3 Questions à : Dr. Horma Zein, professeur en cardiologie et président de la société mauritanienne de cardiologie :

3 December, 2015 - 02:32

« Nous avons actuellement une médecine qui soigne les riches et les fonctionnaires et délaisse les pauvres. » « Il faut que l’Etat cesse de perfuser indéfiniment les hôpitaux qui sont actuellement tous à l’agonie »

-Vous venez de tenir le 5e congrès de la société mauritanienne de cardiologie (SMAC) que vous présidez,  qui s’est déroulé,  les  31 octobre  et le 1ernovembre. Quelle évaluation vous faites de cette rencontre ?

Ce congrès a connu un grand succès. Plus de 200 médecins (cardiologues, résidents, autres spécialistes et médecins généralistes) y ont participé. Le niveau scientifique était excellent. Nous avons atteint nos objectifs à savoir contribuer à la formation continue des cardiologues en leur présentant les dernières nouveautés dans le domaine de la cardiologie et à celle des médecins généralistes et urgentistes en leur apprenant la lecture de l’électrocardiogramme, la prise en charge des urgences cardiologiques et la réalisation des actes de réanimation cardiaque. Ce qui va permettre certainement d’améliorer la prise en charge des patients cardiaques dans les services de cardiologie et dans les différents services des Urgences dans les hôpitaux ou dans les cliniques privées.

-On assiste hélas à une recrudescence  des maladies cardiaques dans notre pays. Quelles sont les causes de cette grave  maladie?

Les maladies du cœur connaissent effectivement une importante augmentation dans notre pays. Cela est dû au changement de notre mode de vie. Nous somme devenus sédentaires, nous ne pratiquons pas de sport. Nous mangeons trop gras, trop salé et trop sucré. Nous mangeons beaucoup de viandes rouges. Le tabac est très utilisé. L’obésité est fréquente chez nous, particulièrement chez les femmes. Nous avons une forte prévalence d’hypertension artérielle et de diabète. Tous ces éléments constituent des facteurs de risque cardiovasculaire en plus de l’âge et de l’hérédité. A cela il faut ajouter, les maladies des valves cardiaques qui sont fréquentes et dues au rhumatisme articulaire aiguCelui-ci est lui-même une complication des angines non soignées pendant l’enfance.

-Comment  elles  sont  prises  en charge  en Mauritanie?  

-Actuellement, il existe un hôpital cardiologique de référence avec des équipements de pointe et un personnel compétent. Cet hôpital, le Centre National de Cardiologie, est  capable de prendre en charge la plupart des maladies cardio-vasculaires avec réalisation de dilatation des coronaires, de pose de piles cardiaques et de chirurgie cardiaque et vasculaire. Il existe aussi des cliniques privées et des cabinets de cardiologie bien équipés avec des cardiologues très compétents. Mais le coût de ces maladies est très cher pour les patients et particulièrement les indigents qui représentent 70% des malades. Nous avons actuellement une médecine qui soigne les riches et les fonctionnaires et délaisse les pauvres. Ce n’est pas acceptable. C’est pourquoi, il est important de créer une deuxième caisse d’assurance-maladie qui prendra en charge cette importante partie de la population. Il suffit pour la financer de mettre par exemple une ouguiya sur chaque communication téléphonique, une Ouguiya sur chaque litre de gas-oil, une petite taxe sur les produits importés (riz, sucre, lait, thé, voitures, produits de luxe),  les billets d’avion, etc., cela en plus de la subvention de l’Etat aux structures médicales et des dons des bienfaiteurs. Cette assurance maladie universelle est le seul moyen de développer le secteur public et privé. Ce qui va permettre de prodiguer des soins de qualité à notre population par un personnel motivé. Il faut que l’Etat cesse de perfuser indéfiniment les hôpitaux qui sont actuellement tous à l’agonie. Pour réduire ce coût important des maladies cardiovasculaires, il vaut mieux comme on l’a toujours dit prévenir que guérir. Pour cela, il est important de lutter contre les facteurs de risque (sédentarité, obésité, tabac, hypertension, diabète, cholestérol) et contre le rhumatisme articulaire aigu. Ceci nécessite la mise en place rapide d’un programme de lutte contre les maladies cardiovasculaires dont la mission essentielle sera l’éducation de la population et le doter de tous les moyens nécessaires lui permettant de remplir sa mission.

Propos recueillis par DL