Moustapha Abdel Aziz Ahmed ElMekki, président du PDA et député: ‘’J’ai toujours demandé la diminution des prix, notamment celui du gasoil ou, à défaut, une explication scientifique acceptable par tous, qui justifierait le statu quo’’

31 March, 2016 - 10:58

Le Calame : Au cours de sa visite, le 15 Mars, à Tarhil 18, dans la banlieue de Nouakchott,  au moment où certains ont choisi d’enterrer le dialogue avec l’opposition, le président de la République a réitéré sa disposition à dialoguer dans les mêmes conditions que par le passé. Mieux, il a souhaité le voir se concrétiser sous peu. Quels enseignements avez-vous tirés de cette déclaration ? Que pensez-vous de cette incapacité du pouvoir et de l’opposition à nouer le dialogue ?

Moustapha Abdel Aziz Ahmed ElMekki: Vous venez d’annoncer, dans le libellé de votre question, que le président de la République s’est dit disposé à reprendre le dialogue, bien qu’il existe des forces qui œuvrent, au contraire, à inhumer celui-ci. Je vous affirme que nous ne doutions pas, de notre côté, de la sérieuse  volonté du Président à  poursuivre le dialogue,  convaincu de ce que celui-ci revêt un intérêt général. Dans cet ordre d’idées, cet appel émane de la volonté et des aspirations du peuple.

Personnellement, je trouve que c’est une occasion à saisir pour reprendre les discussions et aboutir à des résultats positifs qui contribueront à progresser, sur tous les plans : politique, économique et social. Des progrès à la réalisation desquels participeront les politiciens, les hommes d’affaires et les autres couches de la société, et permettront, aussi, à ceux qui sont actuellement contraints de vivre à l’étranger, de rentrer au pays.

Quant à l’incapacité des parties à reprendre le dialogue, j’y vois deux raisons principales : tout d’abord, l’absence de confiance mutuelle ; puis, la priorité accordée, à l’adversité, sur l’intérêt général du pays.

 

- Etes-vous consulté, en tant que parti de la majorité présidentielle, sur les différentes tentatives de nouer le dialogue avec l’opposition ou autres questions d’intérêt national ?

- Dans la majorité présidentielle, nous sommes organisés en coordination, avec, à sa tête, un bureau exécutif et une présidence tournante. Nous suivons, de près, les évènements ; nous nous réunissons, aux moments opportuns, avec le Premier ministre et, également, avec le président de la République, afin d’étudier l’ensemble des problèmes et défis auxquels nous faisons face. Nous avons, de tous temps, joué un rôle très important et nous demandons, de notre côté, la reprise du dialogue.

 

- Pourquoi les partis de la majorité ne réagissent-ils pas aux attaques dont le Président et son gouvernement sont l’objet, depuis quelque temps, notamment les scandales de corruption, l’affaire Senoussi, la tentative de nouer un pacte de non-agression avec Al Qaida au Magheb islamique et l’impression des cartes électorales ?

- Je voudrais que tout le monde sache que le président de la République et les membres du gouvernement sont des personnalités publiques, exposées d’autant plus à la critique que nous vivons dans un pays démocratique où la liberté d’opinion est garantie. Mais ceux qui croient que les députés de la majorité présidentielle ne défendent pas le président de la République et les membres du gouvernement, sont probablement  mal renseignés sur ce qui se passe au Parlement. Rappelons, à cet égard, qu’il existe des questions à caractère rhétorique, susceptibles d’être vraies ou fausses. Il ne s’agit nullement de réagir pour réagir, mais bien plutôt de mener les investigations qui s’imposent, afin de faire ressortir la réalité et de la dévoiler au moment opportun. Nous avons eu à traiter des questions de ce genre et, en un temps record, la vérité a été entièrement rétablie.

Quant aux scandales financiers, il s’agit de l’existence  d’une institution de contrôle, qui œuvre à ce que nous soyons un peuple honnête, à l’instar des pays évolués dont les institutions de contrôle travaillent, nuit et jour, pour la préservation des biens publics. Je trouve cela positif.

Concernant le rapatriement de Senoussi, j’ai l’impression que cette question est de l’ordre de la consommation politique du moment. Un citoyen libyen  était entré en Mauritanie de manière illégale, la Mauritanie ne lui a pas accordé le droit à l’asile politique et le gouvernement libyen demandait son rapatriement. Il existe des justificatifs pour ce faire, le monde a connu nombre de semblables situations et ce domaine est géré par des conventions internationales précises.

Concernant la signature d’un accord de non-agression avec Al Qaïda, la nouvelle émane d’une troisième partie et nous portons de sérieux doutes sur son exactitude, tout en sachant que les autorités  gouvernementales nient, catégoriquement, l’existence d’un tel accord.

Quant à la question des cartes d’électeur, je rappelle qu’il s’agit d’une affaire où le principal prévenu est un citoyen mauritanien fonctionnaire de l’Etat et, du moment où l’affaire est en justice, je m’abstiens d’en parler car le prévenu est innocent, tant que sa condamnation n’est pas prononcée. 

 

- Les députés des mêmes partis brillent par leur silence, au Parlement, sur la flambée des prix et le refus du gouvernement de baisser le pris du gasoil, en dépit de la dégringolade du prix du baril. Que répondez-vous à vos électeurs qui grognent ? Les députés ne sont-ils pas affectés par cette crise de liquidités dont presque tout le monde se plaint aujourd’hui ?

- Avec tout le respect que je dois à votre auguste journal, cette question devrait être adressée à un autre député de la majorité car ceux qui suivent les audiences parlementaires savent que j’ai eu à demander la diminution des prix, notamment celui du gasoil ou, à défaut, une explication scientifique acceptable par tous, qui justifierait le statu quo. J’ai également proposé l’organisation de journées de réflexion sur les voies et moyens de relever la valeur de l’Ouguiya, notre monnaie nationale.

 

- Que répondez-vous à l’opposition et à certains manifestants qui accusent le gouvernement d’ « accabler » le peuple par les impôts et taxes pour boucler son budget ?

- Nous sommes convaincus que les impôts constituent un droit de l’Etat sur les citoyens mais cela doit s’effectuer de manière légale et raisonnable. Le contribuable participe au développement du pays, c’est pourquoi nous  souhaitons que les citoyens ne soient ni persécutés ni exténués d’impôts. De même, nous invitons les fonctionnaires  à observer les règles de la déontologie et  à ne pas trop bousculer les contribuables. Cela dit, il n’est pas à démontrer que les impôts constituent une des plus importantes ressources du budget de l’Etat et l’opposition est en droit d’adresser des critiques, sévères, au gouvernement et à ses procédures en la matière : c’est tout à fait naturel.

Pour ce qui est des manifestations organisées par les citoyens, le gouvernement dit ouvrir des enquêtes, pour s’assurer de la réalité des problèmes posés et  redresser la situation, s’il s’avère qu’il y a eu injustice quelque part.

 

- Depuis son arrivée au pouvoir, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz a choisi d’éradiquer la corruption/gabegie. Que pourrait apporter de nouveau cette loi que  l‘Assemblée nationale vient d’adopter, sur la répression de la corruption ?

- La corruption est bannie, il faut qu’on le sache, par toutes les sociétés, notamment par la société musulmane. Comme vous l’avez si bien dit, le Président Mohamed ould Abdel Aziz porte haut, depuis son accession au pouvoir, la lutte contre ce fléau. Les lois en vigueur n’en réprimaient pas les tentatives et n’étaient pas suffisamment répressives, en ce qui concerne ses manifestations avérées. La nouvelle loi vient renforcer l’arsenal juridique, avec des peines plus dissuasives.

 

- Vous avez été surpris, au sein de la majorité, de la décision du Conseil Constitutionnel demandant au gouvernement, il y a déjà quelques mois, de procéder au renouvellement rapide de tous les groupes du Sénat, frappés désormais d’ « illégalité » ?

- Ceux qui suivent, de près, les évènements en Mauritanie se rendent compte que nous sommes un peuple qui privilégie la politique, au détriment des textes juridiques. La situation actuelle du Sénat est due à la patience des autorités, en l’attente de la reprise du dialogue. La décision du Conseil constitutionnel  ne m’a, personnellement, pas surpris pour autant, puisque le Sénat est  bel et bien en situation contraire aux textes. Il était prévu qu’il soit procédé au renouvellement du tiers de cette chambre tous les deux ans. Or, chacun de ses tiers actuels a dépassé ses six ans de mandat et c’est, là, le plus long mandat dont un sénateur peut bénéficier.

Propos recueillis par Dalay Lam