Une autre présentation de l’histoire de la fondation mauritanienne : Mohamed Ould Cheikh, le plus proche équipier de Moktar Ould Daddah de 1957 à 1966 - journal et entretiens en Décembre 1967 (suite)

20 August, 2015 - 10:00

La relation avec Moktar Ould Daddah et les événements de 1966

 

 

 

Mohamed Ould Cheikh a été sans doute de toute la période fondatrice le plus à même – par sa proximité avec Moktar Ould Daddah et par sa manière de voir et d’analyser en sociologue du pouvoir – de témoigner du fonctionnement des institutions et de la psychologie des personnes et des groupes. Il témoigne aussi, décisivement, des choix et des résolutions à faire et à prendre à propos du Parti. Pas du tout en sacralisant une institution ou un système, mais en cherchant comment faire participer tous les Mauritaniens de toutes conditions, en tous genres et lieux de vie, quelle que soit leur génération à cette « construction nationale » qui n’était pas une vue de l’esprit, mais la hantise de fortifier le latent, le possible, l’existant : la Mauritanie permise par l’Histoire et par les circonstances mais nécessitant beaucoup de soins et de l’illustration. Mohamed Ould Cheikh plus préoccupé des soins que le Président et ce dernier convaincu que l’illustration ferait le ralliement et bien commun de tous. A-t-on reculé depuis trente-sept ans ? Ou est-ce seulement une autre manière pour la même pensée ?

 

Mohamed Ould Cheikh montre aussi comment le pouvoir et l’exercice du pouvoir ont été changés par les « événements de 66 ». L’ensemble d’une évolution, jusques là dominée par des agencements de personnalités et de mouvements politiques, est devenue la gestion de clivages ethniques et sociaux. Le parti unique a donc changé de fonction, et le pouvoir s’est incarné au lieu de rester, sinon collégial, du moins délibératif. Les initiatives et réponses aux événements ont été remises, de fait, à Moktar Ould Daddah. – Je donne une chronologie des « événements de 66 » pour le seul mois de Février et, à la suite de ces entretiens et en reportant encore la reprise de la relation de la guerre du Sahara selon les archives diplomatiques française, je donnerai les dépêches de Jean Deniau pour cette période de 1966. Combien je regrette aujourd’hui  à dix ans près, de n’avoir pu dialoguer avec le président Moktar Ould Daddah sur mes compte-rendus d’entretiens personnels et les chroniques de l’ambassade de France.

 

Comme précédemment, j’utilise les sigles MoD, MoC et AMS pour Moktar Ould Daddah, Mohamed Ould Cheikh parlant à la première personne, et Ahmed Ould Mohamed Salah, mais je transcris « le Président » quand ce dernier est évoqué selon son titre.

 

Bertrand Fessard de Foucault - Ould Kaïge

 

 

 

Entretiens sous la tente, à la badia. 

- dimanche 10 Décembre 1967 (suite)

 

Question que je pose : le rapport du Secrétaire général du Parti au congrès d’Aïoun-el-Atrouss[i]

 

Pas d’accord sur la forme : j’aurai aimé que ce fut discuté, mais accord sur le fond. Je serai peut-être d’accord pour rejeter ce que… quand en 1966, les Noirs ont soulevé de façon répréhensible, la question. Les Maures en ont fait autant. Il aurait fallu taper dans les deux camps. A trop dans le camp noir. Nécessité de solution commune. Quand les Noirs, en 1966, ont sorti leur papier répréhensible, les Maures ont créé des sphères dangereuses, des comités de vigilance, qui ont plus contribué à la bagarre que le papier-même. Comme on a plus tapé dans le tas noir, ce pouvait être dommageable pour une Mauritanie unie. Rien d’irréparable de toutes façons, mais nécessité d’une autorité pour imposer aux politiciens de quitter ce terrain.

 

Le rapport de la Commission nationale pour les affaires culturelles [ii]

 

Ne l’a pas lu, n’en a pas eu copie, ne l’a pas cherchée.

Actuellement, le problème n’est toujours pas résolu. A chaque fois que le problème est résolu, il est encore à résoudre.

 

 

La personnalité de Moktar Ould Daddah

 

Jusqu’en 1966   ::::::: celle des politiciens. Les jeunes sont le foyer des problèmes. Je crains que depuis ces événements, ils n’aient plus les mêmes sentiments à l’égard de Moktar. Moi-même, je n’ai plus accès à eux. Il se trouve que n’ayant pas de prise sur les événements, dans le moment, ils ont le sentiment que je n’ai pas bougé. Ils savent aussi que je ne suis pas anti-Noir. Ils savent que je suis simplement partisan de la discussion. Ils ne tiennent pas à moi de manière absolue. Pour eux, le problème est devenu assez discret. Je ne sais pas ce qu’ils mijotent. J’ai l’impression qu’ils ne veulent plus en parler.

 

Les gens n’ont que des sentiments passagers, ne s’intéressent pas aux qualités et aux défauts, mais à leur intérêt.

 

Je pose la question

 

Quand les gens disent que tel a été le dauphin, même le responsable du régime… Les gens ne font pas attention aux circonstances : le courant de confiance entre MoD et MoC, a été fonction des circonstances. Rapports amicaux et corrects dans le temps où nous étions ensemble. Chacun de nous a eu son caractère et sa façon de voir. Assez souvent, il se sépare des gens à sa manière, sans que cela soit préparé ou un entretien. Cela peut choquer ceux qui préfèrent les choses en entretien, mais cela n’est pas leur affaire. Je suis de ceux-là. Mais c’est la manière de Moktar de se débarrasser des gens.

 

J’ai été surpris qu’il se débarrasse de moi, mais cela lui correspond bien. Normal   que l’union soit le fait des circonstances, normal que la désunion le soit aussi par les circonstances. Mais la reprise est plus difficile que prévue, puisque dénuée de toute expérience. Cette rupture ne s’est pas faite comme je l’aurai voulue, nécessité d’un éclaircissement. Un changement de manières n’exclut pas l’absence de manières. Moi-même, j’entends parler qu’on me prête des coups d’Etat. On me prête cela, mais personnellement je n’ai pas à m’en faire. L’affaire d’Ahmed Baba est une erreur, mais le Président n’est pas à l’abri de l’erreur, il peut faire des erreurs, cela peut passer.

 

Les événements de 1966

 

Le document des Noirs, le papier des 19. Je savais les réactions de l’autre côté.

 

Question posée – on a dit qu’il y avait un conflit entre Mohamed Ould Cheikh et Ahmed Ould Mohamed Salah ?

 

J’étais en désaccord avec une majorité du B.P.N. sur l’organisation du Parti, sauf avec Moktar. Je laissai mon point de vue sur les événements par écrit au Président et à Ahmed Ould Mohamed Salah, quand je partis en manœuvre. J’avais appris qu’un comité de vigilance maure s’était constitué et actionnait les jeunes. Condamnation de ma part.

 

Question que je repose : conflit avec Ahmed Ould Mohamed Salah ?

 

Je ne vois pas de mon côté, de réalité à ceci. Il n’y a jamais rien eu de cela. L’ensemble des groupes qui cherchent à se placer a tendu à créer et à imaginer ce genre de rivalité. Le Président n’en a pas tenu compte pendant longtemps. J’ai eu moi-même à démentir cela dans des meetings. Dans ce problème noir et maure, Salah et moi avions des attitudes différentes, mais tout le monde avait une attitude. Nous n’étions pas ennemis. Au sein du B.P.N., chacun avait son attitude.

 

L’organisation du Parti dans les villes.

Le Président était d’accord avec moi et me l’a dit jusqu’au bout dans la préparation d’Aïoun. Les gens ont écouté tout ce qui tenait à ma personne, dans cette organisation qu’on prétendait attachée à ma personne. Le Président a dû tenir compte de ce changement de situation politique. J’étais au B.P.N. jusqu’en Juin, mais je n’étais plus que figurant. Le B.P.N. n’avait plus comme rôle que de préparer le congrès. Je n’étais pas présent, j’étais commandant de cercle à Aleg. Dès mon départ du gouvernement, tout ce que je pensais personnellement, ma voie dans le Parti a été éliminée. C’est normal, quand quelqu’un a été éliminé, que l’on perde toute trace dans l’esprit du Président.

 

Cela voudrait-il dire que l’appartenance au gouvernement pose la question de l’appartenance au B.P.N. ?

 

C’est fonction de l’individu et de sa relation avec le Président.

Tout ce qui s’est fait à partir de ces événements a été fait entre le Président et Salah. Auparavant, tout se faisait entre le Président, Salah et moi puis au gouvernement et dans le B.P.N. Présentation officielle : nous quittions le gouvernement parce qu’en désaccord. En fait, nous étions en désaccord, moi je quittais le gouvernement, il était mis fin à ces réunions à trois. Avec le Président, j’étais en 1961 en petit comité à deux qui préparait. On s’est ajouté Salah en 1964. Puis quand se sont produites les émeutes, Salah a dû assurer tous les intérims, pendant que l’on partait au Mali. Si le gouvernement n’a pas voulu les bagarres, il pouvait les empêcher, et ne l’a pas fait. On a eu des renseignements écrits avant la bagarre du lycée. De même, on a eu la veille au soir le renseignement que le lendemain la bagarre gagnera la rue. Si les événements ont été bloqués, c’est par l’armée. En fait, les opérations, puis mon départ… le Président a-t-il été au courant ? S’est-il dit que les circonstances politiques lui demandaient de s’appuyer sur un côté plutôt que sur un autre ?

 

Il m’a été dit par écrit qu’Ahmed Ould Mohamed Salah était président d’honneur du comité des Maures. J’ai téléphoné à AMS, devant ces officiers mauritaniens. Il a dit qu’il n’en était rien.

 

Au moment des arrestations, les officiers m’ont dit qu’ils voulaient arrêter tous les suspects, devant MoC que certains étaient protégés. J’ai voulu les protéger sur le terrain politique et j’en ai parlé à Salah. Ces gens ont fait partie de ce comité [iii]. Ils disaient plus tard qu’ils avaient été arrêtés par moi. Ce qu’ils ne pouvaient savoir que par des officiers – ce que je ne crois pas – ou par Salah, ce que je suis incliné à croire.

Le petit comité à trois. Salah ne s’était ajouté qu’en 1964.

 

Jusqu’au départ au Mali, le groupe marchait. Au retour, empêchés de nous réunir car occupés à travailler et les événements n’étaient pas finis que nous étions partis. Je n’ai pas vu le Président depuis le retour du Mali jusqu’au moment où… sauf le dimanche qui a précédé le lundi 21 [iv]. J’ai décidé d’aller réconforter MoD. Je l’ai trouvé dans son bureau. Je lui ai téléphoné plusieurs fois pour lui dire que j’étais très occupé et que Salah lui rendait compte. Les forces se trouvaient en état de réquisition par le ministre de l’Intérieur. Pratiquement, toutes les forces étaient passées sous Salah. Les troupes étaient en état de réquisition par le ministre de l’Intérieur, qui avait donc qualité pour rendre compte, mais je faisais travailler les troupes.

 

Observation : frappant de voir à quel point les formes juridiques comptent et sont respectées.

 

Avant de partir au Mali, désignation des gens qui devaient s’occuper du problème des Noirs. Cela aurait dû désamorcer. Si cela continuait, c’est qu’il y avait anguille sous roche, ce qui ne devait pas tarder à se préciser.

 

Qui allait exploiter cela ? Salah, Haïba Ould Hamody. Il ne s’agissait pas de moi. Tentative politique qui avait des buts précis : se placer plus solidement au pouvoir, et que le pouvoir dépende d’eux. Personnellement, je n’ignorais pas tout à fait ce qui se passe. Si je me livrais à lutter, je faisais fi de la voie hiérarchique. Puisque le président de la République était informé, je n’avais pas à prendre cela sur moi. Fondamentalement, je n’avais qu’à faire ce que le Président voulait s’il le voulait. Le Président a choisi de s’appuyer sur eux.

 

Question : le Président a encore un rôle très important d’arbitre entre différentes forces ?

 

Je pense bien que, sur le plan théorique, c’est son rôle le plus important.

 

 

Fonctionnement du Parti

 

Le B.P.N., réunion de routine et réunion importante.

Les réunions de routine sur les problèmes venant de la Permanence et qui étaient sans importance. Les réunions importantes : préparées par le Président et ses proches (le petit groupe) ne venant au B.P.N. que ses membres. Règle courant : le Président écoute ; rarement on vote, sauf exception. Généralement, le fait que le Président penche pour une solution influe sur les gens. Le prestige du Président, et le fait que tout le monde en dépende, jouent beaucoup.

 

La désignation du B.P.N. par le congrès du Parti. En réalité, désignation avant, et ceux qui doivent désigner sont repérés avant, et sont « briefés » avant. Tout cela… personnellement, je n’ai jamais cru que le Parti existait. Avant qu’il n’existe, j’ai pensé qu’il ne fallait pas tout le Parti et qu’on pouvait en faire progressivement… Pour le fond, le Parti n’existe que dans la mesure où l’on a l’espoir qu’il soit organisé, mais en fait…

 

Le rapport moral. Pas de règle constante. Tantôt le Président fait la synthèse chez plusieurs, tantôt en charge quelques-uns. Le rapport de Kaédi [v], il l’a rédigé avec beaucoup des éléments que je lui ai donnés, un document pensé à deux. Le rapport de Nouakchott [vi] : je crois que le Secrétaire général a rédigé son rapport, mais chaque commission du B.P.N. avait un rapport à présenter au congrès.

 

Mohamed Ould Cheikh a sous les yeux le plan de ma thèse sur le pouvoir politique en Mauritanie – dialogue

BFF - est-il important de parler de Février 66 ?

MoC – oui, c’est important car ils portent des conséquences qu’on n’a pas toutes accouchées

Je lui expose la place que je lui accorde dans mon plan, il en est d’accord. Signification sur le plan du Parti, signification sur le plan de la Patrie mauritanienne

 

 

Politique extérieure

 

Le Rio

Il fait sûrement partie de la Mauritanie. Sur le plan humain, les tribus qui habitent ce Sahara chevauchent la frontière. Communauté de langue, de moeurs, de coutumes. Unité humaine certaine. Sur le plan historique, unité certaine. Il est parcouru par les mêmes tribus et subit les mêmes influences. Il suffit d’écouter radio El Aïoun. On croirait écouter radio-Mauritanie d’il y a quelques années, les mêmes chanteurs chantent des deux côtés. Influence religieuse également. Cheikh Ma El Aïnin également influent des deux côtés. C’est le même monde de quelque côté que l’on trouve le problème.

 

Il semble au point où en est la situation que la Mauritanie a gagné quelques points aux Nations Unies. Quand le problème a été posé au début, on ne pensait qu’à l’Espagne et au Maroc. Grâce à Ahmed Baba (Miské), on a en été aussi à penser Mauritanie. Les deux recommandations de l’O.N.U. placent le problème sur un plan triangulaire. La revendication du Maroc est la même que sur la Mauritanie. C’est parce qu’il revendique la Mauritanie qu’il revendique le Rio de Oro [vii]. Dans la région, il faut aussi compter l’Algérie. Les rapports sont complexes entre le Maroc, l’Algérie, l’Espagne. Dans ces régions, la Mauritanie a besoin d’un appui : l’Algérie. Mais c’est le problème des marches lointaines, et les moyens de la Mauritanie sont exigus pour administrer ces marches lointaines.

 

Relations avec la Chine

 

Naturellement, elles restent limitées, car la Chine a des moyens limités et que la Mauritanie se trouve située dans une zone géographique et diplomatique toute différente. Ouverture de la Mauritanie à tous les horizons est souhaitable, mais l’accueil doit se faire en fonction de notre capacité d’absorption de ces influences.

 

BFF – Je me suis demandé si la politique extérieure n’était pas une excuse à la politique intérieure : appuyer trop sur les rapports avec la Chine et la Corée, pays lointains.

 

Le faire avec mesure. On doit faire des relations avec des objectifs. Si cet objectif n’est pas arrêté en relation avec les autres objectifs, on est en porte-à-faux. La Chine se fera à l’intérieur, donc de moins en moins de propagande et les liens de la Mauritanie avec la Chine ne sont que limités. A ce moment-là, dans vingt ans, quand la Chine aura du crédit… la Mauritanie ne pense pas sur ce plan-là. La Mauritanie a des relations avec d’autres pays, et surtout avec la France.

 

La nature des choses finira par limiter tout. Nécessité que nos rapports soient sérieux, qu’ils ne dépassent pas… Pas plus de rapports qu’il n’en faut, ni moins qu’il ne faut, mais que cela soit sérieusement fait. Or, on a le sentiment que c’est un peu improvisé. Le temps se chargera de donner les dimensions, mais il y a du temps perdu. Il n’est pas bon d’avoir des relations avec les Chinois pour les décevoir, ni d’en avoir de supérieures à la nature des choses ni d’influences là où nous en sommes venus. De bons rapports avec la Chine sont intéressants, si c’est avec mesure et sérieusement.

 

La France

 

Le français, est-ce une langue scientifique ? C’est une ouverture, il serait idiot de ne pas se servir de cette ouverture. Les rapports existent déjà avec la France. Ce ne serait pas sérieux de ne pas bâtir sur ces rapports-là, et d’en créer d’autres dans l’inconnu. La France doit savoir que nous n’avons pas le choix. La France ne peut se faire sans l’Europe et l’Europe ne peut se faire sans la France.

Que nous le voulions ou non, il existe un état de choses, il n’y a pas de choix. Les rapports avec la France ne peuvent s’ajuster qu’en quelques années. Pour réaliser cette expérience avec un autre pays, ce serait long et difficile. On aborde les Français comme un étranger, mais pas comme un étranger comme les autres. La Grande-Bretagne a pratiqué l’administration indirecte. Ici les Français se sont frottés aux Mauritaniens. Les Anglais n’étaient là que comme (illisible, malheureusement) . Les relations des pays anglophones sont marquées par cette administration indirecte, tandis qu’en Afrique francophone, on pense à la France comme un pays qui n’est pas étranger. En tout cas, pour la Mauritanie, il n’est pas possible de la remplacer.

 

 

À suivre

La société traditionnelle et réflexions diverses le 10 Décembre 1967

Entretien du 17 Décembre 1967

 

 

 

[i] - au congrès tenu en Juin 1966, à Aïoun-el-Atrouss, Moktar Ould Daddah, secrétaire général du Parti :

- « données historiques et géographiques qui sont autant de facteurs d’unité »

« Une nation mauritanienne viable suppose, au niveau de tous les citoyens, noirs et blancs, une volonté commune et inébranlable d’être mauritaniens, avec les droits et les devoirs attaches a cette qualité »

« absurdité «  de la partition ou de la fédération »

- une commission pour étudier le problème culturel « le bilinguisme plaçant peu à peu sur un pied d’égalité la langue arabe et la langue française, apparaît une option fondamentale »

 

[ii] - ce rapport présenté le 18 Février 1967, par le ministre de l’Education, alors Ely Ould Allaf, recommande notamment : efficacité ; justice ; une « repersonnalisation » dépouillée de tout chauvinisme et de toute xénophobie ; l’unité nationale ; ne pas couper les enfants de leur milieu ; bilinguisme

- le Président de la République, après avoir reçu le 20, une délégation d’enseignants du second degré, prend connaissance du rapport de la commission des affaires culturelles et y apporte quelques modifications de présentation

- enfin, après un débat les 16-18 Mai, le Bureau Politique National adopte « avec des modifications » le rapport de la Commission nationale des affaires culturelles et décide :

. la réforme préconisée entrera en application dès Octobre 1967 ;

. institution d’une commission des programmes et des manuels ;

. création d’un département de la Culture

. publication dans les deux langues de tous les textes officiels

. « suivre attentivement la question de l’officialisation de la langue arabe en vue d’un application concrète fondée sur les réalités objectives

 

[iii] - je ne suis pas arrivé à faire dire à Mohamed Ould Cheikh la composition de ce comité (BFF)

 

[iv] - chronologie des « événements » de Février 1966

 

2 Février 1966

. première réunion de la « Communauté nationale d’études » sous la présidence du Chef de l’Etat

. dans la nuit du 2 au 3, diffusion d’un tract maure formant riposte au manifeste des « 19 » : « la voix des élèves mauritaniens ou la voix du peuple »

le décret du 13 Janvier 1966 viole la loi du 30 Janvier 1965

« politique qui consiste à forger de toute pièce une ethnie noire pour noircir la Mauritanie

« scission complète et définitive des deux ethnies, seul remède pour assurer notre avenir »

 

3-9 Février 1966      

le Chef de l’Etat accomplit un voyage officiel au Mali accompagné de Mamadou Samba Boly Ba, Président de l’Assemblée, d’Elimane Kane et de Mohamed Ould Cheikh

esprit d’unité nationale qui règne au Mali »

confrontation des expériences respectives en matière d’édification nationale et étude comparative de l’évolution des deux Partis

prochaine conférence des Chefs d’Etat riverains du Sénégal

 

4 Février 1966         

rentrée scolaire dans le calme (à Aioun-el-Atrouss, elle est reportée au 21) ;

l’administration demande aux élèves de signer un engagement à ne plus se livrer à des manifestations incompatibles avec la discipline : les formulaires devront être remis le 7

 

5 Février 1966         

arrivée à Nouakchott du premier ambassadeur de la République Arabe Unie

 

6 Février 1966         

les R.G. font prévoir une grève des élèves maures et des bagarres simultanément au lycée et en ville de Nouakchott ; il est décidé de fermer les classes terminales le 9 et de prendre des mesures de sécurité pour la Capitale

 

7-8 Février 1966      

à Zouérate, les élections syndicales de MIFERMA ne donnent au premier tour que 321 voix sur 922 inscrits à l’U.T.M.

 

8-11 Février 1966    

à Alger, une conférence des ministres de l’Economie de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie met sur pied un secrétariat économique

 

8 Février 1966         

soirée d’adieux de la compagnie folklorique chinoise ;

départ en France de M’Barek Ould Bouna Moktar dont l’intérim à l’Etat-major a été confié à Moustapha Ould Mohamed Salek

 

8 Février 1966         

vers 19h30, bagarres et blessés au lycée de Nouakchott entre Maures et Noirs : les combattants sont séparés, le Lycée occupé et isolé par la garde nationale

dans la nuit, tract incitant les Maures à la grève

 

9 Février 1966         

à partir de 8h30, à Nouakchott, heurts violents entre ethnies : 6 morts, 70 blessés

12h30 : retour du Président de la République et du ministre de la Défense, venant de Bamako

à partir de 13 h, quadrillage et patrouilles rétablissent l’ordre dans la capitale

- l’après-midi, le Bureau Politique national, le Gouvernement et les présidents de l’Assemblée et du Groupe parlementaire réunis sous la présidence du Chef de l’Etat, décident :

« déclencher un ensemble de mesures propres à assurer le maintien de l’ordre »

« fermer tous les établissements scolaires du second degré » (à Nouakchott, les élèves sont renvoyés en brousse dans leurs familles)…

« envoyer immédiatement des missions d’explication » dans les principales localités du pays, composées d’un Maure et d’un Noir

- dans l’ensemble du pays, la grève des enseignants d’arabe et les élèves maures est observée

envoi par avion de renforts à Aioun et Kaédi

garde des Ambassades

- radio-Mauritanie fait état « d’un certain nombre de blessés » et « d’une agitation dans les établissements scolaires du second degré et des bagarres qui s’en sont suivies »

- couvre-feu de 18h30 à 07h à Nouakchott

 

10 Février 1966       

circulaire du ministre de l’Intérieur sur les groupements et publications illicites

 

10 Février 1966       

- le Chef de l’Etat signe des décrets

nommant Moustapha Ould Mohamed Salek « jusqu’à nouvel ordre, comme responsable du maintien de l’ordre à Nouakchott » ;

fixant les dispositions en vue d’assurer le maintien de l’ordre ;

fixant les mesures prises pour assurer le maintien de l’ordre à Kaédi

Hamada Ould Zein, directeur de la Fonction publique

Tidjane Kane, commandant de cercle de l’Adrar par intérim

- dans la capitale, les forces de l’ordre ont la situation en mains ce qui n’empêche pas des règlements de comptes individuels

- le reste du pays est calme

 

11-16 Février 1966  

séjour à Nouakchott d’une mission de bonne volonté guinéenne, conduite par le secrétaire d’Etat à la présidence ; elle est reçue par le Chef de l’Etat et le ministre de la Défense et des Affaires Etrangères

 

11 Février 1966       

dans la soirée, une quarantaine d’arrestations est opérée, touchant les deux communautés dont les « 19 »

 

12 Février 1966       

- à Kaédi, incendie de hangars appartenant à des Maures

- départ de la mission folklorique chinoise

- prise de position de 19 étudiants maures à Paris :

« attachement aux institutions de la République une et indivisible » ;

opposition « à toute forme de fédération » et à toute « distinction entre les deux ethnies

 

13 Février 1966       

communiqué de l’U.T.M. soutenant le Chef de l’Etat : « réaffirment le soutien indéfectible de l’U.T.M. au président Moktar Ould Daddah symbole de l’unité nationale, et l’assurent ainsi que le Gouvernement de son appui sans réserve pour trouver dans le cadre national une solution qui sauvegarde la coexistence harmonieuse des deux ethnies »

- bagarres à M’Bout

 

15 Février 1966       

- au Ksar de Nouakchott, le Chef de l’Etat déclare au cours d’un rassemblement populaire

« la haine raciale, chose que notre pays n’avait jamais connue auparavant »

« la loyauté inébranlable, la fermeté solide de notre jeune armée, de notre jeune police »

« la Mauritanie est une et indivisible…quiconque se livre ou se livrera à une activité subversive raciale, anti-Parti, sera impitoyablement châtié, si haut placé qu’il soit »

« quand bien même il n’existe pas de parti d’opposition, votre militantisme doit être actif… Nous sommes tous responsables »

- à Maghama, heurts entre forces de l’ordre et manifestants

- à Atar, arrestation d’éléments marocains et mauritaniens venant du Maroc

 

17 Février 1966       

le Conseil des Ministres

. crée une direction de l’éducation des adultes au ministère de l’Education nationale ;

. supprime les bourses des étudiants mauritaniens qui, stagiaires à Dakar, s’étaient déclarés dans une « lettre ouverte » solidaires des « 19 »

 

19 Février 1966       

un rapport sur les évènements des 9-10 Février (rédigé par Mohamed Ould Daddah, Kone Ali Bere, Ahmed Bazeid Ould Ahmed Miske et Ahmedou Ould Moichine) recommande :

. sur le plan judiciaire, tribunaux d’exception, ceux qui ont provoqué la division par leurs écrits ; tribunaux ordinaires : auteurs d’actes de violence

. sur le plan politique « définition du rôle et du contenu du Parti pour le renforcer par un retour à la démocratie interne… & définition claire des données de base sur lesquelles portent le débat »

 

21 Février 1966       

- le Chef de l’Etat reçoit ensemble (ce qui est contraire à son habitude) cinq ministres à qui il fait connaître sa décision de les libérer de leurs fonctions ;

- le Président de la République forme un nouveau Gouvernement dont ne font plus partie

ni Mohamed Ould Cheikh, responsable de la Défense depuis 1961 ;

ni Ahmed Ould Mohamed Salah, membre du Gouvernement depuis 1961 et chargé de l’Intérieur depuis 1962

 

[v] - conférence des cadres en Janvier 1964 pour résoudre la crise survenue au sein du B.P.N. en Octobre 1963 à propos de l’application au fonctionnement financier de l’Assemblée nationale des décisions du congrès de Nouakchott : elle se transforme en congrès extraordinaire du Parti

 

[vi] - 1er congrès ordinaire du Parti : Mars-Avril 1963, les parlementaires composent la majorité du nouveau B.P.N.

 

[vii] - quand on dit alors le Rio, il faut entendre toute la possession espagnole, et donc aussi la Seguiet El Harmra