Nouvelles d’ailleurs : Gambiegate

26 January, 2017 - 00:36

Nous sommes tellement en manque de héros que nous finissons par nous en inventer, genre « J'ai un ami imaginaire, un super pote ».Oum Tounsy et tous les discours hystérico-patriotiques qui ont suivi n'ayant servi à rien et, surtout pas, à ancrer, dans l'imaginaire collectif, la figure d'un ou de héros tutélaires qui expliqueraient qui nous sommes, à quoi nous jouons et à quel avenir confier nos serouals, il a bien fallu continuer la longue réécriture historique. A défaut de héros morts depuis des lustres, nous voilà affublés d'un héros non seulement contemporain mais encore bien vivant, notre Président.

Oublié Oum Tounsy et son symbole de la valeureuse guerre anticoloniale et patriotique menée par notre encore plus valeureux et talentueux et patriotique peuple de héros, sous la houlette de sauveurs des petits peuples opprimés ! Bienvenue au « Gambiegate » ! Jammeh ou l'art du super patriotisme...Je ne veux pas casser une si belle ambiance de tournage autour du nombril et d'édification de pyramides humaines mais il me semble que la médiation « Aziz/Condé » ne mérite pas tant de youyous.

D'un, notre duo de choc a désavoué, sans vergogne, et la CEDEAO et l'ONU et le peuple Gambien lui-même, envoyant, donc, un très mauvais signal à tous ceux qui seraient tentés de s'accrocher au pouvoir sur notre beau continent. Rien que ça. Sans oublier le petit jeu très « bataille navale » qui a opposé notre pays à son voisin du Nord, le Maroc. « Touché coulé » a dû rigoler notre Sultan, quand la médiation marocaine a fait chou blanc.

De deux, il a, non seulement, négocié avec Jammeh, quand les Gambiens n'en demandaient pas tant et, surtout pas, Barrow, le nouveau président gambien, mais lui a permis (aux frais de qui ? demande la petite voix dans ma tête) de sauver ses biens. De trois, il a échoué. Les duos qui deviennent trios ne réussissent pas toujours. De quatre, Barrow a, vertement, remis à sa place notre Raïs qui s'est empressé de lui rendre la monnaie de la pièce.

De cinq, le Sénégal fait la gueule. De six, nous nous félicitons. De sept, ça devient ridicule. De huit, je ponds cette chronique. De neuf, vous n'en avez rien à fiche. De dix, je m'en fous et je continue. Je reprends donc. Voilà donc le message que notre Président Super Héros et plus encore a passé au monde : « Dictateurs de tous les pays, pas de panique ; vous avez tué ? Vous avez emprisonné ? Vous avez refusé de quitter le pouvoir ? Don'tworry, be happy, vous ne serez pas poursuivis par la justice, vous n'aurez pas de comptes à rendre à votre peuple ; vous pourrez embarquer tout ce que vous avez volé et détourné et partir finir vos jours dans un exil doré, foi de mauritanien ».

Remarquez, de la part du président d'un pays qui n'a jamais jugé ni puni un seul auteur des atrocités commises pendant les années de sang, les années de honte, c'est une attitude « normale ». Pourquoi imposer aux autres ce que l'on ne s'applique pas à soi-même ? CQFD. Résultat de la manip : nous voilà en bagarre avec tout le monde. Nous sommes devenus les sales gosses de la récré. Au nord, avec le Maroc c'est ambiance polaire. Maintenant, le Sud nous boude. A l'Est, après la belle merde que nous avons foutu au Mali, nous assistons à l'implosion de notre voisin.

Dans la sous-région, il nous reste qui ? Le Front Polisario que nous n'avons jamais autant aimé ni caressé dans le sens du poil. Je pense que nous avons gardé de bonnes relations avec la Papouasie Nouvelle Guinée, le Vanuatu, l'Île Hans (allez, allez, on « google »...), l'Île Pourquoi Pas, Tuvalu et Saint -Saint-Kitts-et-Nevis...Ah, j'oubliais. Nous avons notre meilleur ami, le pote, le vrai, celui sur l'épaule duquel on vient raconter ses malheurs et dont les poches sont pleines, l'Arabie saoudite. Vous savez, le pays qui tue au Yémen dans un silence assourdissant, qui affame ses populations...On a les amis que l'on peut.

Bref, voilà un Gambiegate qui est un fiasco total, juste une opération de com à usage intérieur mais qui est révélateur d'un amateurisme dangereux et contre productif. J'entends, de ci, de là, des « On a sauvé la paix ».

Ouais. « On » a surtout sauvé les fesses de Jammeh. Et voilà comment on se fabrique des super héros...La prochaine fois, votre Héros national vous décrochera la lune ? Oui, m'sieur, la lune et même le soleil et même RR245, la dernière nano-planète découverte cette année (si vous la cherchez sur une carte, elle n'est pas loin de 2003 OP32).Tout ça mérite bien deux bandes rouges sur notre futur drapeau national, non ? Salut,

 

Mariem mint Derwich