Yahya O. Ahmed ELWaghf, président du parti ADIL, membre du FNDU, dans une interview exclusive: ‘’Les résultats de la réunion du 2 décembre ont donné raison au RFD, en confirmant que le pouvoir ne cherche pas à réunir les conditions d’un dialogue sérieux‘’

10 December, 2015 - 01:23

Le Calame : La rencontre tant attendue entre une délégation du FNDU et celle du pouvoir a eu lieu, le mercredi 2 décembre. Quelle appréciation vous faites de cette rencontre qui a suscité quelques remous au sein du forum, notamment l’opposition du RFD ?

 

M. Yahya Ould  Ahmed El Waghf:  La rencontre du 2 décembre entre le FNDU et le pouvoir n’a pas permis de faire avancer le dialogue politique. La délégation du pouvoir, au lieu de répondre à la plateforme du FNDU, a continué à poursuivre ces manœuvres consistant à proposer, au lieu de donner clairement sa vision par rapport aux thématiques principales du dialogue, la signature d’un mémorandum d’entente,  et d’un procès-verbal lors de la dernière rencontre, sans faire savoir le contenu de ce mémorandum ou de ce PV. Le FNDU considère qu’il ne peut pas signer un document sans en avoir pris connaissance préalablement. C’est pourquoi il a proposé que le pouvoir lui transmette sa position par rapport aux différents points de sa plateforme pour qu’il puisse l’évaluer. Notre délégation a confirmé, au cours de cette rencontre, son attachement au dialogue et a demandé une réponse écrite à notre plateforme pour pouvoir continuer le processus de contacts préliminaires.  

 

  

Pourquoi une simple rencontre a suscité tant de réticences dans les rangs du Forum ?

 

 Il est difficile de comprendre cette situation sans revenir au contexte. Le FNDU a reçu au début de l’année une proposition d’un ordre de jour ou d’un ensemble de thématiques pour un dialogue entre l’opposition et le gouvernement, lors d’une rencontre entre le Secrétaire Exécutif du FNDU et le Premier Ministre, à la demande de ce dernier. Le FNDU a accueilli favorablement cette initiative et a élaboré une plateforme comprenant sa vision pour un dialogue sérieux entre les différents segments de la scène politique nationale. Il a désigné une délégation qui a rencontré celle du gouvernement et lui a expliqué que le FNDU souhaite avoir une réponse à cette plateforme pour l’évaluer avant d’aller au dialogue proprement dit. L’expérience du FNDU avec le pouvoir en place l’oblige à prendre les dispositions nécessaires pour s’assurer que le dialogue sera sérieux et de nature à permettre un règlement de la crise politique que connait notre pays depuis le coup d’état de 2008. Tous les dialogues avec le pouvoir ont jusqu’ici, soit échoué à cause de son intransigeance, soit que les accords qui en ont résulté sont restés lettre morte du fait de non-respect des engagements du gouvernement. Au lieu de répondre, le pouvoir a organisé unilatéralement un dialogue en septembre. Le FNDU a considéré que ce dialogue unilatéral ne le concerne pas et a renouvelé sa demande de réponse à sa plateforme. Cette demande de réponse à la plateforme a été renouvelée une deuxième fois, en réponse à une invitation du gouvernement à un dialogue en octobre préparé également de façon unilatérale par ce dernier. A notre grande surprise, le gouvernement a pris contact avec le nouveau Président du FNDU pour demander un rencontre, en vue de voir les voies et moyens pour relancer le processus de contacts préliminaires. Certains au FNDU ont pensé qu’il n y a pas de mal à les rencontrer pour leur confirmer notre position concernant la réponse à notre plateforme. D’autres considèrent que cette demande de contact n’est pas sérieuse et que le pouvoir connait suffisamment la position du FNDU. S’il est sincère, il n’a pas besoin d’une rencontre pour répondre à notre plateforme. Il faut au plus lui confirmer notre position par téléphone. La seule différence entre les deux positions est la forme du contact, par téléphone ou dans le cadre d’une rencontre. Pour prendre une décision par rapport à cette question, nous avons buté sur une différence d’interprétation de nos décisions précédentes. Certains ont pensé que les contacts préalables entre le pouvoir et le FNDU ont été interrompus par le gouvernement et que leur reprise ne nécessite pas une nouvelle décision, comme cela a été confirmé par les lettres du Président du Forum, la réponse à la plateforme n’est un préalable qu’au dialogue proprement dit. Le deuxième groupe a considéré que le contact préalable est conditionné par la réponse à la plateforme et que tout nouveau contact a besoin d’une nouvelle décision du FNDU et donc d’un consensus. Ce genre de débat est normal dans le cadre de structures comme le FNDU. Le débat a été franc et sincère. Chacune des parties a fait preuve d’une très grande compréhension et chacune a pris la décision qui lui semble la mieux représenter les intérêts du FNDU et du pays, sans remettre en cause leur unité et leurs objectifs communs.      

 

Comprenez-vous les méfiances du RFD ?

Je comprends parfaitement le RFD. Notre expérience avec ce pouvoir ne peut pas nous rassurer. D’ailleurs, les résultats de la réunion ont donné raison au RFD, en confirmant que le pouvoir ne cherche pas à réunir les conditions d’un dialogue sérieux. Il cherche juste à tromper l’opinion publique en lui faisant croire qu’il est attaché au dialogue et à diviser le FNDU. Le groupe qui a décidé de prendre contact avec le pouvoir a également raison, dans la mesure où il a prouvé à l’opinion publique, à travers ce contact, qu’il est décidé à épuiser toutes les chances pour la réussite des conditions préalables au dialogue et que le pouvoir n’est pas sérieux et ne cherche pas à créer les conditions favorables à ce dialogue.

 

L’opposition du RFD mais aussi de certains partis ne risque-t-elle pas d’entamer la cohésion du forum qui a réussi jusqu’ici à la préserver ?

 

Les deux composantes du FNDU sont d’accord sur le message que la délégation du Front a transmis au pouvoir. La forme du contact est dépassée. Je pense que l’unité du FNDU sera sauvegardée. Il y aura certainement besoin de revoir les mécanismes de prise de décision et de mettre en place des instances d’interprétation des décisions du FNDU.

 

 A votre avis, pourquoi le pouvoir tient-il à embarquer son opposition, qualifiée jusqu’ici de radicale dans un dialogue politique alors qu’il dispose de tous les moyens pour gouverner, sans coup férir jusqu’en 2019 ? Quel profit l’opposition pourrait-elle tirer d’un tel dialogue ?

 

 J’avoue que j’ai toujours été incapable de comprendre le pouvoir. Il a toujours dit qu’il n’est pas en crise et que l’opposition ne représente rien et en même temps, il remue ciel et terre pour convaincre l’opinion publique qu’il cherche le dialogue, les ministres ont été dépêchés dans tous les coins du pays pour expliquer les vertus du dialogue et l’absence de patriotisme de l’opposition radicale qui rejette le dialogue. 

 

Pensez-vous comme le président de la République  l’a dit récemment que revenir sur le passif humanitaire ne sert pas la Mauritanie ?

 

Je pense qu’il faut nécessairement revenir sur la question du passif humanitaire pour lui trouver un règlement qui satisfait tout le monde, en particulier les ayants droit des victimes.

 

Propos recueillis par DL