Lettre ouverte de Samba Thiam, president des FPC à Monsieur le Ministre de la Fonction publique et du Travail

13 December, 2016 - 11:18

Objet : requête pour être remis dans tous mes droits

Etant  donné que l’Administration a fermé  toute voie de recours à l’administré que je suis, il ne s’offre  à  moi  d’autre choix  que la voie de  presse pour prendre l’opinion à témoin …          

 …

Monsieur le Ministre, 

A nouveau,  je viens  réclamer le règlement de ma situation administrative.   Mon nom  est  Samba Thiam,  Inspecteur adjoint de l’Enseignement Fondamental, matricule 40825 Z,  indice 830. 

Monsieur le ministre,  les prisonniers politiques de 1986, dont je fais partie, ont vu leur situation administrative régularisée, soit par amnistie suite à l’ordonnance d’amnistie  ( N° 91-025 ) ci-jointe ; soit par voie de Tadamoun .  Ils sont  alors indemnisés et bénéficient  ensuite de leur pension  de retraite pour ceux atteints par la limite d’âge, ou réintégrés dans leur corps d’origine pour les plus jeunes.   

La 2eme base sur laquelle s’effectuent  ces régularisations c’est l’inscription à Tadamoun , au titre de réfugié. J’ai satisfait aux deux procédures ; la seconde,  par lettre collective ( no 2314) –jointe- , transmise à la fonction publique  le 23/12/2015 . J’y figurais  en tête de liste , mais le directeur général de la fonction publique  gomma  mon nom  ,et  régularisa  tous les autres éléments restant  en mi-janvier 2016. Lorsque je  demande des explications , il me répond que je dois prouver pour la haute Administration que j’étais réfugié,  - exigence  qui n’a été appliquée  à personne d’ autre jusqu’ici ;  je lui  fournis  quand  même  deux  cartes  de réfugié . Malgré tout cela, Je demeure   le seul  dont le dossier reste pendant , sans explications crédibles, alors que la  quasi-totalité de  mes codétenus politiques  ont vu leur situation administrative résolue  (liste –jointe ), bien que   nous fussions  rigoureusement dans la même situation , et que j’aie rempli  toutes les conditions nécessaires.  La dernière vague l’a été en janvier 2016  ( voir  noms cochés).

 Voilà deux ans   que je mène les démarches nécessaires auprès du directeur  général  toutes les semaines , en vain . De rendez-vous en rendez vous, de report en report , de prétexte en prétexte , la direction de la fonction publique  diffère, délibérément, par mauvaise volonté manifeste, le règlement de mon cas .  

Monsieur le Ministre , je voudrais connaitre  les raisons profondes du blocage de mon dossier, que rien ne justifie . Ou dois-je comprendre que  c’est  à cause  de mon opinion ou de  mes positions politiques que je suis pénalisé , sur ordre superieur  ?  J’aimerais  savoir… C’est une question de droit  et  je n’ai pas l’intention de renoncer à mes droits légitimes …

Dans l’espoir qu’il sera, cette fois, réservé à ma lettre  toute l’attention qu’elle mérite, je vous prie de croire, Monsieur  le Ministre , à l’expression de mes sentiments déférents .

Samba Thiam 

Pièces jointes  :    

   - Ordonnance d’amnistie

   - liste des détenus politiques ayant vu leur situation résolue                                                                                     

  - lettre de confirmation du MEN 

  -Liste des réfugiés (indemnisés) transmise  par Tadamoun , (amputée de mon nom par le directeur de la Fp ).

 

Ampliations :  

- Archives : 1                                            Date :  Nouakchott  5 /12/2016    

………………….

    Quelle  lecture pour quelle  conclusion ?

 Reprenons le cours des choses plus en détails...

En 2014, après de multiples démarches une fiche budgétaire  no 129/DGFP , du 01/09/2014) , m’est attribuée ,  mais  soudainement  arrêtée et retirée de la circulation.  Lorsque je demande des explications on me répond : ‘’ sur ordre supérieur ‘’, sans plus !  Peu après le directeur général de la fonction publique est relevé de ses fonctions, sans explication.

En 2015 et  2016 , tenace , je reprends mes démarches auprès du nouveau DG qui  a  pris service ;  il  m’impose  de  longues et  pénibles  procédures auxquelles aucun de mes codétenus politiques n’avait  été soumis . Je m’y plie  et les remplies convenablement. A  chaque fois que j’avais rempli une condition il en posait de nouvelles  que je finis , malgré tout , par remplir toutes,  mais en vain . Persuadé  qu’il y avait là manifestement  une volonté de blocage de sa part , je décidai  alors  de saisir le Ministre de la fonction publique ;  après de multiples lettres et  quatre  demandes d’audience restées lettre morte, le ministre finit par consentir de m’accorder une  audience  ;  son secrétaire particulier (–no tel 4524 2377,)  m’appelle le mardi 06 décembre vers 22h pour  me signifier le  rendez-vous, fixé  pour le jeudi 8 décembre 2016 à 15h . 

Je m’y rends  et attends  longuement. Bizarrement, à 16h 45  un policier me prie de m’éloigner de l’entrée du bureau ;  c’était  pour permettre au  ministre de s’échapper… Seydina Aly  passa, tout près de moi,  le regard bas,  pour éviter de croiser le mien …

De retour à mon domicile, il m’a suffit, après réflexion, de mettre les choses bout à bout pour que, d’un coup, tout  s’éclaire !  un DG visiblement  à court d’arguments qui tergiverse, cafouille  15 mois durant, puis un ministre qui vous donne rendez–vous mais file à l’anglaise, le tout relié  au limogeage de l’ancien DG  indiquait, clairement, d’où venaient  les peurs, d’où  émanait  ‘’ l’ordre supérieur ‘’ …

J’avais  compris…

Parce que  je  reste opposé à son régime ethnocratique et à sa politique ethniciste et clanique, le Président, en représailles, faisait obstacle à la  régularisation de ma situation administrative  par la fonction publique ! Au mépris de la loi  il s’asseyait  sur mes droits légitimes …

J’avais chargé - à tort- le Directeur général qui n’était en définitive que le maillon faible de la chaîne, et qui  jouait quand même sa tête !

 Immixtion et empiètement jusque dans les attributions des chefs de service dans l’application de la loi,  tournée en dérision.

Grandeur et  petitesse du genre humain disait l’autre …

Lorsque  l’on sait, en plus de l’amnistie de 1992, que c’est le gouvernement du Président Aziz , lui-même, qui  a pris en conseil des ministres la décision de régler tous les problèmes afférents au passif humanitaire- toujours non apuré depuis 2009-, la question de sa crédibilité  même se pose !

 Pour  ces dizaines de milliers de refugiés, pour ces milliers de  fonctionnaires noires arbitrairement radiés de la fonction publique, chaque étape pour recouvrer leurs droits  constitue un parcours du combattant. De l’indemnisation minable  ( 1 million d’ouguiyas après  27 ans de radiation )  à la réintégration , jusqu’à la reconstitution de carrière ,  chaque étape a été et demeure, dans une administration méthodiquement blanchie,  humiliations et  souffrances en série …Si de 2009 à nos jours le dossier n’est toujours pas apuré , c’est bien évidement parce qu’il n’y a pas eu de volonté politique réelle, pour le résoudre correctement .

Que faut-il  retenir de tout cela ?

Nourri  à la psychologie du soldat-dressé pour donner ou recevoir des ordres-  le Président reste allergique à toute opinion contraire, réfractaire à la culture  du débat. D’où  cette tendance , chez lui ,  à vouloir réduire , plier, soumettre  l’adversaire politique par tous les moyens, y compris par la pitance …  L’Administration est personnalisée, instrumentalisée aux fins  de  régler les comptes  aux adversaires . En effet, nous savons que  les opposants politiques au général  ne sont  ni  recrutés , encore moins  promus dans son Administration ;  et comme si  cela ne suffisait pas on  s’asseyait  en plus   sur leurs droits légitimes…. 

Au caractère ethnocratique,  communautariste très marqué du régime, vient maintenant se greffer la personnalisation de l’Administration, instrumentalisée à des fins de règlement de comptes politiques. Ce sont là des Indicateurs  de l’incurie et de la déliquescence  du régime  mauritanien et de sa  gouvernance ;  La loi c’est le Boss,  le Boss la loi !

Voilà pourquoi nos partenaires Européens et Américains se doivent  enfin de comprendre qu’avec de telles pratiques , une telle psychologie  rétive au Droit et à la Loi - socles de tout Etat de Droit -,en plus de la restriction croissante des libertés ,  le Président  demeure  très mal indiqué  pour œuvrer  à l’érection  d’un   Etat de droit …

 Toutes ces professions de foi sur  la lutte contre l’esclavage,  sur le respect des droits de l’homme  et des libertés, sur  l’unité nationale ne sont que mensonges,  hypocrisie ! Accords  et conventions il s’en moquait. Les appels à l’inclusion n’ont pas de répondant, car  sa politique, discriminatoire, sur l’Unité nationale  n’a pas varié. Les gouvernements mauritaniens  de – teinte militaire- sont rompus à  l’art de ruser  et  de  berner  les Occidentaux.…

Il est temps que nos partenaires internationaux  comprennent, enfin, qu’ils ont en face  un  régime militaire déguisé pour adopter  une  approche plus adaptée … 

Nouakchott le 12 décembre 2014

Samba Thiam 

Inspecteur de l’Enseignement 

(Président des FPC)