Le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine minera-t-il cette organisation déjà fragile ?

11 August, 2016 - 02:23

Le Roi du Maroc Sa Majesté Mohammed VI a, par un courrier remis au Tchadien Idriss Déby, le président en exercice de l’organisation panafricaine, confirmé sa volonté de voir le Maroc réintégrer l’Union Africaine. Reste à savoir si le retour du Maroc au sein de l’Union Africaine ne minera pas cette organisation déjà fragile.

Dans sa missive, le souverain marocain s’est adressé à ses pairs de la famille africaine en tant que petit-fils de Sa Majesté le Roi Mohammed V qui fut l’un des fondateurs aux côtés des Présidents Jamal Abdel Nasser, Ferhat Abbas, Modibo Keita, Sékou Touré, Kwame N’Krumah, de la « Conférence historique de Casablanca de 1961 », fondatrice de l’intégration africaine d’abord. Ensuite en tant que fils de Sa Majesté le Roi Hassan II qui a réuni, la même année, la Conférence des Mouvements de libération des colonies sous domination portugaise en Afrique, contribué patiemment à la stabilité de plusieurs régions de notre continent et permis de renforcer les liens d’amitié et de fraternité avec de nombreux pays africains. Et il le fait, enfin, en tant que roi d’un pays africain.

Il a rappelé que même n’étant plus membre de l’UA, le Maroc ne s’est jamais séparé de l’Afrique. Tout en précisant « l’importante implication des opérateurs marocains et leur forte présence dans le domaine de la banque, des assurances, du transport aérien, des télécommunications et du logement, qui font que le royaume est à l’heure actuelle le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le deuxième investisseur du continent ».

Mohammed VI précise que le Maroc, qui a quitté l’OUA, en 1984, dans des circonstances toutes particulières : « la reconnaissance d’un pseudo Etat était dure à accepter par le peuple marocain ». Mohammed VI qualifie cet épisode tour à tour, de « blessure », de « coup d’Etat contre la légalité internationale », de « tromperie », voire d’«acte comparable à un détournement de mineur, l’OUA étant encore adolescente à cette époque ».

Le retour du Maroc s’accompagne d’une manœuvre royale visant le retrait de la République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD). C’est pourquoi 28 des 54 chefs d’Etat membres de l’Union Africaine ont présenté, lundi 18 juillet 2016, à Idriss Déby Itno, Président tchadien à la tête de l’UA, une motion appuyant la demande de réintégration du Maroc, tout en réclamant la suspension de la RASD au sein de l’organisation. Parmi ces pays, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Gabon et la Guinée équatoriale, mais aussi la Zambie, qui a retiré, en juin 2016, sa reconnaissance de la RASD.

Pourtant, le retrait de la RASD, si le Maroc réintègre l’Union Africaine, ne sera pas automatique, puisqu’il faudra au Maroc réunir 36 pays demandant la suspension de la RASD, vu que l’exclusion d’un membre ne figure pas dans les statuts de l’UA.

La réaction algérienne ne s’est pas fait attendre puisque, trois jours après la signature d’une motion par les 28 pays, demandant l’exclusion de la RASD, le ministre algérien de l’Union Africaine, Abdelkader Messahel, avait déclaré, pour rappel, qu’il ne s’agissait pas, concernant le Maroc, d’un retour, mais d’une nouvelle adhésion du fait qu’il avait quitté l’organisation depuis trente-deux ans et qu’elle s’appelait autrement, l’OUA. De plus, avait-il précisé, dans sa déclaration qui tient lieu de réaction officielle de l’Algérie, que si le retour du Maroc devait avoir lieu, ce serait en tout cas sans conditions.

Depuis cette sortie et alors que certains pays africains proches de Rabat font pression en coulisses pour accélérer le processus du retour du royaume, c’est le silence radio à Alger. Certains observateurs parient fort sur une montée en puissance sur la scène diplomatique africaine et un changement côté algérien, et l’adoption d’un plan stratégique élaboré, pour faire échouer l’initiative du Maroc.

Ce face-à-face entre le Maroc et Algérie risque fort de miner, à jamais, l’institution continentale africaine la mettant face un dilemme cornélien : céder aux sirènes marocaines au risque de s’asseoir sur ses engagements vis-à-vis du peuple sahraoui et provoquer la colère algérienne ou résister à la tentation et perdre l’occasion de revoir le Maroc reprendre son siège en son sein. Les jours et mois à venir nous édifieront.

 

 

Par Mohamed Abba Ould Sidi Ould Jeilany, président du Centre Sahel pour l’Expertise et le Conseil