Mémoires de Méderdra (suite) Par Brahim ould Ahmed Memady

17 September, 2015 - 09:31

Chapitre 7 : Repères mythologiques

La magnificence civilisationnelle de l’exceptionnel Iguidi, est une réalité assez vieille comme le monde !! En témoigne largement son propre et gigantesque patrimoine socioculturel, extrêmement complexe et fascinant ! Il y a absolument de quoi embarrasser les plus brillants anthropologues ! L’Iguidi est donc un fabuleux creuset mythologique où s’enchevêtrent inextricablement l’évident, l’irrationnel, le mystérieux, l’allégorique et le merveilleux ! Où  l’imagination acharnée et le zèle outré des conteurs et autres aèdes de la tradition orale inventèrent très habilement, tout un autre univers parallèle… Croire donc ou non, à ces divers sujets de spéculation, à polémique métaphysique, importe peu ! Quand le formellement interdit, le dogmatique, l’indiscutable, le plaisant et l’invraisemblable se côtoient et s’enlacent, il vaut mieux donc éviter l’aventure et ne courir aucun risque. C’est plus sage !

Très souvent, le fantasme collectif suscite l’épouvante totale, l’affolement même !!

Ce très précieux trésor séculaire reflète bien une identité solide, un passé enchanteur et omniprésent !

Jusqu’à nos jours, ehel Belleittoutt, c’est bien la grande troupe artistique des diables ! Ses prestations ou ‘’Bondje’’ avaient toujours ‘’emporté’’ le passant imprudent… Dès que ce dernier exécutait les premiers pas de danse, il était déjà fou, pour le reste de sa vie. !

Aïche Teboura, la crapuleuse femme qui exhumait les morts après leur enterrement afin de les débarrasser des linceuls… !! Très souvent quand elle trouvait que le corps était en début de décomposition, elle s’asseyait sur son ventre pour le dégonfler, afin de faciliter l’extraction du tissu qu’elle utilisait pour la confection des tentes.

  • Sidi Yaeraf, dont il suffisait de prononcer le nom, à l’oreille de l’âne rétif, et il se remet au galop !
  • Esmaou Bintou Oumeïssinn, à laquelle nos mamans confiaient la garde de la tente, quand elles devraient s’absenter.
  • Sidi Hasne, ce diable qui adorait les jeunes filles, les empêchant de convoler en justes noces…
  • Boulgue, lui aussi fan des femmes divorcées, leur bloquant la voie au remariage …
  • Non loin de l’un de nos cimetières, en passant, on entendait brusquement une gigantesque et bruyante cavalcade avec un tumultueux fracas de sabots et hennissements  sans jamais voir quoi que ce soit sauf prendre ses jambes à son cou !!
  • La Cheïtané (diablesse) devant laquelle rien ne pouvait absolument résister ! Ses langues de feu énormes qu’elle lançait de sa gueule géante, à distance, suffisaient largement pour attirer et maîtriser ses proies ! En craquant des dents, elle faisait jaillir des vagues d’étincelles dans tous les sens ! Son ventre transparent qu’elle trimballait loin derrière elle, en toupie monumentale, offrait l’image nette de tout ce qu’elle venait de dévorer !! Personnes, animaux, reptiles, oiseaux, etc.
  • Les loup-garous qui erraient toute la nuit entre les campements, à la recherche de moutons, chèvres, veaux ou enfants à dévorer !
  • Zirett Aïche, au sud-est de Méderdra, où se trouvait, il y a très longtemps déjà, l’antre d’un monstre lippu à œil unique au front !! A cette époque, jamais aucun être humain ou animal n’était ressorti de ce plateau, après avoir foulé son sol, jamais !!!
  • Le cyclope ‘’Aqzem-Bezz’’ y assignait Aïche ‘’dhik’’ (l’autre), l’une de ses plusieurs concubines, enlevées d’on ne sait où ! Dans cette tanière, ils furent un couple cannibale qui dévorait ses victimes commençant par leur cervelle. Chaque fois qu’il rentrait de chasse, le monstre avait le reflexe de faire le tour des lieux, pour s’assurer que madame n’avait pas été dérangée.  Une fois, en effectuant sa ronde, il détecta des traces toutes fraîches !! Aussitôt, il se débarrassa des carcasses trempées de sang qu’il transportait et se lança sur les pas du probable concurrent ! Très loin à l’ouest, du côté de ‘’Choumeïch’’, il aperçut la silhouette d’un ancêtre qui cherchait une bête. Sans préalable, il l’hypnotisa à distance, l’attirant vers un puits d’où se dégageait l’écho du beuglement de sa vache ! L’homme se pencha alors par-dessus la margelle du puits et le jaloux Aqzzem-bezz le poussa au fond du gouffre !!

Il semblerait que ce cyclope est toujours en vie et dans la zone où il rôde à la recherche d’on ne sait quoi encore ! Il paraîtrait aussi que la bête que l’honorable ancêtre recherchait se trouvait  bien après sa disparition parmi le troupeau de l’un des campements de la zone !!

- El vekroun (la tortue mâle), épousa la grenouille !? Sans tarder, madame se fâcha un jour et quitta le foyer pour aller rejoindre ses parents… Le mari à la belle cuirasse, s’adressant à l’assistance : « … chères gens… je vous prie… jetez un coup d’œil… là-bas… sur les fesses de cette femme, mécontente qui s’en va !... »

- L’horoscope de la mélano-africaine (HELV ELKORYE) ! Après une très longue journée de course désespérée derrière les négriers qui enlevèrent son fils, elle s’arrêta brusquement pour consulter son horoscope avant d’abandonner la poursuite ! Elle mentionna quelques caractères sur le sable et subitement emportée par une révélation, elle reprit sa course folle avec énergie ultime. Sans tarder, elle tomba sur son enfant, sain et sauf, qui pleurnichait sous l’arbre où les brigands l’oublièrent.

-Quelque part au Gorgol, un centaure (moitié homme, moitié cheval) passait et repassait au trot, entre Gataga et Touldé, tard dans la nuit du vendredi.

-Le bosquet du boa (wade guerej-me) où il faut offrir une génisse n’ayant pas encore vêlé au géant reptile, contre la paix pour tous, durant un an !

Dans le nord du pays, à l’est de Zouerate, entre la pointe du relief de l’Adrar et l’Aftace, se situe Eeçabett el Hiçiane (qreïjitt, bir taleb, boutalha, etc.) la plus grande tanière des djinns en Mauritanie, ceux-là qui ont toujours dérouté et malmené les chasseurs, non-avertis, des gazelles et antilopes qui jonchent ce grand talweg par immenses troupeaux !

-Au nord de Oualata, le fameux chacal omniscient ! Ce caillou que la tradition n’hésite jamais à prendre en « témoin irrécusable » et légendaire !

-Les vulgaires mousquetaires, sans aucun rapport avec l’orthodoxie. Soueid Ahmed Bacar et consorts qui prétendaient protéger les ruraux ! Ils imposaient aux profanes de leur offrir les prémices des troupeaux et presque le cinquième de leur récolte.

-Entre Kiffa et Boumdeid, non loin de Hsey-Tinn, le majestueux Nouamlein. Pour aller plus vite au ciel, il vous suffit de grimper et une fois là-haut, tenez-vous bien, désormais, vous appartenez à l’ère secondaire !! Les grottes où vous êtes regorgent de fossiles et d’empreintes assez suffisants pour vous édifier sur les dinosaures et autres géants reptiles de la plus vieille antiquité.

-Au Hodh charghi, au sud de Néma, la montagne de Rajjatt abritait un ogre du nom de « NOUEFFEL ». Rien n’était plus fascinant, ni même plus envoûtant que d’écouter la fameuse « BELGHAME », sous la dextérité d’escamoteur, de feu Mohamed ould Bobe Jiddou. Quand il ressuscitait les prouesses amoureuses du monstre avec sa très chère Aiche Lelly du campement situé au pied du relief. Surtout quand la tidinit reproduisait la cadence des pas de NOUEFFEL descendant la pente, tard dans la nuit pour rejoindre sa fée dans une avalanche de pierres !

Aussi, Mohamed emportait son public en liesse en racontant l’émouvante et très surprenante histoire de « guiré ». S’agissant de la même belghame, de la mystérieuse bravoure du prince soninké d’Aoudagost et de sa cousine qui se donnèrent la mort, par leur dévouement l’un à l’autre !!

A l’est de l’Eparse, en savane d’el khatt, l’été est bien la période de la bougeotte des bédouins. Mais gare aux naïfs ! Souvent, le voyageur épuisé par le déplacement, la soif et la faim se trouve subitement face à un campement grouillant de monde et d’animation. Soulagé enfin par la chaleur de l’accueil et l’opulence des équipements, l’hôte s’installe aussitôt et tire son coussin en attendant son ‘’traitement’’ qui s’annonce confortable et copieux. Puis, sans qu’il ne s’en rende compte, il plonge dans un sommeil, si profond qu’il ne se réveillera que le lendemain. Où stupéfait et désaxé, il se retrouve seul couché à même le sol sans rien à ses côtes sauf le désert plat et à perte de vue !

Parmi les diables, il y a bien de grands farceurs qui ont la manie de jouer les sales tours à leurs voisins humains !!!

La ferveur de la très célèbre Mogniane au vœu très cher et vite exaucé. Aussitôt après sa très populaire consultation horoscopique (HELV-MOGNANE) aux indications parfaitement confirmées quant à leur valeur prédictive !!!

Le grand savant Ahmed fut bien l’époux de Mognane qui enfanta Mohamed ould Ahmed Youra, donc, une lignée de saints des saints, source très rare et pérenne de lumière et d’érudition !!!

L’une de nos fiertés nationales que nul ne peut ignorer !!!!