Décès du jeune Zeïni ould Khalifa : La police semble échouer à élucider cette énigme

7 June, 2016 - 14:57

En prenant son petit déjeuner, le lundi 30 Mai, vers neuf heures, Zeïni ould Khalifa, vingt-huit ans et étudiant en deuxième année à l’Université, ne pouvait imaginer que c’était là son dernier. Son téléphone avait sonné plus de vingt fois, sans qu’il ne le décroche. Le voilà rejoignant son père en train de sortir un véhicule du garage familial, pour aller au boulot. « Papa, donne-moi de quoi acheter du gasoil, je dois aller réviser avec des amis de classe, l’examen commence ce soir ! ». Aussitôt dit, aussitôt fait. Ixième sonnerie de téléphone. Zeîni sort pour décrocher et répondre brièvement, avant de revenir vers sa mère Meïmouna qui chérit, plus que tout, son fils unique. « Je vais aller déposer quelqu’un tout près d’ici et revenir », lui lance-t-il gaiement. Il s’habille, se parfume et s’en va.

 

Triste surprise

Vers onze heures, on sonne au domicile familial, sis à la Socogim Ksar en face de l’ilot C.  Meïmouna ouvre la porte à Tarek Aziz et Bambey deux amis de son fils. Très crispés, ils lui annoncent que ce dernier est allongé, inconscient dans une maison, à deux cents mètres de là, à l’ouest. Affolée, la pauvre maman les suit illico. Zeïni est couché, inanimé, en chemise et séroual, dans la cuisine de la petite maison où loge Mariem mint Itawel Oumrou ould Bok, son amie de cœur. Sa mère tente de le ranimer, en vain. A l’aide des deux amis, elle l’évacue aussitôt vers le CHN où le médecin ne peut, malheureusement, que constater le décès. La police vient faire le constat et embarquer la jeune Mariem que feu « Zeïni voulait épouser en Septembre », sanglote sa mère.  Les deux amis du défunt sont aussi conduits au commissariat du Ksar 2. Le cadavre restera quarante-huit heures à la morgue du CHN, en l’attente, a-t-on dit, d’une autopsie. En fait, juste une biopsie, effectuée, en un quart d’heure, par un médecin. Et en l’absence des parents du défunt, contrairement à la loi. Le permis d’inhumer enfin délivré, deux jours plus tard, le cadavre a été enseveli, avec son secret, au cimetière d’El Balatiya, au nord-est de Boutilimit.

 

Flashback sur la relation Zeïni-Mariem

Au cours d’une nuit de début 2013, Zeïni conduit sa voiture, de nuit, au quartier Capitale. Oh, un attroupement ! Une bagarre vient juste d’éclater, entre deux jeunes hommes et un groupe de djenks. Les deux pauvres garçons sont passés à tabac. La police intervient et rafle tout le monde. Compatissant envers les victimes, Zeïni les suit au commissariat. Il téléphone à un ami officier de l’armée en lui demandant de l’y rejoindre. Celui-ci parvient à obtenir la libération des deux garçons qui les remercient chaleureusement. Zeïni prête son téléphone à l’un d’eux qui veut informer sa mère. Voilà comment le lendemain, Zeïni reçoit un coup de fil de celle-ci : « Salamou aleykoum, je suis la mère des gosses que tu as soutenus hier. Fais-nous l’honneur d’accepter de dîner avec nous, ce soir. – Merci mais je suis désolé car je serai un peu occupé ». La dame insiste beaucoup et il finit par accepter. Le soir venu, il vient en compagnie d’un ami. Pour découvrir la jeune Mariem, toute en beauté, à leur servir le thé, bien habillée et maquillée. Au moment de prendre congé, la maman propose, tout de go, à Zeïni, de devenir son gendre. Le garçon décline poliment l’offre et les quitte aussitôt. Dès le lendemain, Mariem revient à l’attaque et, de fil en aiguille, la relation amoureuse s’installe. Entre-temps, la maman apprend que le jeune homme est encore étudiant et commence à vouloir l’éloigner de sa fille. Mais celle-ci en pince vraiment et, malgré l’interdiction maternelle, continue à le fréquenter, jusqu’à lui proposer d’aller, seuls, lier leur union devant le cadi. Zeïni est pieux, récite tout le Coran par cœur et a de bonnes connaissances du fiqh. « Je ne peux t’épouser qu’avec le consentement de tes parents » lui répondit-il.

Il y a une semaine, Mariem informe son amant que sa maman ne s’oppose plus à leur union. Comme ses propres parents n’y voient pas, non plus, d’inconvénient, Zeïni programme la noce pour le mois de Septembre. Leurs amis communs affirment que Mariem se comporte toujours convenablement en présence de son fiancé. Mais, en son absence, ses mœurs seraient plus légères : tête incomplètement couverte, danse en présence des hommes, etc. Pas de quoi fouetter un chat, semble-t-il, et c’est plutôt vers sa mère que les regards de l’opinion se tournent. Car la dame, âgée de 47 ans et fonctionnaire a la SOMELEC, veut un époux vraiment riche pour sa fille. Elle a séjourné en Arabie saoudite et veut du luxe. Le fait que Zeïni, en passe de finir ses études, soit de famille noble et aisée, ne l’intéresse guère. Cela dit, l’appât du gain n’est pas un crime. Mais l’on se demande, tout de même, pourquoi cette dame ne fait pas partie des suspects, alors que ses déclarations, en cette affaire, sont totalement contradictoires et que son téléphone portable a été retrouvé dans la voiture de Zeïni, après sa mort.

 

La déposition de la suspecte N°1 

La suspecte numéro un est, bien sûr, Mariem mint Bok. Dans sa version des faits, elle a affirmé que Zeïni était passé la voir chez elle, le lundi vers dix heures, pour l’emmener à l’Université. Il l’aurait trouvée endormie et l’aurait réveillée. Une discussion abracadabrante s’en serait suivie, avant que le garçon ne s’enferme dans l’étroite cuisine pour se pendre, à l’aide d’un turban, à la fenêtre située à…  un mètre quarante-cinq du sol ! Mariem affirme avoir dû casser la porte à l’aide d’une pierre, pour le rejoindre et couper, hélas trop tard, le turban.

Cette incroyable version est démentie par de nombreux faits : ses vingt-et-un appels vers le numéro du défunt ; la taille de Zeïn, bien supérieure à un mètre quarante-cinq ; la disparition de son boubou ; l’absence du moindre turban ou morceau de tissu sur la scène du décès ; la porte intacte de la cuisine ; l’appel au meilleur ami du défunt, plutôt qu’à ses parents ou à la police : sans la présence d’esprit des deux amis, qui ont refusé de déplacer le corps, la jeune femme aurait pu nier tout lien avec le décès et incriminer, même, celui qu’elle avait appelé avec le téléphone de son fiancé.

Les amis malchanceux du défunt

Bambey est à Teyaret, vers onze heures, quand il reçoit l’appel de son cher Zeïni. « Ici, c’est Mariem, Zeïni vient de s’évanouir chez moi. Viens m’aider à le conduire à l’hôpital ! ». Le voilà à foncer à bord de sa voiture vers l’îlot C mais un encombrement le bloque au niveau du Ksar. Il appelle donc Tarek Aziz et lui demande de le rejoindre au plus tôt à l’ilot C. Tarek prend un taxi qui le déposé du côté des ministères. Mariem vient le récupérer à bord du véhicule du défunt. Ils arrivent à la maison en même temps que Bambey. Constatant l’inconscience de leur ami, un des garçons l’asperge d’eau, en espérant le ranimer. En vain. « Vous devez l’amener à l’hôpital », lance Mariem. « Jamais de la vie ! On doit le laisser ici et appeler la police ! »

La police a longuement interrogé Mariem, Bambey et Tarek, ainsi que les parents directs du défunt et la mère de la principale suspecte. Le procureur de la République a adressé, aux compagnies GSM, des requêtes de criblage de quatre puces d’abonnement. La garde à vue des suspects a été prolongée de 72 heures. Black-out total sur l’enquête, tant par la police que par le Parquet. Rares sont les informations qui ont pu filtrer et qu’on a ici relatées. Lundi 6 Juin, le commissaire du Ksar 2 défère les trois suspects au Parquet de la wilaya ouest de Nouakchott. Une source de la police affirme que l’enquête aurait conclu au suicide du jeune Zeïni, chose incroyable pour ses parents et tous ceux qui l’ont connu. Des dizaines de femmes représentant les proches du défunt ont tenu sit-in devant la présidence de la République, le même jour. Elles demandent, aux autorités, de reprendre l’enquête, via une commission juste et sans parti pris. Elles veulent aussi informer le Président qu’une haute personnalité aurait exercé, selon elles, des pressions, pour que la police avalise l’invraisemblable thèse du suicide.

Mosy