Calamités

12 May, 2016 - 02:38

Dans un discours de plus de deux heures, Mohamed ould Abdel Aziz a parlé, à Néma, de tout et de rien... sauf de ce qu’il voulait dire.  Un véritable coq à l’âne qui aura surtout prouvé qu’il n’en avait ni la sagesse ni le courage. Résultats d’une telle pusillanimité : propos outrageants envers l’opposition, traitée de menteuse, d’irresponsable et d’ennemie de la Nation ; déclarations imprécises (c’est un euphémisme) sur les chiffres liés à l’économie nationale, sur son prétendu « souci » de préserver les acquis démocratiques, la consolidation de la cohésion sociale… Pendant deux heures, MOAA a parlé à tort et à travers, sans que personne (sauf les gens de l’UPR) ne puisse saisir là où il voulait en venir. L’extrême variété des compréhensions et interprétations de ses propos démontre, formellement,  leurs nébulosité et incohérence. Depuis le 3 Mai (date du discours), les media, tant publics que privés, croulent sous les commentaires approximatifs, sinon contradictoires, des uns et des autres : président de l’UPR, députés de la majorité, conseillers et chargés  de mission à la Présidence, anciens symboles de la gabegie dont un ex-directeur de cabinet du Président et ancien ambassadeur qui essuyèrent les affres de la mauvaise langue azizienne, sont descendus de leur piédestal pour « expliquer », histoire de les rendre plus confuses encore, les déclarations « clairvoyantes et pleines de sagesse » de son « Excellence » MOAA. Mais, comme dit l’adage populaire, un coup que tu ne reçois pas est comme une frappe sur un tronc. Dans un passage relatif à l’esclavage, Ould Abdel Aziz est carrément sorti de ses gonds. Comme d’habitude, chaque fois qu’il parle de cette thématique. Pour lui, l’esclavage n’existe, tout simplement pas, en Mauritanie. Ceux qui prétendent le contraire ne sont que des menteurs qui s’en sont fait un juteux fond de commerce. Les lois criminalisant l’esclavage, les procès des esclavagistes – certains sont même  en prison – les centaines de dossiers pendants devant les juridictions et les trois tribunaux nouvellement y dévolus, à Nouakchott, Nouadhibou et Néma (inauguré le 2 Mai), n’en constituent même pas un commencement de preuve. Des séquelles, des séquelles ! assène, hystériquement, le Président, n’hésitant pas à évoquer, avec autant de mépris que d’insolence, l’excessive fécondité de certaines familles, responsable, à ses yeux, de leur dislocation. Pas meilleure manière de se rouler dans la fange et de mettre en péril la cohésion sociale, via des déclarations malheureuses et complètement irresponsables. Ould Abdel Aziz développe un véritable complexe vis-à-vis des Harratines. Son mépris du peuple, en général ; des Harratines, en particulier ; est certainement lié à l’aplatissement de certains des soi-disant « responsables » de cette première communauté nationale. En casser frénétiquement, à chaque occasion, sans vergogne ni révérence, semble être devenu son jeu préféré. « Que sont les Harratines ? », s’interrogeait-il à Nouadhibou.  Des lapins obsédés de reproduction, répond-il à Néma. Ses dénégations de l’esclavage et autres explications foireuses de la pauvreté ne sont que sadiques délectations des souffrances de toute une communauté qui en a enduré et continue à endurer pratiques et séquelles d’un asservissement systématisé. A l’évidence, les problèmes des Harratines sont liés à des réalités socioculturelles dont l’esclavage est le principal soubassement, entraînant, à sa suite, toute une gamme de conduites et de réflexes.  S’improviser anthropologue, en glosant sur l’origine des Harratines, ou sociologue, en prétendant identifier leurs comportements spécifiques, ne saurait, en rien, justifier les multiples fiascos d’un système qui n’offre que déni, incongruités et insolences, pour affronter les problèmes de son peuple. Jamais la Mauritanie n’a été aussi communautarisée, tribalisée, divisée. La visite de Néma est une illustration, particulièrement éloquente, de la résurgence de la tribu. Les tensions communautaires qui resurgissent, à la moindre occasion, fragilisent, chaque jour davantage, l’unité nationale, en décomposition déjà très avancée. Les Mauritaniens se regardent en chiens de faïence, divisés dans les établissements publics (établissements scolaires, structures de santé…), dans les quartiers ; les mosquées, même. Il ne sert à rien de s’en cacher, la politique de l’autruche est compromettante. « Ceux qui vous l’embellissent ne vous serviront à rien » : l’heure nous réapprend le bel adage de notre culture populaire. Que le député Khalil ould Tiyib  appelle, sur TV Sahel, vers les 20 heures du mardi 10 Mai, à ce que les courants idéologiques nationalistes « attrapent la main » au Président, c’est quoi et pour faire quoi ? Que l’ancien ministre Zeïdane ould Hmeyda prenne sa belle plume, sur le site Tawary, le 11 Mai, pour défendre « son » Président, ennemi juré de la gabegie, alors que le scandale de Woodside palpite encore, tout frais ; que Cheyakh ould Ely s’invite, sur la Mauritanienne, au débat du mardi 10 Mai, pour asséner qu’avant Aziz, rien ne marchait : autant de témoignages de l’impertinence et la versatilité de nombre d’entre nous. Aziz n’aurait rien dit de grave dans son discours de Néma. Aziz ne dit rien (à comprendre en hassanya). Tant la cruche va à l’eau qu’à la fin elle se casse. Une autre façon de dire qu’un jour ou l’autre, viendra, forcément, la fatale goutte qui fera déverser le vase. 

 

El Kory Sneiba