Boghé : Bâ Adama Moussa rallie l’UPR en grandes pompes

22 September, 2016 - 10:42

Samedi 17 Septembre 2016, l’ancien maire de Boghé, Bâ Adama Moussa, décide d’annoncer officiellement son adhésion à l’Union Pour la République (UPR). Egalement directeur-adjoint de la Société Nationale du Développement Rural (SONADER), il a décidé à l’occasion de mettre les petits plats dans les grands. Déjà au petit matin, sa maison de Boghé Dow commence à recevoir les invités, accourus des quatre coins de la moughataa. Des hommes politiques locaux, des notables et des chefs traditionnels ont fait le déplacement, pour assister à la cérémonie de l’entrée de cet ancien cadre de l’Union des Forces du Progrès (UFP), dans le giron du parti au pouvoir qui a dépêché, en grandes pompes, une délégation conduite par Khadjetou Mamadou Diallo.

 

Maire rebelle

Bâ Adama Moussa reste, incontestablement à ce jour, l’homme politique qui a le plus marqué Boghé. Maire de 2001 à 2013, sous les couleurs de l’UFP, ce jeune ingénieur en hydraulique rurale (option maintenance des engins agricoles) fut le seul édile à donner du fil à retordre à Maouiyaould Sid’Ahmed Taya, en battant, aux municipales, les candidats du pouvoir et en les faisant battre, aux législatives, grâce à un charisme et à une popularité que lui reconnaissent ses amis et ses adversaires. Sa défaite, en 1996, aux législatives, face à l’ancien ministre Ngaidé Lamine Kayou, n’a servi qu’à le déterminer davantage à briguer deux mandats successifs de maire indéboulonnable de Boghé, assortis de deux ans de bonus. Plusieurs facteurs expliquent la popularité de l’homme : relations solidement tissées avec les opérateurs du monde rural qui lui vouent respect et considération, acquis lors de sa fonction de technicien de maintenance à la SONADER de Boghé ; réputation auprès de la jeunesse de la ville où l’on admire les talents de l’excellent basketteur qu’il fut, quand d’autres apprécient sa disponibilité et sa sympathie. Mais il est évident que son appartenance au groupe Halaybé n’est certainement pas pour rien dans la renommée de l’éminent cadre de l’UFP, frère cadet de l’ancien ministre Bâ Boubakar Moussa.

Lorsqu’en 2009, Mohamed ould Abdel Aziz vient à Boghé, Bâ Adama Moussa refuse, tout simplement, de l’accueillir, considérant l’illégalité de son accession au pouvoir, après un coup d’Etat contre un président démocratiquement élu (NDLR : Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi). Ni les pressions des autorités locales de l’époque ni celles de ses cousins et ressortissants de Boghé, dont de très hauts gradés, membres du Haut Conseil d’Etat, ne fléchirent sa position. C’est encore lui qui eut l’audace de s’en prendre, publiquement, à Abdallahi ould Ahmed Damou, alors commissaire à la sécurité alimentaire. L’incident faillit d’ailleurs prendre une grave tournure, n’eût été une certaine temporisation, l’UFP ayant pris, à l’époque, fait et cause pour son maire.

 

Beaucoup d’eau a coulé

Entre 2001 et 2016, beaucoup d’eau semble avoir coulé sous les ponts. Bâ Adama Moussa, le maire rebelle, semble s’être assagi. On en veut pour preuve le grand écart, entre le refus catégorique d’accueillir, en 2009, le général responsable en chef du HCE qui venait d’assassiner un processus démocratique prometteur et le discours de ralliement à un président de la République visiblement devenu plus fréquentable. Dès l’entame de son intervention, Bâ Adama Moussa assure : « La cérémonie qui nous réunit aujourd’hui consacre notre décision d’adhérer à l’UPR. Cette décision traduit notre soutien indéfectible à la vision politico-socio-économique de son Excellence le Président Mohamed Ould Abdel Aziz… ». Avant cette réunion de ralliement, l’ancien maire de Boghé a sillonné beaucoup de villages de la commune, afin de leur expliquer sa décision et de les inviter à le suivre dans ses nouvelles orientations. Mais, selon diverses sources, Bâ Adama Moussa n’aurait pas eu que des oreilles attentives. Certains de ses anciens amis allant, même, jusqu’à lui exprimer clairement leur grande déception de ce revirement politique où le ministre de la Défense, Diallo Mamadou Bathia, aurait joué un rôle déterminant. Et qui aurait fait des pieds et des mains, pour convaincre son cousin de rejoindre les soutiens de Mohamed ould Abdel Aziz. Une défection des rangs de l’UFP qui commença par le soutien au candidat Ould Abdel Aziz, lors de la présidentielle de 2014, qui valut, à Bâ Adama Moussa, sa nomination à la SONADER comme directeur adjoint. Aujourd’hui qu’il est définitivement à l’UPR, certains s’attendent à ce qu’il fasse son entrée au prochain gouvernement, à la place de son « débaucheur » Diallo Mamadou Bathia.

 

Forte présence

Pour le ralliement de Bâ Adama Moussa, l’UPR a envoyé une délégation composée de Khadjettou Mamadou Diallo (chef de mission) et de Mohamed Lemine ould Chamekh, respectivement 2èmevice-présidente du parti et conseiller du président de l’UPR. En plus de plusieurs centaines de personnes venues des quatre coins de la commune, plusieurs cadres UPR de la wilaya ont fait le déplacement. Entre autres, Thiam Diombar, conseiller du Président Ould Abdel Aziz, et Sidamine ould Ahmed Challa, conseiller du Premier ministre. Citons encore Bâ Bocar Soulé, président du conseil d’administration de la SNDE, Ahmedou ould Bellal, SG de Tadamoun, Bâ Mamadou, dit Blé, DG de la SMCP, Niang Idrissa, trésorier général adjoint, les élus de la ville (maire et parlementaires) et bon nombre de ses cadres. Il y avait aussi des « intrus », comme le maire de Kaédi ou le directeur général de la SONADER. Et, naturellement, les griots et les troubadours, se disputant la préséance avec une poignée des inévitables et irracontables peshmergas qui faisaient l’impossible pour saluer tel ou tel responsable. Une façon de rappeler qu’ils sont encore vivants et bien portants, même si, comme a tenu de me le dire l’un d’eux, « les temps ne sont plus comme avant».

 

Grosse déception

Comme Bâ Adama Moussa, la représentante locale de l’UFP, Dia Mariétou, a rallié l’UPR. Beaucoup des anciens amis de l’emblématique maire ne cachent pas leur déception. Selon B.C., « je crois que ce n’était pas vraiment le bon moment. Pour moi, ce ralliement signe la mort politique de cet homme pétri de qualités ». De son côté, A.D., réputé des plus proches de l’ancien maire, se dit « complètement déçu. Surtout en me souvenant combien l’UFP a donné pour cet homme. Sans tambours ni trompettes. D’ailleurs, si Bâ Adama a pu abattre un tel travail, extraordinaire, durant les treize années passées à la mairie de Boghé, c’est grâce aux nombreuses adresses vers lesquelles les responsables de son ancien parti l’ont dirigé. Les équipements sanitaires, les partenariats avec les coopérations internationales, les voyages de requêtes et autres financements de petits projets, tout ça, c’est le dynamisme et les relations des cadres nationaux et internationaux de l’UFP. Dans la plus grande discrétion ».

 

Peur sur la ville

Localement, l’arrivée d’un homme de la trempe de Bâ Adama Moussa doit faire réfléchir les acteurs politiques de la commune. L’homme est réputé proche du ministre de la Défense qui serait à l’origine des premières manœuvres visant à le débaucher de l’UFP. Mais, des tractations internes seraient déjà en branle pour la récupération d’un homme très populaire. Les groupes politiques locaux y sont à couteaux tirés. Deux fois maire de Boghé, Bâ Adama serait-il tenté de reprendre son strapontin de premier magistrat de la ville, cette fois sous les couleurs du parti/Etat ? Ne dit-on pas : « Jamais deux sans trois » ? Ou, à défaut, briguer, pour une fois au moins, le poste de député ou de sénateur. Toutes choses qui imposent, aux acteurs de Boghé, de revoir leurs cartes et leur stratégie. Puisqu’il leur faudra, dorénavant, compter avec un nouveau poids lourd que beaucoup n’espéraient pas voir de sitôt dans la bergerie.

El Kory Sneïba