ne se laissera pas enterrer de sitôt, comme certains essaient de le lui faire avaler. Et à le voir si intéressé à l’adoption des amendements, au point d’enjoindre les députés à tout faire pour que tout se passe comme il le veut, il y a, manifestement, de quoi alimenter les appréhensions des uns et des autres. Au dîner qu’il a offert, aux députés et aux responsables politiques nationaux ayant participé au dialogue politique dit inclusif de septembre/octobre derniers, quelques grognements auraient été entendus : n’était-il pas prévu d’organiser un référendum populaire, pour valider les changements constitutionnels proposés ? Pour quelle raison le pouvoir a-t-il fait volteface et décidé, unilatéralement, de réduire l’interrogation à la seule consultation du Parlement ? Depuis, les choses sont allés au pas de charge : sondages, pour « sentir la bouche » des Mauritaniens, via des rumeurs persistantes sur la nouvelle orientation du Palais. Puis précisions graduelles, de jour en jour, jusqu’à ce que le Président impose clairement « son » choix, à « sa » majorité. Puis « mesures d’accompagnement et de facilitation », comme un excellent dîner présidentiel, des octrois de terrains stratégiques, en zone résidentielle, et autres petites motivations en off, pour les plus réticents. Et, histoire de ne laisser aucune chance à une très improbable surprise de rejet des amendements, le pouvoir envoie des messages on ne peut plus clairs, comme la possibilité de dissolution instantanée du Parlement, au cas où l’honorable institution rejette la proposition. Véritable confusion. Tout est mis en œuvre pour que tout se passe bien. Beaucoup de Mauritaniens ne comprennent pas ce branlebas de « Porte ton père et laisse ta mère » que mènent un président constitutionnellement contraint à quitter les affaires dans trente mois, son entourage et ses amis. Pourquoi tant de grabuges, au parti qui l’a soutenu jusque-là ? Viserait-on à le disloquer, en vue de la fondation d’une nouvelle formation politique dont les derniers réglages seraient en cours, dit-on ? Depuis 1978, les militaires ne cessent de faire et défaire les situations. Un peu moins de quarante ans que la scène politique « change », au pas d’une musique militaire frénétiquement orchestrée par des officiers qui se relaient les uns derrière les autres, suivant les fluctuations de leurs rapports  avec les lobbies de leur institution et leur capacité à s’entourer de cercles civils bien pourvus en conseillers informels continuellement recyclés. La Mauritanie semble, aujourd’hui, à la croisée des chemins. L’heure est particulièrement grave. Les militaires laisseront-ils le pays se remettre, enfin, sur les rails, en autorisant une véritable alternance démocratique ? Ou vont-ils rééditer, une nouvelle fois, l’éculé scénario de l’homme de paille, en attendant de reprendre la main, pour on ne sait quelle autre aventure qui mènera, on le sait trop bien, ce pauvre pays vers une autre incertitude encore plus incertaine que la présente. Contre cela, les oppositions essaient de s’organiser. Pour parer au plus pressé, elles mènent campagne tous azimuts, pour mobiliser le maximum de gens pour un NON massif contre cette nouvelle tentative de tripatouillage constitutionnel qui risque d’ouvrir la porte à l’on ne sait quelles mais assurément très probables manœuvres.

Sneiba el Kory