Khalil ould Teyib*, dans une interview exclusive: ‘’Nous ne devons pas accorder un intérêt accentué au rapport partial de Philippe Alston, dès lors qu’il déforme les faits et que son auteur est un sioniste, hostile au pays’’

23 June, 2016 - 16:17

Le Calame : Dans son discours de Néma, le président de la République a convié son opposition à un dialogue. Pouvez-vous nous dire où en sont préparatifs ?

M. Khalil ould Teyib : Ils sont en cours. Les contacts, tant solennels que secrets, se poursuivent de manière excellente et le cercle de ceux qui y croient s’élargit. La rencontre qui a réuni, dans une franche sincérité, le secrétaire général de la Présidence avec les représentants de divers regroupements politiques en constituent une preuve incontestable.

 

- Le Président a déclaré, dans une sortie à la presse étrangère, qu’il n’a jamais été question, pour lui, de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat. Cela peut-il contribuer à convaincre le FNDU et le RFD, qui le suspectaient justement de nourrir cette ambition ?

- Le Président de la République n’a jamais exprimé ou fait allusion à une quelconque intention de briguer un troisième mandat, malgré les voix qui l’y appellent, en raison du besoin du pays d’un dirigeant fort et expérimenté. En fait, la polémique sur le troisième mandat est l’œuvre et l’imagination de certains partis, au sein de l’opposition « Forum », qui continuent de douter et affirment que le Président briguera un nouveau quinquennat.

 

- Pensez-vous que le Président pourrait reporter la date du dialogue, pour donner, aux contacts en cours avec cette opposition, plus de chance d’aboutir ?

- Je connais, au frère Président, sagesse et responsabilité. Cela me poussent à lui demander d’accorder une dernière occasion et du temps supplémentaire, au FNDU, lui permettant ainsi de trancher son choix. J’en profite pour appuyer et encourager les voix qui ont exprimé, via diverses indiscrétions et déclarations privées, de nouvelles positions, vis-à-vis de la participation au dialogue.

 

- Comprenez-vous les réticences de l’opposition à aller à ce dialogue ?

- Je ne cache pas mon souci et mon vœu de voir tout le monde participer. Toutefois, je ne trouve pas de raison qui justifie les réserves et les hésitations de cette partie de notre opposition, pour aller au dialogue prévu, bien que je connaisse les mobiles et les calculs qui ont conduit chaque groupe à adopter, jusqu’à l’instant où je vous parle, une position hostile au dialogue.

 

 - Et si, d’aventure, le FNDU et le RFD refusaient d’y prendre part, le pouvoir l’engagerait-il quand même ?

- Le dialogue est nécessaire, impératif et requis. Ceux qui le circonscrivent uniquement aux questions liées aux élections sont fautifs et négligents. Ils ne prennent pas conscience de l’existence de points, problématiques et sujets, essentiels, que les Mauritaniens sont appelés à trancher à travers lui. En conséquence, il s’impose, au pouvoir national en place, d’organiser un dialogue inclusif permettant de faire sauter les verrous qui continuent de bloquer ces importants sujets et grandes questions, qui persistent, depuis l’Indépendance, sans qu’aucun des différents régimes qui se sont succédés à la tête du pays n’aient pu leur trouver des solutions idoines.

 

- A votre avis, pourquoi le pouvoir tient tant au dialogue, alors que le président de la République a été réélu, il y a un peu plus de deux ans, et qu’il dispose d’une confortable majorité au Parlement ?

- Toute personne qui admet, dans sa compréhension ou son analyse, la dualité « majorité-minorité », ne peut appréhender ou concevoir le souci accordé, par le pouvoir, au dialogue, alors qu’il dispose d’une majorité confortable et positive. Par contre, ceux qui réalisent combien le Président est porteur d’un projet national pour le changement, comprennent et intègrent, aisément, ces préoccupations et cette volonté d’engager un dialogue inclusif, permettant de régler les grands problèmes et de jeter les fondements de l’existence et de la pérennité nationales.

 

- Peut-on savoir sur quels thèmes porteront les débats ?

- Les sujets sont fixés par les parties dialoguistes, quand elles s’assoient autour de la table des pourparlers. Ils devraient être généralisateurs.

 

- APP et El Wiam ont déjà indiqué qu’ils iraient au dialogue annoncé par le président de la République. Qu’en pensez-vous ?

- APP et El Wiam, de la CUPAD, sont les deux principaux partenaires du dialogue de 2011, sanctionné par des résultats extrêmement importants. Leur participation au nouveau est d’une importance considérable, susceptible de l’enrichir notablement.  Toute participation, collective ou individuelle, sera utile et importante, dès lors qu’elle permettra de valoriser les débats. 

 

- Partagez-vous l’« indignation » de certains mouvements harratines  qui se sont sentis « offensés » par les  propos du Président à Néma ?

L’humiliation ? Je m’en réserve car elle n’a pas eu lieu. Le Président ne peut pas ridiculiser un citoyen ou un groupe, surtout la frange particulière qui a fait l’objet, à ses yeux, d’une injustice historique. Il a concentré la politique de son gouvernement sur le traitement des séquelles consécutives à ces injustices, à travers une thérapie effective, fondée sur les stratégies et les programmes de développement, ainsi que par les lois drastiques.

 

- Depuis quelques temps, on assiste à une espèce de fronde, au sein de la chambre basse du Parlement. Contre qui nos honorables sénateurs sont–ils fâchés ? Contre le Président qui a pris la décision de supprimer leur institution, au motif qu’elle est inutile et budgétivore, retardant en outre le vote des textes, ou contre les membres du gouvernement et le président de l’UPR qui ont ajouté une couche aux reproches du Président ?

- Le Sénat est une chambre respectable qui s’acquitte, convenablement, de son rôle naturel fixé par la Constitution et ne doit pas être ridiculisé. Il ne le mérite pas et je n’accepte pas l’humiliation de ses respectables membres. Ni l’Union Pour la République ni son président n’ont tenu des propos discourtois et personne n’a donné d’instructions en ce sens, aux membres de ses missions dont le rôle était limité à répondre à la déformation, par le Forum, du contenu du discours du frère Président à Néma. Certes, des membres du gouvernement ont malheureusement échoué, faute, peut-être, d’expérience, d’endurance et d’entraînement à s’adresser au public, mais ils n’ont pas fait exprès de tenir des propos irrespectueux.

Pour ce qui est de l’activisme mené par le vénérable Sénat, je n’y vois pas la moindre fronde mais, plutôt, une formé très élevée du sain exercice démocratique, devenu une réalité banale, sous la houlette de l’actuel pouvoir. Une pratique que nous exerçons, nous-mêmes, en toute liberté, au sein du parti de l’Union, puisqu’il arrive qu’on ne soit pas d’accord, dans l’expression de l’opinion et la position générale, quand elle est annoncée. C’est donc ce qui est réellement arrivé.

 

- On chuchote que certains députés seraient remontés contre le gouvernement d’Ould Hademine et qu’ils n’excluraient pas de déposer une motion de censure. Info ou intox ?

- Ces rumeurs sont infondées. C’est la première fois que j’en entends parler. Les députés de la majorité apportent, au sein de l’Assemblée nationale, leur soutien aux grandes orientations et à la politique générale fixées par le frère Président, appelées à être soutenues et à bénéficier de la confiance de tout gouvernement qu’il nomme.

 

- Le gouvernement vient de lancer, comme les années précédentes, l’« Opération Ramadan », pour aider les démunis à endiguant la flambée des prix. Mais, selon nos informations, les populations de l’intérieur du pays attendent toujours le ravitaillement des boutiques Emel. Un commentaire ?

- Malgré ses orientations libérales, qui suscitent, de ma part, des réserves, l’actuel pouvoir a constamment pris des mesures pour limiter leurs impacts. On peut citer, à ce propos, le programme Emel qui a joué un rôle vital, en apportant de l’aide aux citoyens démunis et sans moyens, l’opération Iftar Sayem, qui a, effectivement, limité l’inflation, ou l’approvisionnement des boutiques-témoins qui est une mesure procédurière.

 

- Le gouvernement de la République s’est senti piqué au vif par le rapport de monsieur Altson, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté. Vous trouvez qu’il est partial ? Si oui, à quelle fin, selon vous ?

- Nous sommes mieux édifiés, sur nos conditions intérieures, et mieux habilités, pour les affronter, ainsi qu’à leur chercher les solutions appropriées. Le gouvernement poursuit, avec abnégation et dévouement, sa politique de lutte contre la pauvreté, notamment en renforçant les libertés et les droits de l’homme. Il suffit pour nous, Mauritaniens, de reconnaître, à l’unanimité, les grandes avancées et importants progrès réalisés dans le pays, en particulier dans le domaine des libertés publiques, des droits de l’homme et de la lutte contre l’esclavage. Nous ne devons pas accorder un intérêt accentué au rapport, partial, de Philippe Alston, dès lors qu’il déforme les faits et que son auteur est un sioniste, hostile au pays.

Propos recueillis par Dalay Lam

 

*député UPR à l’Assemblée nationale