Retour de bâton

29 June, 2016 - 04:47

Le Sénat, le Patronat, Mauritel, Tasiast, Mattel, Chinguitel, MCM… Quels liens entre une institution parlementaire, une organisation patronale, des sociétés de téléphonie et autres entreprises exploitantes de mines d’or et de cuivre ? Un seul : Elles ont, toutes, maille à partir avec le pouvoir actuel. Qui a décidé d’initier une réforme constitutionnelle visant à supprimer le Sénat, « inutile et coûteux ». Ce que les sénateurs n’ont apprécié que modérément et l’ont fait savoir, en refusant de recevoir des ministres et de répondre à une convocation du président de leur parti. Avec l’Union Nationale du Patronat, la guerre est déclarée depuis quelques mois déjà, Ould Abdel Aziz tenant à obtenir, à tout prix, la tête du président sortant.

Quant aux autres fronts, ils n’ont été ouverts qu’il y a quelques jours… avec une maladresse qui frise l’enfantillage. Subitement et sans crier gare, le ministère du Travail se réveille d’une longue hibernation et demande, à ces sociétés, d’appliquer, à la lettre, la réglementation sur le travail des étrangers. Sans concertation et sans donner le moindre délai de grâce qui leur permettrait de prendre les dispositions nécessaires au remplacement de dizaines, voire de centaines d’expatriés, dont certains occupent des postes sensibles. La décision passe mal, même au sein de l’opinion publique qui n’y voit qu’une volonté du pouvoir de régler des comptes. Comment expliquer autrement cette décision subite de faire appliquer une loi qui date de quelques années, et même de  décennies ? Pourquoi la déterrer maintenant ? Populisme, démagogie, préférence nationale ? Un peu de tout ça ?

Quoiqu’il en soit, le résultat des courses est bel et bien acquis : Tasiast a décidé de fermer son usine. Déjà éprouvée par la chute des cours de l’or, les coûts d’exploitation élevés et une grève de plusieurs semaines qui lui a fait perdre beaucoup d’argent, l’entreprise était déjà sur les nerfs. Assez pour jeter illico l’éponge, lorsque les inspecteurs du Travail ont débarqué, histoire de vérifier la situation du personnel étranger – plusieurs n’étaient effectivement pas en règle – et brandi la menace de fortes sanctions, si les fautifs poursuivaient leurs activités. Allez, hop ! Les étrangers, direction Las Palmas, par avion, et les mauritaniens, au chômage technique ! En fin de Ramadan et à quelques jours de la fête, voilà qui risque fort de leur créer bien des difficultés. Gageons qu’ils ne manqueront pas de l’exprimer…

C’est tout de même curieux, cette propension du pouvoir à se mettre à dos tout le monde… Plutôt que des décisions à l’emporte-pièces, pour ne pas dire l’arrache-clous, une opération en douceur, après mise en garde et délai de grâce, par étapes raisonnablement mesurées, aurait certainement eu des effets autrement moins désastreux. Bastonnez, bastonnez, soldats, c’est bien connu : à l’aller du bâton, la route se dégage. Mais qui finit toujours par dégager, au retour ?

Ahmed ould Cheikh