Migration irrégulière : La société civile mauritanienne sur le front

23 July, 2014 - 09:51

La plateforme des organisations de la société civile engagées dans la lutte contre l’émigration clandestine projette de mener, du 12 au 21 Août prochain, à Nouakchott et dans certaines régions de l’intérieur – Dakhlet-Nouadhibou, Guidimakha, Gorgol, Trarza, Brakna et Assaba – une vaste campagne de sensibilisation des jeunes sur les risques et dangers de la migration illégale.

L’annonce en a été faite par les principaux concernés, au cours d’une conférence de presse, à Nouakchott. Les ONG AMAM, AMLII, Monde sans guerre sans violence et CJPOD, avec les concours des communes de Sebkha, El Mina, Tevragh Zeïna, Riyad et  Arafat, ont conjugué leurs efforts dans le cadre d’une plateforme civile, constituée par ces communes de Nouakchott, des journalistes, diverses organisations de la société civile et des syndicats, pour apporter une réponse, coordonnée et structurée, au fléau de l’immigration illégale des jeunes. Sensibiliser ceux-ci sur les risques et dangers de la migration irrégulière ; encadrer, former et renforcer leurs capacités ; susciter les conditions propices à l’accès à l’emploi, la fondation d’entreprise et la promotion d’activités génératrices de revenus, en faveur des jeunes ; et, enfin, sensibiliser tous les acteurs-clés, notamment l’Etat et la société civile : tels sont les buts retenus pour cette campagne.

Pour une meilleure compréhension des défis de développement, la plateforme civile se propose de développer des approches novatrices des Organisations de la Société Civile et des media, de manière à assurer une saine information et une sensibilisation, accrue, aux changements d’attitudes et de comportements, notamment des jeunes, sur les questions liées à la migration clandestine. « Cette campagne de sensibilisation aura le mérite », déclare Ibrahim Bocoum, le président de l’AMLII,« de conscientiser les familles, les acteurs, les leaders religieux et les notables, les chercheurs et les journalistes, sur l’impérieuse nécessité de reconstruire les conceptions de réussite, sur des bases saines et réalistes, à même d’assurer, sans risques, un avenir radieux à la jeunesse mauritanienne, à travers un développement local intégré ».

Il est important, aux yeux d’Ibrahim Bocoum, d’inclure, dans la stratégie de lutte, les premiers soutiens du migrant clandestin, à savoir sa famille qui se mobilise, mobilise ses ressources et fait prévaloir les arguments culturels. Le président de l’AMLII passera au crible les divers subterfuges utilisés par les candidats à l’émigration, qu’ils soient mauritaniens ou subsahariens, pour franchir les frontières : falsification de documents, visa d’un mois, obtenu après mille acrobaties, clandestinité, complicité avec les réseaux mafieux, trafics de stupéfiants, etc., « autant de folies et d’inconsciences qui détruisent et nuisent au développement  de nos pays… ».

 

Mesures alternatives

Quant au président  du Réseau des Journalistes en Population et Développement (RJPD), Baba Dianfa Traoré, il a appelé les institutions d’appui aux media, notamment le projet Migration en Mauritanie, l’UE, l’OIM et tous les acteurs concernés, à apporter leur soutien financier, dans cette lutte qui est, avant tout et essentiellement, une affaire de sensibilisation que seuls les journalistes et certaines associations de la société civile peuvent mener. Traoré espère que les media mauritaniens vont davantage s’intéresser au traitement des questions migratoires. Car il y va, d’abord, de la « prise de conscience, particulièrement de notre jeunesse, des dangers de la migration ». Mais aussi, selon lui, de « l’engagement des pouvoirs publics, des partenaires au développement et de la société civile, pour trouver une issue à cette problématique ».

De son côté, Abdel Hamid El Jamri, chef du projet Migration, propose des mesures alternatives, pour la jeunesse, notamment des emplois. Madame Oumou Kane, la présidente de l’AMAM, estime, pour sa part, qu’on « ne saurait jamais assez parler de la problématique de l’immigration illégale des jeunes, tant les enjeux et les conséquences sont importants, pour le développement de notre pays mais, aussi, pour les aspects régionaux et mondiaux. Les risques et dangers associés à l’immigration illégale sont multiples, comme l’insécurité, les réseaux mafieux, le terrorisme, l’extrémisme, les naufrages en haute mer et les pertes de vies humaines ou le trafic de drogues », pour ne citer que ces exemples, si fréquents, hélas.

 « Au passage », souligne encore madame Kane, « il importe de noter que la population mauritanienne est constituée d’une forte proportion de jeunes et les statistiques, récentes, indiquent que 41% de la population a moins de 15 ans. Conscient de cette réalité, l’Etat Mauritanien a pris la problématique des jeunes à bras le corps et s’est engagé, depuis 2013, dans la mise en œuvre de la stratégie nationale de gestion des flux migratoires ciblant principalement la jeunesse ».

De fait, la Mauritanie s'est dotée, en 2010, d’une Stratégie Nationale de Gestion de la Migration (SNGM). Elaborée avec le concours de l'UE et d'autres partenaires internationaux, elle vise à accompagner les autorités mauritaniennes, dans leur volonté d'adopter une vision globale et équilibrée des phénomènes migratoires. Elle porte, principalement, sur quatre axes stratégiques : gestion et mesure de la migration ; migration et développement ; promotion des droits fondamentaux des rapatriés, migrants, réfugiés et demandeurs d'asile ; maîtrise des flux migratoires. Pour cette SNGM, l'UE a mobilisé, dans le 10ème FED, quelque huit millions d'euros.

La prochaine campagne se déroulera dans chaque commune, sous forme d’un atelier d’information et de sensibilisation, au profit des associations de jeunes, coopératives, élus locaux, leaders religieux et notables, ainsi que la diaspora africaine. Méga-concerts et diffusions de films sur les dangers de la migration seront au menu. Les édiles des communes concernés ont exprimé leur adhésion à cette opération, manifestant leur intention de l’accompagner activement.

THIAM Mamadou

 

 

Encadré

Selon l’enquête sur la main d’œuvre étrangère, réalisée, en 2007, dans les villes de Nouakchott, Nouadhibou et Rosso, les principaux pays d’origine des migrants en Mauritanie sont le Sénégal, le Mali, la Guinée et la Gambie. Ces pays totalisent 87,3% des immigrés. Les 12,7% restants proviennent des autres pays d’Afrique (2%), des pays arabes (5,9%) et des pays européens (4,9%).

La répartition de la population d’immigrés, selon la ville de résidence montre que Nouakchott abrite 90 % du total des immigrés suivis de Nouadhibou (7%) et Rosso (2%).Le classement des pays, selon le nombre de leurs ressortissants, met en avant le Sénégal avec 10 276 ressortissants, soit 42 % du total des étrangers. Le Mali vient en deuxième position, avec environ 5 000 ressortissants (20 %), talonné par les deux Guinées (4 900). Les Sénégalais sont majoritaires à Nouakchott (43 %) et à Rosso (59 %). Les Maliens à Nouadhibou (42 %), suivis par les Guinéens (29%).On constate, par ailleurs, que le nombre de Guinéens et de Gambiens a augmenté de 150 %, entre 2000 et 2007, les Maliens, d’environ 96 %, les Sénégalais, 57 % ; les Arabes et Maghrébins, 31 %.

Les migrants d’Afrique noire sont originaires des pays suivants : Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Ghana, Guinée-Bissau, Guinée-Conakry, Libéria, Mali, Niger, Nigéria, Sénégal, Sierra Leone. En termes de flux, le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation déclare, en 2008, un nombre de 5 295 migrants irréguliers, soit une tendance à la baisse, par rapport à 2007 et 2006. Le nombre de migrants irréguliers expulsés vers leur pays d’origine était de 11 637, en 2006, et 6 634, en 2007. Le bureau de l’OIM de Nouakchott a déclaré que 30 migrants irréguliers ont regagné leur pays d’origine, en 2007, et 4 autres, en 2008. En 2007, les services de la sécurité maritime mauritanienne annonçaient que 87 tentatives de débarquement en Espagne avaient été interceptées par les forces mauritaniennes de sécurité. Le détail des données, selon les caractéristiques socioéconomiques et les pays d’origine, n’a pas pu être obtenu.