Baisse du niveau des élèves : La DREN du Tagant met en œuvre une approche pour redresser la barre

3 March, 2016 - 00:45

Lutter contre la baisse du niveau des élèves  est une priorité de la Direction Régionale  de l’Education Nationale au Tagant. Pour enrayer cette gangrène,  elle a initié, l’an dernier, avec ses services déconcentrés, une expérience inédite, quasiment révolutionnaire, dans le milieu scolaire mauritanien si réfractaire à tout changement. A cet égard, on se rappelle, tous, du passage  remarqué de Nebghouha mint Mohamed Vall qui  tenta, avec un succès hélas trop éphémère, de faire bouger les lignes.

Face, surtout, aux résultats, catastrophiques, du concours d’entrée en première année collège – le taux d’admission de la région n’est que de 30% – le directeur régional, Makhtour  ould Ahmed Jiddou,  et son équipe se sont attelés à la tâche. En  repérant, d’abord, les raisons d’une telle hécatombe ; en situant, ensuite, les responsabilités, avant de tenter, enfin, d’apporter  des solutions.

 

Résultats  préoccupants

L’idée  retenue fut d’organiser un test, au niveau régional, pour  toutes les classes d’examen, sur les matières de base que sont l’arabe, le français et les mathématiques. L’expérience, d’abord  lancée  au niveau de l’inspection départementale de Tidjikja a été ensuite  élargie  aux deux autres  inspections départementales de la région. L’IDEN de Tidjikja, Khalidou Mamadou –  Khalil Sow, pour les intimes – salue, d’ailleurs, l’engagement et la fermeté du directeur régional, pour surmonter tous les obstacles.  « Nos objectifs, en réalisant ce travail  avec nos équipes de  terrain,  est de connaître le niveau réel de nos apprenants, voire de nos enseignants ;  tenter d’apporter  des correctifs nécessaires pour relever leur niveau, en  suscitant  une émulation au niveau de la région ; et enclencher, nous l’espérons, une dynamique  au niveau national », indique  le DREN.

Le test a touché les  183 écoles que compte la wilaya. Deux n’ont pas pu y participer, pour des raisons logistiques. Signalons, au passage, que l’effectif total des apprenants du fondamental, au Tagant, est de 19 094 dont 50,47% de filles), répartis en 723 divisions pédagogiques, tenus par 567 enseignants dont 122 contractuels. La région compte 12 établissements secondaires, avec un effectif de 4 161 élèves  et 163 professeurs  dont 72 contractuels.

Réparti  en trois grands  groupes  ont montré que le niveau des élèves est disparate, extrêmement bas. Le tableau  récapitulatif  de du test d’évaluation des élèves de 6e AF  sur les acquis de 5e AF le montre amplement. Le nombre de points était de 130.

 La direction régionale  et ses équipes  ont  ainsi  réparti  les niveau  niveaux comme  suit : le niveau  1 correspond  à une  maitrise relativement acceptable (130 – 60 pts),    des acquis, le niveau 2,  à  celui des élèves  faibles (59 – 30 pts), mais « récupérables »,  à travers  des cours d’appui  et de soutien,  et le niveau 3, celui enfin des élèves qui  n’ont pas  les acquis  de la 5e AF (29 -0pts). Ils n’ont  aucune chance de réussir  par conséquent réussir  au concours d’entrée en 1ere année secondaire. Le résultat montre que certains sont incapables d’écrire. Dans ce cadre, la DREN a décidé de réhabiliter  la leçon d’écriture ; elle a, à cet effet,  distribué des cahiers d’écritures.

 

 

Voici le tableau récapitulatif  de l’évaluation sur les acquis de la 5e AF la 6AF.

Moughataa

Nombre candidats

N1

%

N2

%

N3

%

TDJ

857

190

22,17%

424

49,47%

243

28,35

MOUDJ

942

195

20,70%

432

45,85%

315

33,43

TICHIT

47

46

97,8%

1

2,1%

0

0%

TOTAL

1846

431

23,34%

857

46,42%

558

30,22%

 

Les résultats du test ont fait l’objet d’une présentation aussi bien devant l’administration que devant les parents d’élèves.  Les résultats des candidats sont déposés dans toutes les directions des écoles.

 

Les causes du mal ?

Ces  contre-performances sont imputables, en grande partie, aux enseignants dont certains n’ont pas, eux non plus, de niveau, quand d’autres  s’occupent plus de leurs  affaires personnelles  que du travail de classe. L’encadrement  de proximité  des enseignements, le laxisme de l’administration, le manque de maîtrise de la méthode APC, le manque de moyens  didactiques, dans les classes, et logistiques, pour la direction régionale  et ses inspections, ainsi que la démission de nombreux parents d’élèves  ont aussi  étaient épinglés.

Des premières mesures  ont été aussitôt prises : organisation de test, pour évaluer le niveau réel des élèves de 6e  AF,  candidats  au concours d’entrée en première année du secondaire. Le travail réalisé a fait l’objet de deux présentations. L’une  devant l’administration  et les directeurs des écoles, l’autre au profit des parents d’élèves. « Nous avons besoin de convaincre les  parents d’élèves, les élèves et l’administration  par la  transparence du travail réalisé.  Un grand défi.  Autre challenge à relever,  les parents d’élèves comprennent difficilement  que leurs  rejetons,  habitués  aux  passages  automatiques  de notre  système pousse-pousse,  soient recalés, faute de niveau. Une première en Mauritanie. Certains directeurs des écoles  ont eu,  eux aussi, des difficultés à les convaincre. Ca a été difficile au début », reconnait l’IDEN  de Tidjikja, mais, avec un peu de pédagogie, les  parents d’élèves  ont adhéré à l’idée. Avouons que c’est de l’audace, de la part de la DREN  et de  ses IDEN. 

Aujourd’hui,  l’action commence à  donner  des fruits. Les IDEN notent  une évolution au sein des mentalités  et des comportements, tant chez les  enseignants  qui supportent mal certaines sanctions  ou observations que chez les parents d’élèves… C’est assez timide, mais ça commence », souligne monsieur Sow.

 

Mesures de  redressement   

La DREN a pris des sanctions, contre les directeurs des écoles dont les résultats, au concours d’entrée en 1ère AS  2015, sont jugées  contre-performants. Ceux   dont les résultats oscillent  entre  40%  et 50% ont reçu un avertissement verbal, tandis qu’un avertissement écrit a été adressé aux directeurs d’écoles  dont les résultats  sont compris entre 20 et 40, réservant le blâme à ceux dont les résultats sont compris entre 0 et 20 %.  En deçà, c’est-à-dire, en cas de résultats absolument nuls, les directeurs ont perdu  leur poste et se sont retrouvés affectés  dans des zones  éloignées de la région.

A l’inverse, c’est pour avoir obtenu un taux de 100% que l’école d’Oudey Lekchour s’est vu décerner   un  prix d’excellence, remis,  à son heureux directeur, par le wali du Tagant, à l’occasion  des festivités   du  55e  anniversaire de l’Indépendance.

En plus de ces actions et de la distribution de fournitures scolaires   et autres équipements, aux écoles, collèges et lycées, la DREN poursuit, en cette année scolaire 2015-2016, son œuvre plus générale de redressement.  Elle a ainsi entamé, le  26 Février,  en collaboration avec l’UNICEF, des cours d’appui pour les élèves de 6e, 4e et 1e dans les disciplines  de base : arabe, français et mathématiques. Durant les quatre semaines précédant  les vacances clôturant le second trimestre, les enseignants de ces niveaux  travailleront  le week-end  avec leurs  apprenants.  L’objectif est d’améliorer le niveau des élèves, particulièrement de ceux en classe d’examen. Ces enseignants bénéficieront de motivations de la part de l’UNICEF. Le DREN  espère recevoir du ministère, comme l’an dernier,  un appui pour réaliser la même action à l’endroit des classes de Terminale  des lycées de la région.

Mais, insistons sur ce point, la DREN a besoin, pour réussir son pari, de l’appui de son premier partenaire, à savoir les parents d’élèves. Des rencontres périodiques  sont ainsi  organisées avec les associations des parents d’élèves, afin de partager l’information et les décisions à prendre. C’est dans ce cadre que ces organisations bénéficient de  bureaux, au sein de la  DREN et des IDEN.

La direction régionale s’est également approchée de la station régionale de  radio  et télévision, pour des émissions de sensibilisation  sur, entre autres, le respect de la carte scolaire… et l’importance du sport pour tous : les filles du lycée de Tidjikdja disposent ainsi d’une salle de gymnastique. Cette approche de la DREN du Tagant gagnerait à  être capitalisée  et  vulgarisée  dans le pays, par le Département  et son nouveau ministre. Elle permet d’obtenir, avec le sérieux requis, une idée exacte du niveau de nos élèves et, partant,  d’apporter les correctifs nécessaires.

 

Grosses contraintes

 Mais pour réussir le pari du redressement du niveau des apprenants, il faut des moyens conséquents. La DREN  et ses IDEN en manquent, hélas. En premier lieu, le parc automobile qui n’existe que de nom. Le directeur régional ne dispose que d’une vieille bagnole, n’osant pas quitter le goudron. Que dire des inspections départementales, dans les régions difficiles d’accès, comme Tichitt ou la majeure grande partie de l’arrondissement de Boubacar Ben Amer (Ghoudiya) ? C’est dire que l’encadrement, par les inspecteurs, pose réellement problème, dans cette wilaya accidentée. A cela, il faut ajouter la déliquescence de certaines écoles  mal construites qu’il faut vite réhabiliter,  l’absence de clôtures  et de latrines, en certains cas, l’éloignements des établissements les uns des autres,  contrariant  leur regroupement,  l’ensablement d’autres, comme le lycée de Tidjikja ou  les locaux de l’IDEN, l’absence de salles spécialisées  en informatique et autres moyens audiovisuels.

DL