L’intervention de l’Arabie Saoudite au Yémen : Une initiative opportune, légitime et nécessaire /par Yacoub Ould Daddah*

6 October, 2015 - 16:25

Le royaume d’Arabie Saoudite s’étend sur plus de 70% de la superficie totale de la Péninsule Arabique, des côtes du Golfe, à l’Est, à celles de la Mer Rouge, à l’Ouest, et des Etats du Yémen, des Emirats Arabes Unis et du Sultanat d’Oman, au Sud, aux territoires  de la Jordanie, de l’Iraq et du Koweït, au Nord. L’Etat de Qatar se situe, pour sa part, sur sa frontière continentale Est tandis que le Royaume de Bahreïn, totalement insulaire, se trouve au large de sa côte orientale.  

Par le golfe de Suez, puis le canal du même nom, d’une part, et les détroits d’Ormuz[1] et de Bâb al- Mandab[2], d’autre part, il communique, respectivement, avec la Méditerranée et, à travers les golfes d’Oman[3], au Nord, et d’Aden[4], au Sud, avec l’Océan Indien.

Il occupe, en conséquence, une position éminemment stratégique à la jonction des trois grandes masses continentales de l’ancien monde[5] (Asie, Afrique, Europe).

Depuis l’avènement de l’Islam, au tout début du VIIe siècle de l’ère chrétienne, son territoire constitue, en tant que berceau de l’ultime grande révélation monothéiste dont il abrite, de surcroît, les lieux saints, l’incomparable centre spirituel d’une très importante communauté, aujourd’hui, forte de plus d’un milliard et demi d’êtres humains dont les membres, sur tous les continents, se tournent, au moins cinq fois par jour, au cours des offices quotidiens de prière rituelle, vers la Mecque, dans la direction de cette terre sacrée qui vit naître et s’épanouir leur religion universelle de foi exclusive en Dieu, de dépassement de soi et de service  dévoué de la création tout entière et où, par millions, ils se rendent, chaque année, pour le grand pèlerinage.  

Tout au long du XXe siècle qui connut deux guerres mondiales particulièrement ravageuses (1914- 1918 et 1939- 1945) et fut secoué par d’innombrables alertes et de multiples conflits régionaux, qui hébergea la guerre froide (1945- 1990) et la grande mutation que fut l’indépendance des territoires des anciens empires coloniaux européens d’Asie et d’Afrique, dans l’immédiat après- guerre, avant d’enregistrer, dans ses deux dernières décennies, la perestroïka[6] et la mondialisation[7], le Royaume d’Arabie Saoudite, l’un des rares pays du Sud à avoir constamment gardé sa souveraineté, n’a cessé, à travers une action diplomatique équilibrée et pertinente, de faire montre d’un remarquable sens des responsabilités, d’afficher un souci permanent de sécurité et de paix.

 Il s’est tout spécialement efforcé de préserver l’harmonie régionale et, pour ce faire, d’apporter, quand même- momentanément- à son propre détriment, une contribution déterminante à la régularité des échanges internationaux et, partant, à l’essentielle stabilité du système économique mondial.

Fort de la globalité de sa vision des relations internationales et de la sage modération de son approche, il s’est toujours employé à résoudre pacifiquement les crises les plus complexes et les plus virulentes, à stopper, ce faisant, de funestes engrenages et d’insupportables  affrontements.

 A cet égard, les exemples sont si nombreux qu’il n’est guère utile de les citer ni, a fortiori, de s’y appesantir outre mesure. Il suffit de rappeler que, quelles que fussent l’étendue des divergences, la profondeur des désaccords ou la sévérité des menaces, cet Etat demeura, sans discontinuer, un infatigable bâtisseur de paix, un facteur constant de concorde et de sérénité. Telles sont, du reste, sa vocation véritable et sa mission permanente.  

Dans son environnement immédiat, il a eu, à de nombreuses reprises, l’occasion de faire la preuve de sa propension et de son aptitude à s’ouvrir, à négocier et, le cas échéant, à fournir tous les efforts requis et à souscrire à toutes les options acceptables pourvu que cela fût susceptible de conduire à des améliorations réelles ou, mieux encore, à des compromis efficients et durables, en un mot, à l’amorce effective d’un véritable processus de désescalade et de normalisation.

Nulle part, il n’a montré la moindre velléité à exacerber les inimitiés, à tirer partie des oppositions ou à chevaucher les divergences dogmatiques. Dans sa conception de la gestion des affaires internationales, l’intolérance et l’exclusion équivalent à  des attitudes indignes, inefficaces et méprisables qui ne sauraient, en aucun cas, être érigées en modes opératoires ni, d’aucune manière, envisagées comme les outils de l’accomplissement d’une quelconque ambition digne de ce nom ou comme le moyen d’atteindre quelque objectif honorable et émancipateur que ce soit.

Jamais le royaume d’Arabie Saoudite n’eut recours à de tels procédés. Pas plu au Liban, en Afghanistan, en Irak ou en Syrie qu’ailleurs[8].

Jamais il ne s’engagea sur ces chemins aventureux et sans issue, le plus souvent, générateurs d’inconséquence, d’insécurité et de guerre.

Au Yémen[9], pourtant quasi systématiquement gouverné, rappelons- le, par des shi’ites zaydites[10], le plus souvent, du reste, en excellents termes avec leurs voisins du Nord, son approche n’a, à aucun moment, été différente.

 Ces méthodes, moralement condamnables et notoirement contre- productives, qui consistent à s’appuyer sur les particularismes, à approfondir et à exploiter les désaccords, il les a toujours déplorées et combattues et, sans relâche, il a œuvré, en toute sincérité et en concertation avec toutes les parties impliquées, à dépasser les blocages et, autant que faire ce peut, à surmonter les inimitiés et à résoudre pacifiquement les contradictions. Hier comme  aujourd’hui et comme toujours.

Ses initiatives passées, récentes et actuelles prouvent à suffisance sa volonté de persévérer dans cette voie qui, dans son entendement, participe du principe et correspond, partant, à une option définitive.

Chaque fois que son arbitrage a été sollicité ou que son intervention s’est avérée indispensable, il s’est, d’emblée, attelé à promouvoir les solutions les plus justes et les plus équitables, à dégager des compromis aussi équilibrés, aussi consensuels et aussi prometteurs que possible.

Les problèmes pratiques qu’un certain shi’isme a posés- ou qui, dans certains cas, lui ont été posés- devraient, dans cette perspective, pouvoir être soumis, en vue de leur discussion et de  leur règlement adéquat, aux instances compétentes de la ‘Umma[11] que sont, notamment, les organes spécialisés de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), voire, en dernier recours, les conférences au sommet de ses chefs d’Etats membres, et les solutions préconisées doivent, dans tous les cas de figure,  viser à rapprocher  et, autant que faire ce peut, à pacifier les relations intercommunautaires.

Dans cette logique, il serait pertinent de souligner que la cohabitation avec les shi’ites- ou avec quelque autre « école » doctrinale que ce soit dont les thèses et les positions seraient discordantes, voire antagonistes- et même avec des communautés religieuses totalement différentes- n’a jamais posé, en soi, le moindre problème insurmontable aux sunnites, en général, ni aux saoudiens, en particulier.

A cet égard, des crises plus ou moins profondes ont, certes, été enregistrées- et, fort heureusement, dépassées- à différentes périodes de l’histoire. Mais, pour comprendre celles qui se sont ouvertes au cours des dernières années et qui, encore aujourd’hui, perturbent si gravement le monde  musulman, il semble nécessaire de prendre préalablement en compte un certain nombre de facteurs, jusque- là, sous- estimés sinon totalement négligés.

Ce n’est pas le shi’isme en tant que tel qui fait problème. Ce qui est en cause actuellement c’est la lecture militante et particulièrement agressive qu’en fait un courant minoritaire, extrémiste et maximaliste, qui, croyant pouvoir mettre à profit la conjoncture on ne peut plus préoccupante que traverse présentement la région moyen- orientale et s’activant dans des zones de guerre larvée et de quasi guerre civile, cherche à changer de fond en comble la donne démographique et, à son avantage, se propose, ce faisant, de remodeler profondément la carte  politique régionale.

Il est de notoriété publique que ce projet bénéficie de l’appui agissant et de l’engagement direct d’une puissance étrangère qui, au mépris des principes et du droit, cherche, par ce biais, à étendre son influence et à asseoir sa domination sur l’ensemble de ses voisins en imposant, s’il le faut, par la violence et la contrainte et, au besoin, par le recours objectif à la « purification ethnique[12] », son modèle idéologique et son obédience religieuse, dès lors que la conjoncture régionale a pu lui sembler, à tord naturellement, être, désormais, mûre pour la réalisation de l’un de ses desseins d’expansion les plus constants et les plus déstabilisateurs.

La Syrie vit, en effet, une interminable déliquescence de l’autorité et son peuple subit l’impitoyable tyrannie exterminatrice d’un pouvoir dictatorial qui ne vise que sa propre pérennité alors qu’en Irak, on assiste à la mise en application d’une tentation ancienne et persistante de confiscation de l’Etat par une faction qui s’emploie, dans tous les domaines, à imposer son emprise et à prendre en otage tout le pays, quitte à le disloquer et à la détruire, et qui, à cette fin, conduit, au détriment des autres composantes du peuple irakien, une inadmissible entreprise de marginalisation et d’exclusion, voire de véritable éradication.

C’est au sein de cette problématique lourde de tous les dangers et singulièrement propice à tous les errements et aux pires dérives qu’apparurent et se développèrent des milices fanatiques et liberticides soutenues de l’extérieur et, consécutivement, des  groupuscules d’une intolérable violence et d’un insondable obscurantisme qui, jouant sans état d’âme sur toutes les ambigüités, s’adonnent, sur de vastes espaces de non droit  (Syrie, Irak, Yémen), aux formes les plus abjectes et les plus révoltantes de terrorisme et font preuve d’une iniquité et d’une cruauté clairement aux antipodes de l’Islam.

Il est, partant, évident que les autres pays de la région ne sauraient, sans réagir, se soumettre à un diktat aussi aberrant qu’arbitraire qui, à moins d’être contré avec la plus grande détermination et avec toute la célérité requise, risque de plonger la région et le monde dans un engrenage de désordre et d’insécurité aux conséquences incalculables.

Nous nous trouvons, en effet, face à des menées d’un autre âge qui constituent indubitablement une menace mortelle tant pour notre avenir que pour la stabilité et la paix mondiales. Il est donc fondamental que, sous le sceau de la plus grande urgence, il y soit mis un terme définitif.

A ce devoir dicté tant par les principes, la géographie et l’histoire que par les impératifs pressants de la légitime défense et la nécessité de faire respecter les règles et conventions régissant les relations régionales, le Royaume d’Arabie Saoudite, compte tenu de la place et du rôle uniques qui sont les siens au triple plan spirituel, économique et politique, ne devait- ni ne pouvait- en aucun cas, se soustraire.

Il pouvait d’autant moins rester à l’écart et adopter une attitude de paradoxale neutralité  qu’il faisait, lui- même, l’objet d’une menace claire et directe et que ses alliés avec lesquels il entretient des relations exemplaires et multiformes et auxquels le lient, notamment au sein du  Conseil du Golfe, des accords explicites de solidarité et de défense commune font, eux aussi, l’objet de menaces inquiétantes et ont, de ce fait, précisément, à faire face à des dangers graves et directs.

 De plus, le gouvernement yéménite légitime, renversé par la force et témoin impuissant des tueries et des destructions massives perpétrées contre son peuple par une coterie téléguidée incroyablement rétrograde, intolérante et sanguinaire, implorait instamment son intervention immédiate.   

C’est dans cette problématique globale qu’il convient de comprendre, d’apprécier et, sans réserve, de soutenir l’implication de l’Arabie Saoudite au Yémen.

La présence et les insoutenables exactions, non seulement en Syrie[13] et en Irak, mais aussi au Yémen, d’éléments terroristes qui, sur fond de déliquescence, voire de vacance, des pouvoirs centraux ou, tout au moins, d’absence de tout contrôle étatique sur des régions entières, multiplient les excès et sèment la terreur sur de vastes territoires qui connaissent une régression et une anarchie à proprement parler insondables[14]risquent, en effet, si elles n’étaient unanimement rejetées et énergiquement combattues, d’induire, pour toute la région, une déchéance aussi profonde que durable et de comporter, au niveau international, une menace indubitable et d’une extrême gravité pour la sécurité et la paix mondiales.             

La conquête sauvage et le démantèlement du Yémen par une minorité sectaire, télécommandée de l’extérieur et qui, aux portes mêmes de l’Arabie Saoudite, envisage, après avoir achevé de ruiner méthodiquement son propre pays, de s’en prendre, comme elle a, plus d’une fois, déclaré avoir l’intention de le faire, à son voisin du Nord, faisant ainsi peser une menace insupportable et imminente sur la sécurité de la totalité des pays du Golfe et sur la stabilité de la région tout entière, doivent- ils être acceptés et objectivement encouragés par une inertie aussi injustifiée que coupable ?

L’Arabie Saoudite qui est l’une des principales puissances régionales et qui constitue, par ailleurs, l’incontestable centre spirituel de tous les musulmans quelle qu’en doit, du reste, l’obédience et quel qu’en soit le rite, ne pouvait- ni ne devait-, en aucun cas ni d’aucune manière, tolérer la poursuite d’une telle dérive. Elle ne pouvait, résignée et passive, se contenter d’observer le déroulement d’un intolérable scenario aux résultats programmés d’avance et aux conséquences incalculables.

Ou fallait- il qu’elle attendît sans réagir qu’une nouvelle milice armée violente, sectaire et aux ordres remplît, en toute tranquillité, l’ensemble de ses objectifs et s’implantât solidement pour constituer, au double plan régional et international, un indéracinable pôle de diffusion de la violence et de l’anarchie, un facteur pérenne de désordre et de déstabilisation et, partant, l’amorce d’un processus irréversible d’insondable régression ?

Cette dimension[15] et l’incomparable place du Royaume d’Arabie Saoudite ainsi que l’irremplaçable rôle de cet Etat ont été peu évoqués et rarement reconnus et pris en considération. Ils sont pourtant de la plus haute importance. Aussi méritent- ils amplement que l’on s’y arrête quelque peu afin d’en examiner les implications les plus manifestes et d’en tirer les enseignements les plus significatifs.

L’insigne qualité de centre de la ‘Umma islamique et de but universel de tous les musulmans induit naturellement, pour l’Arabie Saoudite, un évident surcroît de responsabilité et entraîne, partant, bien des devoirs particuliers mais- cela va sans dire- confère aussi une incontestable primauté morale et, bien entendu, des privilèges spécifiques dont on serait bien inspiré de prendre acte et de tenir le plus grand compte.

En tête des devoirs en question figure l’obligation, magistralement remplie[16], de préserver, d’entretenir et, le cas échéant, d’agrandir, les saintes mosquées de la Mecque et de Médine ainsi que les autres sites du pèlerinage, d’en assurer la sécurité et la plus large accessibilité.

Au nombre des privilèges figure le droit au bénéfice d’une certaine prééminence et d’une large « franchise», au sens de respect intégral et scrupuleux. Cette franchise et cette prééminence ne sont, en dernière analyse, que la traduction concrète de la qualité de sanctuaires suprêmes et d’asiles inviolables des lieux saints que ce grand pays a le privilège d’abriter et de  servir.

Du point de vue strictement doctrinal, le Royaume d’Arabie Saoudite doit, en conséquence, être tenu à l’écart de certaines incitations trop appuyées à la mutation « idéologique » et, dans cette perspective, mis à l’abri d’un certain projet de « démocratisation » et de « laïcisation » dont la prescription, dans le cas d’espèce, serait, pour les musulmans, tout aussi inappropriée, aberrante  et irrecevable  qu’elle l’aurait été pour les catholiques[17], par exemple, si une telle entreprise avait eu pour cible le Vatican,  cœur palpitant de leur Eglise, autrement dit, le « Saint Siège[18] », lui- même.

Il ne s’agit, en aucun cas, de récuser les valeurs de liberté, de justice et d’égalité ni de se démarquer de quelque manière que soit de l’universelle revendication du respect le plus scrupuleux des véritables droits inaliénables de l’homme. De telles valeurs et de tels principes font, en effet, aussi- et indissolublement- partie de l’Islam qui les a expressément formulés voici plus de mille quatre cents ans et qui fait du devoir d’œuvrer en vue de leur affirmation souveraine et de leur prise en compte intégrale la véritable vocation sociale du musulman, le sens le plus profond de sa mission historique.

Les manipulateurs et les apprentis sorciers feraient donc mieux de s’abstenir. Quant aux fanatiques intolérants et sanguinaires, quelle qu’en soit l’obédience et qu’ils se réclament, du reste, ou non de l’Islam, ils doivent, dès lors, être circonscrits avec la plus grande rigueur et leurs desseins de régression et de déchéance combattus avec le maximum de détermination et avec la plus grande fermeté.

Il est, en effet, primordial d’éviter, à tout prix, que, d’où qu’ils viennent, des intérêts égoïstes, des calculs étroits et sordides ou la simple inconséquence ne remettent en cause la sécurité et la paix mondiales et, s’en prenant directement à nos valeurs, à notre liberté et à nos acquis, ne menacent jusqu’à notre existence et n’hypothèquent, pour finir, l’avenir, voire la simple pérennité, de notre monde.

Il paraît, à cet égard, pertinent de répéter que l’Arabie Saoudite, étant donné son incomparable rôle spirituel et historique, se trouve être le principal centre, non seulement de l’Islam sunnite, mais de l’Islam tout court. Le paradoxe n’est, en l’occurrence, qu’apparent. Mais force est de constater que les implications positives de cette incontestable unité de pôle ont, à ce jour, été sous- estimées sinon systématiquement ignorées.

Aussi l’immense potentiel diplomatique et stratégique de cette extraordinaire spécificité a- t- il été constamment sous- employé et n’a- il bénéficié, malgré la succession des alertes et l’urgent besoin, au- delà des inextricables imbroglios politiques et de l’incroyable complexité de conflits ouverts particulièrement préoccupants au double niveau régional et international, d’appeler à la rescousse tout élément stratégique susceptible de faire baisser les tensions les plus corrosives et de favoriser, ce faisant, le minimum de compréhension et de rapprochement préalable à l’initiation de tout dialogue tant soit peu constructif et prometteur.

Travailler à la mise en œuvre de cet exceptionnel potentiel normatif et régulateur[19] ne peut, pourtant, qu’avoir les effets les plus heureux sur l’évolution de la région moyen- orientale et, plus généralement, sur celle de notre monde actuel.

Une telle option ouvrira sans nul doute  des perspectives aussi riches qu’originales à l’édification maitrisée et consensuelle de notre futur.

Il serait, partant, fort avisé- et il est sûrement urgent- de favoriser une telle orientation[20].   

Or, du fait d’une excessive prudence ou d’une intraitable mystique de la « laïcité », ni l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI) ni celle des Nations Unies (ONU) ni, du reste, aucune autre institution régionale ou internationale concernée n’ont cherché à véritablement tirer parti de ce facteur[21] qui, à l’essai, pourrait pourtant se révéler être particulièrement favorable et réellement efficient.

Tout ce qui avait trait à la religion semblait objectivement devoir être écarté, focalisait, en tout cas, une espèce de peur irrationnelle, était, pour le moins envisagé avec la plus grande circonspection et la plus grande prudence. Cette attitude on ne peut plus réservée, voire hostile a, peut- être, constitué l’une des sources premières de raidissement et d’extrémisme. L’exclusion systématique n’a, en effet, jamais été bonne conseillère… Puis vinrent les amalgames et les manipulations délibérées ou non qui ont sans doute favorisé le développement de l’intolérance et contribué à faire le lit du terrorisme.      

Dans une note rédigée en novembre 1994, l’auteur de ces lignes avait, sur fond de perestroïka et de lendemains de la seconde guerre du Golfe, évoqué succinctement un tel risque. Il avait, en outre, souligné l’énorme importance que revêtait à ses yeux la dimension dont il vient d’être fait état plus haut[22] tout en s’efforçant d’en suggérer le plus clairement possible l’indéniable efficacité tactique et les énormes potentialités stratégiques.

 Ce document élaboré, il y a plus de vingt ans, affirme, après un résumé succinct de la conjoncture qui régnait à l’époque et qui, pour l’essentiel, reste globalement valable, aujourd’hui, que « nous pouvons[23], à notre tour, en partant des aspirations profondes et des intérêts bien compris de nos peuples, proposer, dans le cadre de l’échange ouvert, global et universel, aujourd’hui plus que jamais, requis et urgent, des lectures nouvelles qui intègrent l’impératif de revitalisation et le souci d’adaptation comme des expressions de tolérance et comme des critères d’efficacité [24] ».

Et la note ajoute qu’ en prenant la place à laquelle il est en droit d’aspirer, le Royaume d’Arabie Saoudite serait à même de renforcer son rôle constructif et modérateur, non seulement face à la dangereuse montée des sectes « islamistes » extrémistes  les plus obscurantistes et les plus destructrices, mais aussi par rapport aux thèses et options, parfois, ambigües, voire inopportunes[25], de certains courants de l’Islam dit politique qui, à l’évidence, souffrent d’un invalidant déficit de perspicacité, d’ouverture et de maturité et dont le degré de compatibilité avec les principales réalités et tendances actuelles semble être nettement insuffisant.

Ces courants, dans la mesure où ils peuvent, dans certains cas, faire montre d’une notable intolérance et afficher un penchant assez marqué pour les joutes  polémiques les plus incendiaires et les scenarii radicaux les plus violents, ont pu, à l’occasion, être rapprochés de certains groupes terroristes. Cette comparaison, plus ou moins justifiée, plus ou moins pertinente, a, souvent, été effectuée, de bonne ou de mauvaise foi. 

De tels courants sont, notamment, illustrés par des groupes armés shi’ites parmi les plus puissants et les plus offensifs, groupes d’autant plus suspects qu’ils agissent volontiers en partenariat avec un acteur extérieur dont ils bénéficient des largesses et dont ils servent objectivement l’influence et œuvrent à la réalisation des projets hégémoniques régionaux.

Au nom de sa mission première et en faveur de la sauvegarde de la sécurité et de la paix mondiales, l’Arabie Saoudite a vocation, plus que toute autre partie régionale ou internationale concernée ou compétente, à rétablir et à défendre l’image véritable de l’Islam.

Prenant, à cette fin, sa place naturelle à la tête de l’écrasante majorité des musulmans dont l’indignation devant l’insoutenable barbarie perpétrée par des bandes étroites d’abjects criminels[26] n’a d’égal que son immense souci de concorde et de paix, elle  pourra, mieux que quiconque, contribuer de manière très significative à la nécessaire neutralisation théorique et pratique de tous ceux qui, d’abord au détriment des musulmans et en totale contradiction avec la lettre et l’esprit de l’Islam- une religion qui érige la solidarité et la miséricorde au niveau d’exigences absolues et les hisse au rang de valeurs cardinales-, répandent sur la « terre des homme »[27] les formes les plus cyniques et les plus révoltantes d’injustice et de violence.

 En reconnaissance de ce rôle qui devra être conçu et présenté comme procédant d’une claire volonté de contribution utile à l’émergence du nouvel ordre mondial juste et épanouissant à bâtir[28], ce pays sera soustrait aux critiques les plus véhémentes et aux campagnes de déstabilisation- désormais, sans objet[29]- qui sont orchestrées périodiquement sous prétexte d’une conception particulière de la défense des droits de l’homme et de la promotion de la démocratie et de la liberté.

On prendra expressément note de sa vocation islamique exclusive et de toutes les spécificités qui découlent d’une telle vocation ainsi que de son statut de gardien des lieux saints de l’Islam. Il fera, en particulier, de la part des occidentaux l’objet d’une sorte de « vaticanisation[30] » qui le mettra à l’abri de certaines ingérences et assurera, ce faisant, le respect de son système politique et stratégique qui, reconnu et accepté, sera épargné par « les pressions en vue du changement » et les incitations les plus appuyées à certaines formes, plutôt excessives,  d’« ouverture ».       

La même note préconisait, pour finir, une démarche visant à faire promouvoir et appuyer cette qualité et ce rôle par la majorité des Etats du monde musulman.

Dans cette optique, il faudra, avec la plus grande vigilance, se garder de se laisser abuser par les multiples télescopages qu’induit dans son sillage une impérieuse mondialisation et qui, au- delà des sphères économique et financière, tendent de plus en plus à investir également le double champ politique et stratégique.

Ces télescopages ne sont, pour l’essentiel, que l’un des reflets du (trop) rapide essor des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Le développement de ces dernières connut, en effet, une telle accélération que ses conséquences au triple plan social, politique et économique sont, à ce jour, très loin d’être cernées de manière tant soit peu satisfaisante.

Aussi sommes- nous encore en pleine virtualité et courons- nous, partant, le risque de prendre pour une réalité ce qui, en fin de compte, pourrait ne relever que de l’étape accessoire, voire même de la simple apparence.

Avec nos partenaires, nous avons, certes, le présent en partage et nous devons- et pouvons, sans doute- travailler à l’édification d’un avenir harmonieux et largement commun. Quant au passé, il est, par définition, à jamais révolu. Il est donc irrémédiablement réfractaire à toute standardisation, à toute uniformisation et, en conséquence, à toute mondialisation.     

Aussi ne peut- il, de notre part, faire l’objet d’aucune transformation ni d’aucun réaménagement. Nous ne saurions donc faire partager « notre » passé ni partager celui d’autrui au- delà de ce qui, dans notre histoire commune, fut effectivement partagé et qui le fut assez profondément et assez durablement pour susciter une solidarité de devenir assez agissante et assez réelle pour induire une claire communauté d’avenir, pour esquisser les contours d’un véritable fait de civilisation.     

Nos projets d’amélioration et d’accomplissement s’exerceront donc exclusivement sur le présent et viseront uniquement l’avenir mais ils tiendront obligatoirement compte du passé. On peut, d’une certaine manière, affirmer que si nous avons, jusqu’à un certain point, l’opportunité de gérer notre présent et d’agir avec un certain degré d’efficience sur  notre futur, nous n’en sommes pas moins l’indéniable résultante de notre passé. Et de ce passé qui constitue l’héritage propre de chaque peuple, la quintessence et la spécificité de chaque civilisation, il est inconcevable qu’il ne soit tenu le plus grand compte[31].

Aucun processus, si original et si avancé soit- il, ne peut démarrer ex nihilo. Tout comme il serait injuste- et impossible aussi- d’imposer aux uns les leçons particulières et les conséquences spécifiques de l’histoire des autres et, paradoxalement, de les affubler, ce faisant, d’une expérience qui n’est point la leur, d’exiger, en quelque sorte, qu’ils soient, coûte que coûte, à notre image. D’aucuns auraient traité cette tentation d’« impérialisme culturel ».

C’est cette fâcheuse tendance- du reste, fort ancienne- à se donner en exemple, à exiger d’être, jusque dans le détail, systématiquement suivi qu’il serait sans doute avisé de reconsidérer. C’est ce centrisme si ancré qu’il en devient inconscient qui est contesté et qui, indubitablement, est contestable. Cette propension à se donner comme modèle- et, de plus en plus, comme le modèle tout cours- peut, à juste titre, inquiéter dans la mesure où elle est, elle aussi, source d’intolérance et d’iniquité et, étant donné qu’elle renvoie douloureusement à un vieux complexe de supériorité qui est loin de n’avoir laissé que de bons souvenirs,  rappeler ce « droit »à contraindre et à se faire obéir qu’ont, de tout temps, revendiqué les dominants et les plus forts.

En effet, si le respect scrupuleux de l’autre et, plus généralement, de la différence ainsi que le respect de chaque culte et , tout spécialement, celui de la liberté de conscience de ceux qui le professent, s’imposent absolument à tous et représentent, dans le même temps, un préalable incontournable à toute coexistence harmonieuse et pacifique dans un monde qui n’est, certes, pas, comme d’aucuns se plaisent à l’affirmer, un « village planétaire » mais dont l’ouverture est tout de même sans précédent et où la révolution des transports et surtout celle des communications ont considérablement réduit les écarts et les distances, des valeurs comme la laïcité, à tord et restrictivement, comprise comme étant le refus de la religion, voire le rejet de toute religion, ne sauraient, elles- mêmes, être paradoxalement élevées au niveau d’une véritable religion au point de faire apparaître comme un « péché mortel », presque comme une « apostasie », toute pratique- et même toute référence- religieuse.

L’Islam, ses autorités et ses adeptes proclament, pour leur part et depuis toujours, la liberté de conscience et l’impératif de respecter le culte et la foi de chaque membre de la famille humaine.

« Pas de contrainte en matière de religion[32] », stipule le Coran qui, ailleurs, dit :

« Et si ton Seigneur l’avait voulu tous les habitants de la terre auraient cru. Est- ce à toi de contraindre les hommes pour qu’ils soient croyants[33] » ?

Imputer à l’Islam en tant que religion un quelconque projet de conversion par la force ne peut procéder que d’une complète ignorance de cette religion à moins que cela ne révèle d’une volonté polémique systématique et d’une aversion a priori, à proprement parler, aveuglante.

L’Islam exige tout autant le respect absolu de l’intégrité et de la vie de chaque être humain. Le Coran énonce en effet :

« Celui qui a tué un être humain […], c’est comme s’il avait tué l’humanité tout entière[34] ».

  Que d’insoutenables exactions soient actuellement perpétrées par d’abjects criminels qui se réclament indûment de l’Islam n’y change absolument rien. L’Islam et les musulmans n’y ont- ne sauraient y avoir- aucune part. Comme le reste du monde- et sans doute plus encore -, ils en sont victimes, tant directement  qu’indirectement.

En Islam, la responsabilité est strictement individuelle et nul n’a à répondre des actes d’autrui. Il ne suffit donc pas qu’un individu- ou un groupe- se proclame musulman pour que la communauté musulmane, dans son ensemble, soit tenue pour responsable de ses actes.

« Nul n’est comptable des méfaits commis par un autre », est- il affirmé dans le Coran[35].

Les musulmans sont, par contre, tenus de combattre, solidairement avec toutes les personnes- ou groupes- de bonne volonté, tous ceux, musulmans ou non, qui s’en prennent à l’intégrité physique ou morale d’autrui, qui, de par le monde, sèment la terreur, le désordre et la mort, qui s’adonnent , en un mot, à la violence et au terrorisme.

Il est, en effet, dit dans le Coran :

« Entraidez- vous en vue [de l’accomplissement] du bien et [pour la réalisation de tout ce qui participe] de la piété. Ne vous entraidez point dans le but de commettre les turpitudes et l’injustice [36]».     

Aussi ne faut- il pas s’étonner, face à une menace claire et imminente, de voir l’Arabie Saoudite réagir comme elle est entrain de le faire. La garantie de sa propre sécurité et de celle de ses alliés du Golfe, le devoir d’assistance à un voisin en danger en réponse à l’appel pressant de son gouvernement légal, le refus, enfin, de voir se perpétuer, à sa propre porte, une situation d’insondable anarchie et d’abyssale régression, tout, absolument tout, appelait et justifiait une telle intervention qui, pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, est, tout à la fois, opportune et incontournable et qui mérite, en conséquence, d’être profondément comprise, appréciée et soutenue.

Ces précisions à propos des différents aspects de la problématique envisagée et des divers acteurs impliqués étant apportées, il convient de relativiser assez sensiblement les différences- et, a fortiori, les oppositions- qui ont pu être relevées à l’intérieur du camp de ceux qui récusent la violence et le terrorisme et qui, mobilisant tous les moyens requis et toutes les potentialités disponibles, devraient, dans la concertation constante et à travers une coopération active et harmonieuse, travailler de concert à son déracinement intégral à son éradication définitive.

Il y a d’abord lieu de souligner que, nonobstant une conjoncture fort complexe et malgré la précipitation des alertes, la divergence des explications avancées et le caractère apparemment inconciliable des approches mises en œuvre, certaines  contradictions qui , à première vue, ont pu sembler insurmontables n’en sont pas moins susceptibles, à condition, toutefois, de bénéficier de l’analyse fine et de la  compréhension globale qu’elles requièrent et d’être traitées de manière ouverte et dynamique, de trouver les solutions consensuelles, appropriées et durables qu’elles appellent. 

Les hommes ayant fondamentalement les mêmes capacités et devant quasiment répondre aux mêmes sollicitations essentielles- et aux mêmes défis-, cultivent, pour cette raison, précisément, les mêmes aspirations et, en dépit de l’effarante disparité des niveaux de développement et de la foisonnante diversité des environnements et des conditions objectives, obéissent, dès lors, aux mêmes lois générales et se réclament des mêmes principes intangibles.

 Aussi partagent- ils les mêmes valeurs cardinales et peuvent- ils, partant, concevoir et réaliser des desseins communs ambitieux et salvateurs.

Cette règle vaut naturellement pour les relations internationales et fonctionne, par conséquent, au triple niveau politique, diplomatique et stratégique. 

C’est, en effet, cette identité profonde, qui n’est ni simultanéité automatique ni équivalence formelle et, moins encore, qualité a priori indépendante de toute détermination, qui, tout bien considéré, est source d’histoire et support de progrès, qui, pour tout dire, est efficace et créatrice.

Toute perspective d’évolution maîtrisée et motivante- comme, du reste, tout  progrès- réside entièrement dans la prise de conscience de cette concomitance active et agissante de la diversité formelle des réalités nationales ou régionales particulières, d’une part, et de la similitude profonde, pour ne pas dire, de l’unité, des grandes tendances qui définissent les directions et les rythmes de la marche globale de notre monde, d’autre part.

Si les valeurs universelles sont absolument communes et consécutivement très largement partagées, leur traduction concrète et les processus particuliers de leur réalisation peuvent, eux, varier très sensiblement d’un pays- ou d’une région-  à l’autre. Une telle variation, loin d’être aberrante et réductrice, est, au contraire, logique, saine et constitutive d’histoire. Elle est l’expression de diverses spécificités historiques ou culturelles positives, la conséquence naturelle et  normale des expériences et des conditions objectives vécues, à sa propre échelle, par chaque groupe humain. Elle participe donc du génie des peuples et, au niveau formel, concourt à distinguer, les unes des autres, les différentes civilisations.        

Elle est source d’enrichissement réciproque et, dans la mesure où elle est incitation à connaître- et à se reconnaître-, elle est invite à la tolérance, au dialogue et à la compréhension, invite donc au respect de la différence, à la pacification systématique des relations et à la construction incessante de la paix, y compris des cœurs.   

Dans un verset coranique à propos de l’absolue égalité de tous les membres de la famille humaine et donc de la profonde similitude de leur condition, il est dit :

« O vous, les hommes, nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, puis nous vous avons répartis en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez les uns les autres. Le meilleur d’entre vous auprès de Dieu, c’est le plus pieux d’entre vous [37]».

En soi, la différence est donc foncièrement positive et sa fonction dynamique et fondatrice est clairement affirmée. Elle existe, certes, mais elle n’implique aucune hiérarchisation, ne dresse aucune barrière entre les hommes. Seule, compte la piété qui participe, elle, du mérite personnel et est, de ce fait, accessible à chaque être humain.  

 « Les hommes sont égaux comme les dents du peigne », énonce une tradition authentique du Prophète. Nulle primauté ne saurait donc procéder de la race ou  de langue, ni de la condition physique, matérielle ou sociale, ni, enfin, de quelque autre qualité ou particularité individuelle ou collective que ce soit.   

Qui aurait pu mieux exprimer, quelque mille quatre cents ans plus tôt, une telle affirmation de l’absolue égalité ? Qui aurait pu afficher un tel souci d’ouverture et de tolérance ?

Accuser l’Islam, en tant que religion, ou les musulmans, en tant que communauté, d’intolérance, d’arbitraire et de terrorisme ne peut, en conséquence, que relever d’une insondable ignorance de ses enseignements, à moins que cela ne procède de desseins géostratégiques inavoués parce que, simplement, inavouables ou, pire encore, d’abjects sentiments de discrimination, de haine et d’exclusion qui, eux, illustreraient on ne peut plus éloquemment l’incroyable degré d’intolérance, d’arbitraire et, potentiellement, de terrorisme, atteint par ceux qui en sont affligés.

Qu’est-ce à dire sinon qu’il serait aberrant et indubitablement contre- productif de pousser toute dimension religieuse, en particulier, la dimension islamique véritable- par définition, équilibrée, authentique et responsable- hors du champ de la résolution des problèmes posés à l’Islam et au monde par des groupuscules violents et liberticides uniquement parce que les criminels qui les composent ou les animent se réclament, à tord, bien entendu, de l’Islam, ou alors simplement parce toute religion est, en soi, suspectée par certains.    

Lutter avec efficience contre le terrorisme et ses insupportables exactions, c’est évidemment l’éradiquer sans merci là où il se manifeste de manière active mais c’est aussi le tuer dans l’œuf en traitant préventivement toutes ses causes et, cela va sans dire, en mettant énergiquement un terme à toute évolution susceptible d’y conduire et en stoppant avec le maximum de célérité et de fermeté tout engrenage pouvant y mener.

Admettre qu’une minorité violente et sectaire s’empare, par la force des armes et au mépris de toute légalité, de tout un pays, s’en prend clairement à ses voisins et menace directement la sécurité et la paix au double niveau régional et mondial, n’est- ce pas faire le lit du terrorisme en favorisant objectivement son renforcement et sa diffusion ?

L’Arabie Saoudite, au- delà des autres raisons- politiques, sécuritaires et stratégiques- invoquées dans les lignes qui précèdent, ne pouvait- ni ne devait- objectivement cautionner une telle descente aux enfers en agissant de la sorte. La région et le monde devraient lui en être reconnaissants.

C’est donc mal la connaître et mal apprécier la situation réelle et les enjeux profonds que de résumer sommairement son intervention à la simple expression d’une sempiternelle compétition - à nuancer, du reste, fortement- entre le sunnisme et le shi’isme, de la confiner dans un strict souci de sécurité nationale ou de l’expliquer par je ne sais quelle tentation dominatrice.

Tout observateur tant soit peu averti de l’histoire et des conditions sociopolitiques ou économiques régionales ne pourra manquer de relever immédiatement l’inanité d’un tel discours aussi galvaudé et vain qu’historiquement inexact et politiquement dépourvu de tout impact véritable.

Il faut donc- définitivement- se démarquer de ce pseudo- raisonnement que les positions dûment enregistrées et les initiatives effectivement arrêtées de ce grand pays démentent à suffisance.

S’agissant de la divergence entre le sunnisme et le shi’isme, déjà ancienne et disposant, partant, d’une très longue tradition de règlement à l’amiable acquise dans les temps- plutôt rares- d’affrontements et de conflits et donc d’un imposant arsenal « jurisprudentiel », elle n’a jamais eu l’ampleur et le caractère tranché et  structurellement explosif que l’on voudrait lui donner aujourd’hui.

Même du point de vue strictement doctrinal, elle est bien plus superficielle et moins marquée que celle qui, au sein du christianisme, oppose, à titre d’exemple, les catholiques et les protestants dont les relations, aujourd’hui, cordiales, sont pourtant passées par d’inimaginables pics d’intolérance et de guerres civiles et extérieures[38] qui, par leur durée et leur potentiel destructeur, on causé, en quelques décennies, infiniment plus de victimes et de ravages que n’en ont suscité, en 1400 ans, les conflits ayant opposé sunnites et shi’ites.

Avant « la révolution islamique[39] » iranienne, il n’y eut, tout au long du XXe siècle, aucun conflit armé significatif entre shi’ites et sunnites, même pas l’équivalent du conflit- très localisé- il est vrai- de l’Irlande[40].

Cette comparaison sommaire ne vise qu’à relativiser la portée et la charge conflictuelle d’une opposition qui, sans les desseins d’exclusion et de domination dont d’aucuns voudraient l’investir, n’a point, le potentiel de haine et d’agressivité que certains, par simplification abusive ou par manque d’une familiarité suffisante avec les réalités religieuses et culturelles régionales, à moins que ce ne soit pour des raisons moins avouables et plus suspectes, se sont efforcés de lui imprimer.

En tout état de cause, l’Arabie Saoudite ne s’en est jamais prise à quelque pays ni à  quelque courant religieux ou politique que ce soit. Elle a, au contraire, constamment cherché à favoriser le retour de la paix et à réconcilier les belligérants, comme ce fut le cas lors de la douloureuse guerre civile libanaise de la fin des années 70.

A L’occasion de ce très grave conflit fratricide, elle a, en effet, tout mis en œuvre en vue d’arrêter la confrontation en travaillant avec le succès que l’on sait à mettre un terme à une situation conflictuelle particulièrement complexe et extrêmement dangereuse puis en contribuant généreusement, dès la suspension des hostilités, à la reconstruction d’un pays meurtri et épuisé par une longue décennie de destruction et de carnage.

Et ce qu’elle avait alors accompli avait été pensé et réalisé au profit de toutes les communautés libanaises[41], sans aucune exception et sans la moindre exclusive. De cela, toutes les parties alors en conflit peuvent, aujourd’hui, témoigner.

Dans le même ordre d’idées, elle vient de s’engager très sensiblement en vue du renforcement quantitatif et qualitatif des capacités défensives de l’armée libanaise[42] pourtant foncièrement multiconfessionnelle afin qu’elle puisse, à l’écart de toute référence religieuse ou idéologique, faire face aux conséquences du naufrage syrien et à l’interminable descente aux enfers de l’Iraq, défendre l’unité et l’intégrité territoriale de son propre pays et protéger la quiétude et les acquis de son propre peuple.

Dès lors, ce qui est en jeu, ce n’est point, en soi, l’appartenance communautaire ni, pour ce qu’elle est, une obédience religieuse spécifique, qu’elle se réclame, d’ailleurs, ou non de l’Islam.

Ce que l’Arabie Saoudite récuse, et qu’elle a raison de récuser, c’est la tyrannie agressive qu’une communauté particulière, soutenue par un Etat étranger, prétend exercer par la force et par la contrainte sur les autres communautés, que ce soit en Syrie, en Iraq, au Yémen ou ailleurs.

Ce qu’elle refuse, c’est que l’avenir du Liban, de la Syrie, du Yémen, de l’Iraq ou de quelque autre pays que ce soit puisse être hypothéqué par une puissance extérieure qui, recourant aux services de milices obscurantistes, violentes et sectaires, ne vise qu’à diffuser sa propre influence et à asseoir sa propre suprématie, qui travaille, ce faisant, à appliquer son propre agenda et à atteindre ses propres objectifs d’expansion et de domination au détriment des communautés majoritaires ainsi que de la cohésion et de la sécurité des pays- cibles et de celles de la région dans son ensemble.

Nul ne peut, en effet, accepter les entreprises préméditées et méthodiques en vue de miner la cohésion de tout une région qui, nonobstant sa diversité- sa richesse- communautaire, a toutes les raisons objectives- et historiques- de s’entendre et, dans le respect de ses différences, de coopérer et de s’unir.

Les apprentis sorciers[43] ont, eux- mêmes, tout intérêt à voir régner un tel état de concorde et de paix.

Israël, malgré la vaine et anachronique agressivité de nombre de ses dirigeants et le maximalisme outrancièrement anti- palestinien et anti- arabe de très larges franges de son « élite » politique, serait bien avisé de se convertir à une telle approche en réalisant, enfin, que les solutions pérennes et fiables résident toujours dans la sereine quiétude que procurent la concorde et la paix. Jamais elles ne se retrouvent au bout de sempiternels conflits meurtriers ni ne gisent sous les ruines accumulées des destructions massives[44].

Le respect scrupuleux des droits inaliénables de l’autre, la reconnaissance sans équivoque de ses spécificités culturelles ou nationales et le partage avec lui d’un projet de concorde et de paix à l’échelle régionale et mondiale ainsi que l’initiation commune d’une ère de compréhension et d’entente et- pourquoi pas ?- de coopération fructueuse et d’agissante solidarité constituent, en effet, le seul gage d’un avenir suffisamment juste et suffisamment motivant pour la totalité des habitants de la région et, au- delà de celle- ci, pour l’humanité tout entière.

Il n’y a, répétons- le, aucune « guerre de religion »[45] dans la région moyen- orientale et, plus particulièrement encore, dans la Péninsule Arabique.

Ceux qui, jouant sur de telles sensibilités, cherchent à déstabiliser leurs voisins et à semer largement l’anarchie et la haine sont, dès l’origine, bien connus et leurs graves menées subversives, strictement identifiées et rigoureusement datées et répertoriées, sont, quant à leurs modes opératoires et à leurs conséquences, d’une traçabilité indubitable au point de n’admettre aucune contestation ni aucune  équivoque[46].

Mettant cyniquement à profit l’interminable déliquescence de l’Iraq, les terribles péripéties de la tragédie syrienne et la conjoncture yéménite caractérisée par la persistance de désordres graves et par l’affaiblissement consécutif de l’Etat central, ces « stratèges » de la déchéance et de l’anarchie ont semblé vouloir, dès lors, passer à la vitesse supérieure.

En Iraq et en Syrie, des milices shi’ites armées se déployaient au grand jour aux côtés des forces mobilisées par les gouvernants en place et, sous couvert de lutte contre le terrorisme[47], s’engageaient sans attendre dans la persécution systématique des populations sunnites locales tandis que les Hûthis renversaient, au même moment, le gouvernement légal du Yémen et, à coup de massacres et de destructions, se lançaient dans la conquête méthodique et violente de tout le pays tout en menaçant directement et explicitement l’Arabie Saoudite.

Il était, dès lors, très clair qu’on était en présence d’une entreprise globale et  coordonnée de déstabilisation à laquelle il était impérieux de faire face avec célérité et avec détermination.     

 Ce serait donc une grave méprise et une évidente myopie stratégique que de ne voir dans l’intervention saoudienne au Yémen qu’un simple avatar d’une opposition  sunnisme- shi’isme galvaudée à l’excès.

Cette initiative, on vient de le voir, doit, au contraire, être replacée dans son contexte géopolitique véritable avant d’être adéquatement traitée dans le cadre d’une vision stratégique bien plus globale.

Quant à suggérer que l’Arabie Saoudite n’avait agi que dans un souci de sécurité intérieure stricto sensu ou qu’elle n’aurait été mue que par de supposées tendances hégémonistes ou par une volonté de domination aussi improbable que  soudaine, cela n’a vraiment aucun sens.

Au plan intérieur, ce pays n’a aucune raison de nourrir des craintes particulières ni de s’engager, comme d’autres l’ont fait et le font encore, dans une équipée  extérieure uniquement destinée à détourner son opinion nationale de quelque grave problème intérieur.

L’Arabie Saoudite n’a, en effet, à faire face à aucun problème interne qu’il s’agirait impérativement de conjurer quand même au prix de quelque coûteuse aventure extérieure. Son peuple jouit, en effet, de tous ses droits et bénéficie d’un niveau de quiétude et de sécurité sans équivalent dans bien des pays catalogués, pourtant, comme étant « des Etats de droit » et censés appliquer « une démocratie exemplaire ».   

Il ne subit donc aucune domination tyrannique ni aucune oppression, ne souffre d’aucune exclusion arbitraire, ne réclame, partant, aucune « émancipation » ni aucun surcroît de « liberté » dont la nature ou l’acuité seraient de nature à susciter quelque préoccupation ou quelque inquiétude que ce soit.

Il vit en symbiose avec un Etat constamment- et réellement- à son service et à son écoute et dans un pays serein où le dialogue entre gouvernants et gouvernés est la règle et où la consultation de la base et la concertation à propos de toutes les questions d’ordre national ou d’intérêt commun constituent, quand même suivant d’autres règles et des modalités naturellement spécifiques[48], une réalité, somme toute, ordinaire et quotidienne, n’ont, de ce fait, rien d’épisodique ou d’exceptionnel.

D’un bout à l’autre de cet immense pays, tous les citoyens et tous les résidents jouissent d’une totale sécurité pour leur personne, leurs biens et, ce qui, pour eux, est de la plus haute importance, pour leur honneur et leur dignité, et bénéficient sans la moindre entrave d’une totale liberté de circulation des biens et des personnes. Un accès égal et universel à l’éducation, à la santé, à l’information et à tous les services de base est, sans exception, assuré à tous les citoyens.  

Partout à travers l’Arabie Saoudite, la justice est souveraine et s’applique sans distinction aucune à tous les justiciables.

Précisons toutefois que, dans un pays dont la population est, depuis plus de 1400 ans, musulmane à 100% et qui, de surcroît, abrite les lieux saints d’une très grande communauté universelle, il est parfaitement légitime et normal, que  conformément au consensus unanime de tous les citoyens, l’Islam soit la référence suprême, le ciment indéfectible de l’unité et le code souverain dont tous préconisent et revendiquent l’application.

Mais entendons- nous bien ! Il ne s’agit, en aucun cas, de l’un de ces « islams » dits politiques et encore moins de l’une de ces lectures extrémiste et intolérantes qui mènent quasi inéluctablement à l’intolérance et au terrorisme.

Il s’agit, ici, de l’Islam authentique qui, tout entier, est ouverture, tolérance et miséricorde, qui, par vocation, rapproche, unit et élève, qui, forcément, est respectueux de l’autre, des libertés et de la différence. Et cet Islam- là s’intègre parfaitement à la grande famille humaine, prescrit clairement le respect scrupuleux de tous les droits fondamentaux et l’application rigoureuse de toutes les conventions internationales auxquelles il a adhéré, œuvre avec constance et sans la moindre réserve, aux côtés de tous ceux qui, de par le monde, travaillent à l’édification de la paix et à l’émergence d’un monde de justice, d’harmonie et  de compréhension qui soit véritablement hospitalier et épanouissant pour tous les habitants de la terre.

Les autorités politiques saoudiennes qui, conformément à un système consensuel  basé sur l’Islam auquel adhère explicitement la totalité de leurs citoyens, œuvrent sans relâche et avec beaucoup d’efficacité et de pertinence, à l’épanouissement intégral et multidimensionnel de leur peuple et au développement continu et harmonieux de leur pays, qui, au double plan régional et mondial, entretiennent, avec la quasi-totalité des gouvernements du monde d’excellentes relations de confiance, de concorde et de solidarité, se sont toujours abstenues de s’ingérer dans les affaires intérieures de quelque pays que ce soit et n’ont eu de cesse de faire le plus grand cas de l’impératif du respect absolu de l’indépendance et de la souveraineté de tous les Etats. Leur contribution désintéressée et généreuse à la résolution des différends régionaux et internationaux est unanimement reconnue et hautement appréciée.             

Aussi l’Arabie saoudite n’a- t- elle jamais eu besoin de recourir à la fuite en avant ni de prendre des initiatives extérieures dans le seul but de résoudre des problèmes sécuritaires d’ordre strictement interne. Une telle attitude que, du fait des actes aventureux et de l’inconséquence caractérisée de certains, elle  eut, parfois, à subir[49] et contre laquelle elle dut, souvent, se protéger, reste, de toute manière, extérieure à ses conceptions politiques et stratégiques et se trouve aux antipodes de ses références éthiques. Elle n’a jamais, non plus, nourri la moindre tentation hégémoniste ni le moindre projet d’expansion et de domination.

De tels procédés qu’elle a constamment dénoncés et régulièrement condamnés jurent, en effet, avec son approche des relations internationales et avec son intraitable souci de l’intégrité territoriale et de l’indépendance de tous ses voisins.

Les pays de sa région- et tous les autre Etats- peuvent témoigner de la qualité, de la constance et de la courtoisie des relations qu’elle entretient avec eux. 

A son intervention au Yémen, on ne peut donc supposer d’autres motivations que celles qu’elle a, elle- même, clairement annoncées.

Cette intervention amplement justifiée et indubitablement utile et nécessaire est, en outre, éminemment porteuse de sens et d’avenir sans oublier, comme nous avons eu à le souligner, qu’elle a constitué la réponse solidaire et fraternelle à un appel de détresse lancé par le gouvernement légitime d’un pays frère et voisin en butte à une entreprise délibérée de déstabilisation conduite par une minorité violente et rétrograde qui, en réalité, cache à peine une massive et perfide agression extérieure, non seulement contre le Yémen, mais également contre l’ensemble du monde arabe et la totalité du monde musulman et donc, forcément, contre la stabilité, la sécurité et la paix mondiales.

 Il était, en outre, impensable qu’un Etat laissât se développer dans sa proximité immédiate une force sectaire d’intolérance et d’exclusion, déstabilisatrice, par nature, et hostile suivant ses propres déclarations et qui, sans ambages, proclame haut et fort sa volonté d’expansion et de domination.

 A moins de se résigner à voir toute la région sombrer dans le désordre et dans l’anarchie et plonger irrémédiablement dans la régression et dans le chaos.

Or, étant donné la place et le rôle incomparables qui sont les siens aux niveaux régional et mondial et compte tenu du devoir d’assistance au Yémen en danger de dislocation ainsi que de la nécessité impérieuse de préserver la sécurité et la paix régionales et mondiales, l’Arabie Saoudite devait absolument réagir.

Si elle ne s’était pas décidée au moment opportun, il aurait sans doute- et plus tôt qu’on ne pourrait l’imaginer- été trop tard. Et cela ne pouvait être dans l’intérêt de qui que ce fût. Ni dans la région ni ailleurs. Il est, en effet, des engrenages qu’il faut désamorcer sans délai et sans la moindre hésitation sous peine de basculer durablement dans l’arbitraire et dans l’aventure et de s’engager, partant, dans des processus ingérables de déclin et de déchéance.

C’est donc pour le Yémen, dans l’intérêt incontestable de toute la région et en faveur d’un monde plus juste, plus sûr et plus épanouissant que, conformément à son devoir de solidarité et compte tenu de son rôle régional spécifique, l’Arabie Saoudite est intervenue au Yémen. Toutes les autres interprétations et tous les autres commentaires sont, à la fois, inexacts, vains et  tendancieux.

Et, au Yémen, l’Arabie Saoudite n’est intervenue que dans le seul but de rétablir et de préserver la paix, une paix véritable et pérenne parce que respectueuse de la légalité, de l’unité nationale ainsi que de la liberté et des droit de chaque citoyen et de chaque communauté, une paix, enfin, qui sera une contribution essentielle au renforcement de la sécurité et à l’instauration de la paix au double plan régional et international.

 

 

C’est à la réalisation d’une telle paix qu’elle souhaite rapide et totale et qu’elle voudrait construire avec toutes les parties yéménites sans aucune exception et sans la moindre exclusive qu’elle travaille sans cesse, avec la plus grande détermination et la plus grande sincérité. Pour le Yémen et pour tous les yéménites, en dehors de toute manipulation et de toute ingérence extérieure et en l’absence de toute interférence terroriste, ces deux conditions étant naturellement, pour elle comme pour la sécurité et la paix régionales et internationales, de la plus haute importance.     

 Aussi son intervention est- elle incontestablement opportune, légitime et nécessaire. Tout permet, en outre, d’y voir une initiative éminemment porteuse de sens et particulièrement déterminante pour l’avenir.

Etant donné sa pertinence et l’incomparable place que son acteur occupe au sein du monde musulman, elle ne peut que revêtir, pour toute la région et pour le monde, une signification des plus fondamentales et un caractère d’originalité sans précédent et sans équivalent.

Il n’est donc nullement excessif de penser que cette intervention constituera, pour le terrorisme dit islamiste, l’amorce d’un déclin irrémédiable et marquera, par la même occasion, l’entrée de la région et du monde dans une ère nouvelle de concertation, de concorde et de paix à l’échelle régionale et mondiale.

Dans ce domaine, la place et le rôle de l’Arabie saoudite sont, à proprement parler, uniques, pacificateurs et réellement irremplaçables. Aucun nouvel axe, aucune nouvelle alliance ne saurait efficacement s’y substituer ni valablement en tenir lieu[50].

Aussi aucune perspective fiable de sécurité et de paix ne saurait véritablement s’en passer ni, partant, s’abstenir d’en tenir compte[51].

 

 

 

 

C’est pour cette raison pour que la place unique et  l’incontournable rôle de l’Arabie Saoudite méritent sans conteste d’être appréciés[52] à leur juste valeur, largement reconnus et très sensiblement renforcés.

 La quiétude et la sérénité de la région et du monde y gagneront sans nul doute grandement. /.    

 

 

 

Yacoub Ould Daddah

 

 

[1] Le détroit d’Ormuz relie le Golfe arabe au golfe d’Oman.

[2] Le détroit de Bâb al- Mandab relie la Mer Rouge au golfe d’Aden.

[3]Le golfe d’Oman en bordure du Sultanat d’Oman est la partie resserrée de la mer d’Oman, également appelée  « Mer d’Arabie » ou « Mer Arabique » qui correspond à la partie Nord- Ouest de l’océan Indien.

[4] Golfe de l’océan Indien, le golfe d’Aden s’étend entre le Sud de l’Arabie et le Nord- Est de l’Afrique.

[5] Le monde avant la découverte des continents américain et australien à partir du XVIe siècle.

[6] Train de réformes commencées en 1985, par Gorbatchev, Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique et  Président du Présidium du Soviet suprême, la perestroïka (restructuration) visait à assurer une plus grande efficience économique et à démocratiser les institutions soviétiques. Elle devait aboutir à la dissolution de l’URSS à partir de 1991.

[7] Au double plan économique et financier, tendance à recomposer l’espace économique mondial afin d’étendre le modèle occidental d’économie de marché au reste du monde. Cette recomposition est défendue par le courant néolibéral qui, à partir des dernières décennies du XXe siècle, s’est déclaré opposé à l’intervention systématique de l’Etat et a prôné le recours aux mécanismes spontanés du marché.

[8] A travers les accords de Taif signés en 1989, l’Arabie Saoudite a joué un rôle décisif dans la réconciliation des différentes factions libanaises et, partant, pour la fin des interminables conflits civils qui, depuis 1976, minaient le Liban. En Afghanistan, elle appuya efficacement les résistants à l’occupation soviétique du pays (1979- 1989). En 1990, elle manifesta une solidarité agissante aux Koweitiens dont le territoire venait d’être occupé par les forces irakiennes avant d’apporter une contribution déterminante à la libération de ce pays, en 1991. Auparavant, elle avait appuyé le gouvernement irakien qui, au cours de la première guerre du Golfe (1980- 1988), faisait face à l’invasion étrangère. S’agissant de la crise syrienne, elle entend clairement inscrire son action dans le cadre de la légalité internationale.   

[9] Avec ce pays, l’Arabie Saoudite a constamment entretenu des relations de bon voisinage basées sur le respect mutuel, la solidarité et la concertation en vue de la solution des problèmes susceptibles de menacer la sécurité ou l’intégrité de l’un ou de l’autre pays (cf. la première menace ḥûthie). Son intervention actuelle s’inscrit dans la même logique et vient en réponse à l’appel du gouvernement légal du Yémen ainsi qu’au double impératif de sécuriser ses propres régions méridionales et de lutter contre la diffusion par la violence terroriste d’un courant singulièrement fanatique et intolérant soutenu de l’étranger et derrière lequel se profile, en réalité, un projet hégémonique aussi dangereux qu’inacceptable.

[10] Donc appartenant à la même obédience que les ḥûthis. Le problème avec ces derniers n’est donc pas d’ordre confessionnel mais bien plutôt d’ordre politique et stratégique, Les ḥûthis sont, en effet, les promoteurs d’un dessein fanatiques d’expansion et d’exclusion téléguidé de l’étranger et qui menace directement leurs voisins et toute la région sans oublier que leur prise de pouvoir par la force et leurs exactions massives contre leurs propres concitoyens sunnites sont inadmissibles et porteuses de graves explosions potentielles aux conséquences incalculables. Une telle dérive est totalement inacceptable, qu’elle se déroule au Yémen ou ailleurs. 

[11] Communauté musulmane.

[12] Certaines exactions commises, en Irak et au Yémen, par des miliciens shi’ites peuvent, en effet, faire penser à une telle « option » de leur part.

[13] C’est le cas, en particulier; du groupe terroriste appelé « Etat islamique » qui, avec une insoutenable cruauté, sème la mort et la destruction dans une Syrie ravagée et exsangue et cherche à mondialiser ses méfaits. Il est, de toue manière, patent qu’à quelque obédience religieuse qu’ils appartiennent, tous ces groupuscules intolérants et d’une singulière violence ne peuvent croître et sévir que sur un terreau de profonde injustice et d’insondable anarchie et que, quand même ils se proclament d’obédiences antagonistes et que tout semble les opposer, les causes objectivement communes de leur apparition et l‘évidente similitude de leurs modes opératoires permettent indubitablement, pour les plus extrémistes d’entre eux, tout au moins, de les assimiler les uns aux autres et de préconiser les mêmes traitements immédiats et à plus long terme en vue de les prévenir, de les combattre et de les éradiquer. 

[14] Au Yémen, une secte minoritaire et extrémiste renverse le gouvernement légal et s’engage, sans autre forme de procès, dans la  conquête sectaire et violente du pays, lançant les pires anathèmes et proférant des menaces sans équivoque contre ses voisins et, en particulier, contre l’Arabie Saoudite. Si de telles entreprises venaient à être tolérées, l’insécurité et la terreur régneraient rapidement sur toute la région et aboutiraient alors inéluctablement à une anarchie et à une régression, à proprement parler, abyssales.

[15] Il s’agit de l’anticipation des situations et des évènements et du sens de la légitime action préventive qui doit être adéquate et proportionnelle aux éventualités de risque à écarter. Ne dit- on pas que « gouverner, c’est prévoir » ?

[16] Il suffit de mentionner, à cet égard, les immenses travaux d’extension et de désenclavement des saintes mosquées de la Mecque et de Médine entrepris et achevés à l’initiative et sous la haute supervision du Roi Fahd Ibn Abd Al- Aziz (1923- 2005). 

[17] Il est évident qu’il s’agit, ici, d’un rapprochement à portée strictement méthodologique, l’Islam et, tout spécialement, l’Islam sunnite n’ayant, à la différence de l’église catholique, aucun clergé régulier ou séculier. Ce qui est tenté ici, toutes proportions gardées, d’ailleurs, c’est  uniquement de faire prendre conscience, en particulier aux non musulmans, de cette sacralité, en elle- même, et de suggérer l’intérêt qu’il y a à en tenir positivement compte, à favoriser son expression et à tirer parti des perspectives politiques et stratégiques qu’elle ouvre à la diffusion d’une véritable culture de la paix.   

[18] L’ensemble des organes qui secondent le Pape dans l’exercice de ses fonctions de gouvernement. Pour désigner ces organes, on parle aussi de « curie romaine ».

[19] Compte tenu de l’incontestable impact du fait religieux au sein de la communauté musulmane, voir supra.

[20] En particulier, en reconnaissant sans équivoque de la place unique de l’Arabie Saoudite, en renforçant son rôle spécifique et en favorisant, à travers une approche franche et concertée, la diffusion de son influence positive.

[21] Tant la peur irrationnelle de toute référence religieuse était grande.

[22] La prise en compte du fait religieux ainsi que des incomparables spécificités positives de l’Arabie Saoudite, spécificités qui, si elles étaient reconnues et respectées, permettraient, au nom de l’Islam authentique-  éminemment respectueux des libertés et des droits- d’apporter une contribution déterminante à la lutte contre la violence et l’extrémisme et de contrer, ce faisant, efficacement l’influence négative- et, somme toute, anti- islamique- de tous ceux qui s’efforcent de semer le désordre, l’intolérance et le terrorisme.           

[23] Le « nous » renvoie au monde musulman qui, à travers cette note, parle, en quelque sorte, de lui- même.

[24] La tolérance n’implique- elle pas, en effet, la prise en compte des réalités et des spécificités de l’autre lesquelles sont, du reste, parfaitement compatibles avec le partage sans restriction de valeurs et de principes universels et le souci d’efficience ne dicte- t- il pas l’impératif de l’adaptation, les uns aux autres, des divers partenaires solidairement engagés dans un processus commun de progrès et d’épanouissement ? Par- delà les réalités concrètes et les justifications idéologiques particulières qui ne sont, au fond, qu’autant d’expressions de civilisations spécifiques, autrement dit, de formulations de l’universel, à prendre en considération et à reconnaître, c’est l’unité fondamentale de référence, d’objectifs et de démarche qui suppose la mobilisation de toutes les potentialités- et de toutes les sensibilités- qu’li s’agit de réaliser afin qu’un avenir meilleur soit envisageable pour l’humanité tout entière.   

[25] Un discours efficient et équilibré doit clairement se démarquer des théories et des mouvements extrémistes et manifester sans la moindre ambigüité toute l’ouverture et toute la tolérance de l’Islam authentique.

[26] Se proclamant abusivement musulmans et, volontiers, présentés comme tels par une propagande intolérante et systématiquement anti islamique qui s’emploie, ce faisant, à ternir l’image de  l’Islam et des musulmans et qui, en diffusant délibérément l’exclusion et la haine, menace, elle aussi, gravement la concorde et la paix mondiales. 

[27] Référence au titre d’un très beau roman (Terre des hommes, 1939) de l’aviateur et écrivain français Antoine de Saint-Exupéry (1900- 1944).

[28] Notons que, lors de la rédaction de cette note, on se trouvait au lendemain de la seconde guerre du Golfe et de la perestroïka ainsi qu’à la veille de la formulation des théories de la mondialisation et que les discussions à propos d’un nouvel ordre mondial étaient alors d’une brulante actualité.   

[29] Parce que, relativisant les formes et les conceptions particulières, on aura compris que, partant de références différentes et recourant à d’autres formulations, l’Islam n’en a pas moins prescrit le respect scrupuleux des valeurs universelles et de tous les droits humains authentiques et qu’une telle prescription, clairement inscrite, depuis plus de 1400 ans, dans ses textes fondateurs, est intégralement respectée par l’Arabie Saoudite dont le système est exclusivement basé- ne saurait être basé que- sur l’Islam et qui, nonobstant cela et, précisément, à cause de cela, reconnaît totalement et adopte naturellement les fondements éthiques et juridiques qui valent universellement pour l’humanité tout entière. Mais elle s’en réclame et y adhère dans la stricte conformité à sa foi islamique. Telle est sa véritable spécificité.      

[30]Pour le sens de ce néologisme, voir supra, p. 8, note 17.

[31] Voir supra, P. 11, note 22.

[32]Coran, II, 255

[33] Id., X,   99

[34] Id., V, 32.

[35] Id., XXXIX, 7.

[36] Coran, v, 2.

[37] Coran, XLIX, 13.

[38] Les mouvements de Reforme religieuse au sein de l’église catholique initiés par l’action de Martin Luther (1483- 1546) ayant abouti à la naissance des églises protestantes, des conflits opposèrent les adeptes de ces dernières aux catholiques. En France, les guerres de religion (1562- 1598), longue série de graves affrontements ponctués d’exactions  et de massacres (le massacres de Wassy, en 1562, et de la Saint- Barthélémy, en 1572), furent les conflits les plus durs de cette période particulièrement perturbée et instable de l’histoire européenne.   

[39] En 1979. Cette révolution qui porta l’Ayatollah Khomeiny au pouvoir institua un système dit islamique- en réalité,  tout spécialement shi’ite- qui revendiqua, d’emblée, une vocation mondiale. Le développement d’un certain « Islam politique »  qui préconise la déstabilisation de l’adversaire et recourt, volontiers, à l’action violente et au terrorisme s’inscrit clairement- tout comme, du reste, l’exacerbation de l’opposition sunnites- shi’ites-, dan cette problématique. 

[40] Il s’agit de l’Irlande du Nord (Eire) où des troubles graves ont opposé, de 1969 à 1998, la minorité catholique et la majorité protestante. 

[41] Aussi bien la maronite et les autres factions chrétiennes que, chez les musulmans, la shi’ite, la sunnite et la druze.   .

[42] L’Arabie Saoudite vient, en particulier, de financer un très important achat d’armes françaises au profit de l’armée libanaise. 

[43] Aucun avantage conséquent et durable ne saurait, en effet, résulter de l’approfondissement délibéré et artificiel des contradictions ou de l’exacerbation systématique des inimitiés et, encore moins, de cette incroyable propension à s’appuyer sur le seul rapport momentané des forces. A manipuler ainsi l’évolution- et l’avenir- de l’humanité, on se met objectivement dans la situation peu enviable de celui qui érigerait sa demeure sur une bouche de volcan.   

[44] Il serait, à cet égard, particulièrement avisé que toutes les parties impliquées directement ou indirectement dans le conflit du Proche- Orient se pénètrent, enfin, du fait qu’en dehors d’un dialogue franc et respectueux de tous les droits, il n’existe aucune perspective de solution véritable. Aussi est- il impérieux de saisir toutes les opportunités de dialogue et toutes les mains tendues afin de favoriser, dans l’équité et dans le respect des droits inaliénables, la conclusion d’une paix juste et durable. Agir autrement, c’est faire peser sur toute la région et sur la totalité du monde un irrémédiable danger d’explosion et de guerre, c’est porter une terrible responsabilité devant l’histoire.     

[45] Référence aux conflits qui, dans la France du XVIe siècle, ont opposé catholiques et protestants, voir supra, p. 16, note 36. 

[46] Les mouvements terroristes qui se prétendent « islamiques » ou « islamistes » font penser à des précédents qui renvoient à des sectes shi’ites minoritaires qui, aux premiers siècles de l’Islam, pratiquaient l’arcane et recouraient, volontiers, à l’action violente et même au terroriste (la secte ismaélite des Assassins fondée, dans la seconde moitié du XIe siècle, par Ḥasan al- Sabbaḥ, par exemple). Il semble que certains groupes extrémistes aient renoué avec de tels précédents après l’apparition d’un certain « Islam politique », dans les années qui suivirent la « révolution islamique » iranienne (1979), Sur fond de guerres civiles ou extérieures et de crises intérieures, le terrorisme, de quelque obédience qu’il se réclame, fut directement ou objectivement encouragé et instrumentalisé par des « sponsors » clairement identifiés qui se proposaient, ce faisant, de déstabiliser les Etats qui, comme l’Arabie Saoudite, résistaient, au nom de l’Islam authentique, des intérêts bien compris de la communauté musulmane et par souci de sécurité et de paix régionales et mondiales, à cette inadmissible dérive dont ils rejetaient clairement les thèses et combattaient, partant, les méthodes et la vision.   

[47] C’est le cas, notamment, des forces du  Hizb- Allah libanais, en Syrie, et des milices shi’ites de la « mobilisation populaire », en Iraq.

Les exactions insoutenables et les destructions massives perpétrées par des groupes terroristes d’une violence inouïe et d’une intolérance abyssales, comme l’ « Etat islamique » ou d’autres factions du même acabit, doivent, certes, être combattues sans faiblesse et totalement éradiquées. Mais ce combat nécessaire et urgent doit être conduit par les Etats et, au besoin, par une coalition internationale. Il ne doit aucunement être confié à des milices confessionnelles qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, s’en prennent systématiquement aux membres innocents de la communauté « rivale » et, au détriment de la sécurité et de la paix régionales, appliquent Les consignes de la puissance étrangère qui les soutient et les oriente en fonction de ses propres objectifs.           

[48] L’essentiel étant le partage et le respect scrupuleux de principes communs intangibles et de valeurs cardinales universelles, les références idéologiques et les justifications théoriques peuvent, en conséquence, relever, pour leur part, de la foi et de la culture, en un mot, de l’histoire propre et de la civilisation particulière de chacun. Voir supra, p. 12 suiv. 

[49] Tous les complots ourdis contre la sécurité de l’Arabie Saoudite ont été éventés et mis en échec par le gouvernement et le peuple de ce pays et, au grand dam de leurs commanditaires, n’ont eu aucun impact ni aucun retentissement. 

[50] L’Arabie Saoudite encourage, du reste, tout rapprochement, tout accord, susceptible de contribuer réellement à la pacification des relations internationales à condition, toutefois, que cette évolution tienne réellement compte de l’impératif absolu de respecter la sécurité et la souveraineté de tous les Etats tiers et qu’elle garantisse l’abandon définitif de tout dessein d’expansion et de domination au détriment des pays de la région  ainsi que de toute ingérence dans leurs affaires intérieures.  

[51] D’autant plus que, par vocation et par option constante, elle représente un indubitable facteur de concorde et de paix dont il serait avisé et fort utile de tenir le plus grand compte.

[52] D’autant plus que, compte tenu de la grave conjoncture qui prévaut actuellement dans l’ensemble de la région moyen- orientale, l’activation de ce rôle fait l’objet d’une demande objective et que sa mise en œuvre n’a jamais été aussi accessible ni aussi utile.

En effet, l’Egypte faisant actuellement face à des problèmes intérieurs graves et complexes et la Syrie et l’Iraq traversant une crise aussi préoccupante que durable, il apparaît clairement que les conditions sont, désormais, réunies pour un nécessaire recentrage.

Or l’affirmation nette de la place du Royaume d’Arabie Saoudite et la redynamisation de son rôle et de sa primauté constituent, à cet égard, une réponse naturelle et pertinente au besoin impérieux d’effectuer une restructuration profonde et significative des relations régionales et de reprendre sans délai l’initiative au double plan politique et stratégique.

Les développements qui précèdent ont tenté de souligner l’intérêt d’une telle orientation par le biais d’une claire  reconnaissance de la grande spécificité de l’Arabie Saoudite et à travers le renforcement de son rôle régulateur et modérateur. La stabilité de la région ainsi que la sécurité et la paix régionales et internationales y gagneront sans nul doute énormément.   

 

 

Ancien Elève de l’Ecole Normale

 Supérieure de Saint- Cloud (France)

Professeur et ancien haut fonctionnaire

Chercheur en Sciences Humaines

Tél : 222 47 75 23 71. BP : 3304

Nouakchott - Mauritanie

Email : yacoub.daddah@gmail.com