Résolution 2334 du Conseil de sécurité de l’ONU : Un tournant diplomatique ?

12 January, 2017 - 01:12

Coup d’éclat historique dans le grincement de la colonialisation sournoise d’Israel en Palestine :  pour la première fois depuis la fondation, en 1945, du Conseil de sécurité des Nations unies, c’est sans aucune opposition que celui-ci a adopté, le 23 Décembre 2016, une résolution condamnant la politique sioniste. Rappelant dix précédentes résolutions(242, 338, 446, 452, 465, 476, 478, 1397, 1515 et 1859), le texte « exige à nouveau, d’Israel, qu’il arrête immédiatement et complètement toutes ses activités de peuplement dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est ». Quelle est la portée de cette deux cent vingt-sixième résolution du Conseil de sécurité sur le conflit palestino-sioniste dont se souviendra, au passage, qu’elles furent, toutes, foulées au pied par Israel ?

La 2334 a été présenté au vote par la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, le Sénégal et le Venezuela, après que l’Égypte, qui l'avait proposée dans un premier temps, eut demandé un report du vote, à la veille de sa tenue, à la suite d'un entretien du général-président Abdel Fattah al-Sissi avec Benyamin Netanyahou et Donald Trump. L’Égypte finit néanmoins par voter le texte, adopté par quatorze voix pour, aucune contre et abstentiondes États-Unis, encore présidés par Barack Obama. Israel annonce cependant qu’elle ne conformera pas, comme à son habitude, au vote onusien et Donald Trump a prévenu qu’à partir du 20 Janvier, les choses seraient différentes.

 

Bras de fer Trump-Netanyahou v/s Communauté internationale ?

Le nouveau président états-unien a en effet choisi, pour futur ambassadeur en Israel David Friedman, un avocat étroitement lié au mouvement des colons, opposé à la formule des deux États, conformément à la Convention nationale d’investiture de Juillet 2016 à Cleveland, quand le Parti républicain a, pour la première fois, renoncé à cette solution qui faisait, depuis des décennies, l’objet d’un consensus entre Démocrates et Républicains. Au cours de sa campagne électorale, Donald Trump a également pris position pour le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem — ainsi que l'avait voté le Congrès des États-Unis en 1995, mais sans que la décision ne soit appliquée — et la poursuite de la colonisation.

Cependant, la France doit organiser, le 15 Janvier 2017, une rencontre internationale sur cette question où sont conviés les ministres des Affaires étrangères de quelque soixante-dix Etats (voir encadré). Le ministre français, Jean-Marc Ayrault, salue, sur Twitter, « la résolution rappelant l’importance de la solution des deux États, Israel et Palestine, vivant en paix et en sécurité ». Son homologue belge, Didier Reynders, renchérit : « La Belgique partage pleinement la position de la Communauté internationale exprimée dans cette résolution : seule une solution à deux États offre une perspective de paix durable entre Israeliens et Palestiniens. La colonisation des Territoires occupés par Israel est illégale, et sa poursuite met gravement en danger la possibilité d'une solution à deux États ». Pour la diplomatie palestinienne, « la résolution confirme la violation du Droit international et nous ouvre les portes de la Cour pénale internationale, puisque nous avons porté plainte contre la colonisation, violation du Droit de la guerre ». En appelant à faire la distinction, dans les relations et les transactions, entre le territoire Israélien et le territoire palestinien occupé, elle donne, en outre, un quitus aux États qui voudront boycotter les produits des colonies. Enfin, elle qualifie, à plusieurs reprises, Jérusalem-Est de « ville occupée », ce qui va sérieusement compliquer le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, si Trump s’y obstine.

 

Une inéluctable dynamique internationale ?

Tout est là et le courage exemplaire du Sénégal n’est donc pas seulement soutenu par la Malaisie, la Nouvelle- Zélande et le Venezuela. A cet égard, les « sanctions infligées » par Israel à ces Etats –  annulation de tous les programmes d’aide et des visites de ministre à Tel-Aviv, rappel de ses ambassadeurs, etc. –  paraissent bien pets de mouche. Même si le porte-parole du gouvernement sénégalais, Seydou Guèye, tient à expliquer, à la télévision de son pays, que le soutiende celui-ci au peuple palestinien n’est pas signe d’hostilité à l’encontre de son homologue juif, il se sait, surtout, figure de proue d’une dynamique internationale à l’œuvre depuis, au moins, 1988.

Que de chemin parcouru depuis la fondation, à Tunis, de l’Etat palestinien, le 15 Novembre de cette année-là ! Il aura fallu attendre quatorze ans et de nombreux déboires – « accords » d’Oslo, Intifada 1 et 2, etc. – avant que le président états-unien, G.W. Bush, évoque, en Juin 2002, la « vision de deux Etats vivant côte-à-côte dans la paix et la sécurité », une formule immédiatement reprise par le Conseil de sécurité de l’ONU et constamment combattue, dans les faits, par Israel. Son gouvernement pense que le temps joue en sa faveur, que les Palestiniens s'habitueront à l'occupation et que la poursuite de la colonisation permet de grignoter leurs territoires, rendant de fait impossible la solution à deux États. Les sionistes continuent, année après année, de mettre en œuvre le principe de l'ancien Premier ministre, Yitzhak Shamir, au début des années 90 : nous sommes prêts à négocier le temps nécessaire… jusqu'à ce qu’il ne reste plus rien à négocier.

Mais s’amorce, en 2012, une troisième étape : la reconnaissance de l’Etat palestinien est utilisée comme une arme politique, avec le ferme espoir que, cette fois, ce sera efficace. Elle est, il est vrai, engagée dès 2011, lorsque l’Autorité palestinienne décide de demander, à l’ONU, le statutd’Etat-membre. Certes, le Conseil de sécurité refuse alors de se prononcer mais l’Assemblée générale, par sa résolution 69/17 de Novembre 2012, lui attribue la qualité d’Etat non-membre, 138 Etats votant en sa faveur. Puis le vote de la France au Conseil de sécurité, en faveur de l’attribution de la qualité d’Etat-membre, le 30 Décembre 2014, indique qu’une nouvelle étape est franchie. La résolution échoue d’une voix mais au prix d’une dure réaction de ses adversaires : les Etats-Unis ont fait pression sur le Nigéria pour qu’il s’abstienne (en le menaçant de ne plus le soutenir dans sa lutte contre Boko Haram) et déclarent, à tout-va, que cette attitude est contre-productive, Israel menace de sanctions financières la démarche « unilatérale» de la Palestine.

Ce discours, tendant à toujours faire croire que la question est un sujet stratégique strictement local, est pourtant déjà dépassé. La complexité de la situation, au Moyen-Orient, et des enjeux énergétiques mondiaux a atteint un tel niveau qu’une refonte totale des cartes s’impose. Ce n’est évidemment pas un hasard que les quatre pays dépositaires de la résolution 2334 soient de quatre continents différents. Si c’est tout à l’honneur du Sénégal de représenter l’Afrique et, en plus discret filigrane, l’Oumma, aux côtés de l’asiatique Malaisie, on peut s’attendre à ce qu’elle en tire de plus concrets et juteux rapports. La dynamique de nouveaux rapports mondiaux est en marche. Trump et Netanyahou ne sont, peut-être pas, les derniers avatars des oppositions à sa progression. Aussi brutaux soient-ils, ils n’en seront pas moins balayés de la planète ; sans nouvelle effusion de sang, veut-on prioritairement, mais le plus tôt, évidemment, sera le mieux. On aura cœur, alors, à venir faire la fête à Ramallah, Place Léopold Senghor, ainsi justement honoré par la Palestine (1).

 

Ian Mansour de Grange

 

 

NOTE

(1) : Une décision annoncée le 11 Novembre 2016, lors de la commémoration des douze ans de disparition du regretté Yasser Arafat, fondateur de l’Etat palestinien. 

 

Encadré

Trois points de la résolution 2334 attirent particulièrement l’attention. Ils paraissent clairement dans la lignée des préparatifs de l’éventuelle Conférence de Paris sur le Proche-Orient, dont le prochain avatar est programmé pour le 15 Janvier 2017, soit… cinq jours avant la prise de fonction de Donald Trump ! Les ministres des affaires étrangères de soixante-dix Etats – mais ni Israel ni la Palestine – vont y plancher sur ce que les sionistes qualifient de « nouvelle affaire Dreyfus »…  Ses participants pourraient, en effet, y déterminer les paramètres relatifs à la fondation d’un Etat palestinien, avant de les figer, illico presto, dans le Droit international, sous la forme d’une nouvelle résolution au Conseil de sécurité, à nouveau votée avec l’approbation d’Obama, juste avant que celui-ci ne cède sa place à Donald Trump… Voici les trois points en question :

Le Conseil de sécurité […]

3. Réaffirme que la fondation par Israel de colonies de peuplement dans le Territoire palestinien occupé depuis 1967, y compris Jérusalem-Est, n’a aucun fondement en droit et constitue une violation flagrante du droit international et un obstacle majeur à la réalisation de la solution des deux États et à l’instauration d’une paix globale, juste et durable;

4. Souligne qu’il est essentiel qu’Israel mette un terme à toutes ses activités de peuplement pour préserver la solution des deux États, et demande l’adoption immédiate de mesures énergiques afin d’inverser les tendances négatives sur le terrain, qui mettent en péril la solution des deux États;

9. Préconise vivement […] l’intensification et l’accélération des efforts diplomatiques entrepris et de l’appui apporté aux niveaux international et régional en vue de parvenir sans tarder à une paix globale, juste et durable au Moyen-Orient, sur la base des résolutions pertinentes de l’Organisation des Nations Unies, du mandat de la conférence de Madrid, y compris le principe de l’échange de territoires contre la paix, de l’Initiative de paix arabe et de la Feuille de route du Quatuor, et de mettre fin à l’occupation israélienne qui a commencé en 1967, et souligne à cet égard l’importance que revêtent les efforts déployés pour faire avancer l’Initiative de paix arabe, l’initiative prise par la France de convoquer une conférence de paix internationale, les efforts récemment entrepris par le Quatuor ainsi que ceux déployés par l’Égypte et la Fédération de Russie.

 

 

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Relations diplomatiques

de la Palestine au 18/11/2010

 

vert foncé – relations diplomatiques

vert clair – reconnaissance diplomatique

bleu – autre relation officielle