Mohamed Said Ould Hamody : Un homme de bien est parti

3 September, 2015 - 11:41

J’ai connu feu Mohamed Said Ould Hamody en 1978, alors qu’il était diplomate à Rabat (Maroc), quelques mois avant le coup d’Etat du 10 Juillet de la même année. L’ayant précédé sur place, je l’ai invité à venir élire domicile chez moi. Ce qu’il n’a pas hésité de faire, à mon grand soulagement.

Vivre à côté de feu Mohamed Said est un plaisir quotidien tant l’homme est d’une grande simplicité et d’une modestie rare. Il avait le don inné de répandre la joie dans son voisinage.

Feu Mohamed Said n’était pas seulement un diplomate. Il était aussi historien, homme de culture et de lettre et communicateur hors pair. Il connaissait la Mauritanie et les Mauritaniens qu’il aimait par-dessus tout et faisait sienne la formule consacrée : « L’amour de la Patrie est un devoir ». C’était un plaisir de l’écouter parler de la Mauritanie et de son peuple ; peuple pluriel, riche de sa diversité, de son histoire et de son passé glorieux. Il connaissait ceux qui avaient marqué l’histoire de ce pays ; il connaissait tous les grands personnages, l’origine des uns et des autres ; les relations, mêmes parentales, entre des tribus qui, à prime abord, semblaient si éloignées les unes des autres. Mohamed Said était une bibliothèque vivante, une mémoire vive et bien entretenue.

Quand il m’informa qu’il devait rentrer en Mauritanie où le devoir de servir sur place le pays le rappelait, ma désolation fut grande de voir partir un homme auprès de qui on se cultivait à tous les coups.

Des années durant, feu Mohamed Said se mit au service de la Mauritanie, en tant que diplomate quand il exerçait dans les chancelleries ; en tant que Secrétaire Général de la Présidence de la République ; en tant qu’homme de culture et de lettres (il était aussi écrivain émérite et journaliste-chroniqueur à ses heures perdues, notamment sous le pseudo de « Cheikh Dah »). Son passage à la tête de l’Agence chargée du Patrimoine culturel, à l’époque installée à l’Immeuble BMCI, fut riche et permit de sauvegarder et de promouvoir l’un des pans vivants de notre histoire.

Cet homme, dont la santé était quelque peu fragile ces dernières années, était connu aussi pour son courage, sa détermination à dire la vérité en tout lieu et en tout temps, son engagement pour les grands idéaux : l’attachement à la République, le respect des institutions et la protection des droits de l’homme ; qualités qui présidèrent d’ailleurs à sa nomination à la tête de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), nouvellement créée.

Son esprit indépendant et son refus de se soumettre au moindre diktat étaient aussi des traits de son caractère. C’est ce qui explique qu’il dénonça, sans complaisance, le coup d’Etat contre le Président Sidi Mohamed O. Cheikh Abdellahi et qu’il refusa, au prix même de son fauteuil, de se séparer de Biram Dah Abeid, l’un de ses Conseillers à la CNDH, alors que ce dernier se trouvait dans le viseur des pouvoirs publics.

Feu Mohamed Said, dans toutes les rencontres aussi bien nationales qu’internationales consacrées aux droits de l’homme, notamment à Genève, a su mettre son Institution au-dessus des influences néfastes, prenant uniquement parti pour la mission pour laquelle il était nommé et qu’il assuma comme un sacerdoce : la promotion des droits humains et leur défense.

C’est d’ailleurs à ce titre qu’il fut, il y a deux ans, porté, à l’unanimité, à la tête du « Manifeste pour les droits sociaux et économiques des Haratines », tant son combat pour la dignité de cette frange est sans conteste et ses prises de positions contre l’esclavage franches, connues de tous et déterminantes.

Mohamed Said Ould Hamody est parti mais ses traces resteront à jamais des sillons sur l’histoire de la Mauritanie. Cet homme qui a tant donné à la Mauritanie mérite que son combat contre l’esclavage et sa lutte pour la promotion de la culture et de l’écrit soit récompensés.

Tous – tous ceux qui aiment les Mauritaniens qui ont vécus et morts debout – doivent plaider et se battre pour qu’un prix soit institué en mémoire de cet homme d’exception.

De plus, le souhait et le souci de tous ceux qui connaissent son amour pour l’art et les livres ainsi que la richesse de sa bibliothèque est qu’un espace culturel lui soit dédié et dans lequel tous les objets qu’il a laissés derrière lui seront exposés au public…

A sa famille, à ses proches et à tous ceux qui lui étaient chers, nous présentons nos condoléances les plus attristées.

Ne dit-on pas que « Les meilleurs partent toujours les premiers ».

Inna lillaahi wa inna ileyhi raaji’oune.

 

 

Maître Mine Abdoullah

Avocat à la Cour

Professeur à l’Université de Nouakchott

Président de la LMDH