Autour d'un thé

2 December, 2016 - 10:55

Nous sommes un peuple qui oublie vite. C’est à peine si l’on a encore une mémoire pour encore se rappeler que nous sommes devenus indépendants un certain 28 Novembre de 1960. Il y a donc cinquante-six hivernages de cela, des bons et des moins bons. Que tous ceux qui ont cinquante-six ans se lèvent et applaudissent. Que tous ceux qui ont cinquante-six ans se lèvent. Applaudissent. Demandent un troisième mandat. Au nom de tous les autres. Les indépendants, d’abord. Les autres ensuite. Nous oublions vite. Comme pas possible. Le sang des martyrs. De Nimlane, par exemple. Ce n’est pas pour rien que les populations de cette localité ont brandi le nouveau drapeau aux abords maculés du sang de leurs ancêtres. Il faut réécrire l’Histoire de la résistance. Comme on a refait la géographie administrative. Chami, Nbeïket Lahwach et Termessa. Comme ça, le père de chaque mauritanien aura sa bataille contre les colons. Chaque communauté. Chaque ethnie. Chaque congrégation. Chacun aura son épopée. Ses batailles. Ses fantassins. Ses fantaisies. Ses fantasmes. Ses jours de gloire. Chacun se verra, entre les deux lignes rouges perpendiculaires du nouveau drapeau national. Il faut savoir lire entre les lignes. Blanches ou rouges, qu’importe, l’essentiel étant d’être. Mieux vaut tard que jamais. Nous sommes un peuple qui oublie vite. La mémoire courte, ce n’est pas bon. Petit exercice : de quand date le dernier délestage de Nouakchott ? De quelques jours ou d’il y a juste une semaine ? Vous savez, les Allemands viennent de fêter trente-deux ans sans la moindre coupure d’électricité sur tout leur territoire. Certes, comparaison n’est pas raison. Et l’Adrar n’est pas la Rhénanie. Moktar ould Daddah. Sid’El Moktar Ndiaye. Sall Abdoul Aziz. Ahmed ould Mohamed Saleh, ces hommes ne sont pas des résistants, ce sont les porteurs de la République sur les fonts baptismaux. Ils n’ont résisté à personne. Ils ont bâti sur le néant. Les dunes. Les chacals.  Les buissons. Qui a dit que l’histoire est le récit des événements du passé ? Les événements ne sont pas les hommes. La bataille d’Oum Tounsi est un événement. La guerre du Sahara. La nationalisation de la MIFERMA. La confection de l’ouguiya. La révision des accords militaires avec la France. Ça, c’est de l’histoire. Mais ce n’est pas de la résistance. Les coups d’Etat, c’est de la résistance. Un homme passe plus de vingt ans à faire la pluie et le beau temps. Seul. Mets celui-là, descends celui-ci. Nomme et dénomme. Fait et défait. Sans rien demander à personne. Qui l’enlève est un résistant et mérite une statue en bronze, en plein centre-ville. Un autre vient. Comme ça. De nulle part. Quand cet homme oublie comment il est venu, rapproche les lointains, éloigne les prochains, celui qui le fait se rappeler qui il est, en le « tombant », est un résistant. Il ne faut pas oublier les résistants. C’est quand même injuste. Des hommes. Des femmes. Nos ancêtres les « Chinguittois » qui riment bien avec Gaulois ont combattu. Deux petites lignes rouges ne sont rien, à leur envers ni à leur endroit. Nous sommes un peuple qui oublie vite. Faisons dans la mesure. Il y a des choses oubliables. Il y a des choses inoubliables. Les hommes meurent. Les faits restent. Exemple : 28 Novembre 1960. Ce n’est plus clair dans nos têtes. Ni les événements. Ni les hommes. Il faut réécrire l’histoire de la Résistance et de l’Indépendance. Histoire de se rafraîchir la mémoire. Visitation du Tagant. Clap clap clap. Comment c’est ? Mais ça, c’est l’Histoire ! Avec les inaugurations, les réunions et les hommes qui ont sorti le pays de l’exigüité vers le spacieux. Usine de miel d’Atar. Usine de traitement des dattes. Réhabilitation de l’Oued Seguelil. Célébration de l’Indépendance à Nouadhibou puis à Atar avec Aziz, Messoud, Boïdiel, Naha, Othman, Horma. Dans un tout neuf Boeing 737/800. Bien enfouis dedans. Ça, c’est inoubliable. C’est de la résistance. C’est de l’Histoire. C’est de l’Indépendance. Il y a tout dedans : des hommes, des femmes et des événements. Salut.