Raphaël Sourt, le directeur Afrique pour la communication de Tasiast: "Tasiast doit devenir rentable afin de préserver le futur de la mine et protéger les emplois mauritaniens"

6 August, 2015 - 18:16

Dans une interview accordée à des medias mauritaniens, le Directeur Afrique pour la Communication, Raphaël Sourt, discute de la situation actuelle de TMLSA et explique les raisons de la nécessaire réduction des coûts d’exploitation à Tasiast afin de préserver le futur de la mine et la majorité des emplois des Mauritaniens y travaillant. 

 

Q : Quelle est précisément la situation actuelle de TMLSA? Vous avez indiqué à plusieurs reprises que le coût des opérations était trop élevé. Quel est le coût de production d’une once d’or à Tasiast ?

 

Tasiast est une opération non rentable depuis un certain tempsdéjà. Le prix assez bas actuel de l'or a encore davantage aggravé la situation avec des coûts de production supérieurs au cours de l’or. 

 

En 2014, nos coûts pour extraire le minerai et le traiter s’élevaient à 325 000 UM l’once (1000 USD l'once). En plus de cela, il faut ajouter plus de 80 milliards UM (248 millions USD) de dépenses liées à la gestion administrative tels les ressources humaines, la finance/comptabilité, la gestion du parc informatique ainsi que les coûts d'exploration et les coûts pour déplacer la roche stérile afin d'atteindre le gisement aurifère.

 

Cela signifie que la Société dépense plus d’argent pour opérer Tasiast qu'elle n’en génère par la vente de l'or produit par la mine; et ceci en dépit de tous les efforts déployés afin de réduire nos coûts. Entre 2011 et 2014, TMLSA a généré 390 milliards UM (1,2 milliards USD) de recettes provenant de la vente d’or mais a dépensé 1040 milliards UM (3,2 milliards USD) en investissements et en dépenses courantes sur les opérations. Cette année, la situation est encore plus difficile avec la fluctuation du prix de l'or qui a chuté à moins de 357700 UMl’once (1100 USD l’once).

 

Cette situation n’est pas tenable et menace la viabilité des opérations de Tasiast et les emplois de tous les salariés et fournisseurs travaillant à la mine.

 

 

Q : Pour quelles raisons avez-vous des coûts de production aussi élevés?

 

Il y a principalement deux raisons. 

 

Tout d'abord, nous opérons un gisement aurifère qui est de plus en plus difficile et coûteux à exploiter. Il y a déjà des années que les gisements de surface facilement exploitables ont été épuisés.Nous devons extraire de plus en plus de roche stérile pour atteindre le minerai contenant de l’or. De plus, la teneur en or des dépôts actuels est inférieure à celle des gisements de surface.Actuellement à Tasiast, nous obtenons seulement 2 grammes d'or par tonne de minerai extrait. Et nous obtenons ces 2 grammes à la suite d’un processus long, complexe et coûteux pour récupérer l'or après que le minerai ait été extrait. Le minerai est concassé en particules fines puis mélangé dans différentes solutions dans des réservoirs. En 2014, nous avons dû extraire 16 millions de tonnes de minerai pour produire au final 260 000 onces, soit l'équivalent d'un peu plus de 7 tonnes d'or.

 

La deuxième raison est due à la capacité de production limitée de l’usine actuelle qui traite 7000 tonnes par jour. Pour que Tasiast soit viable à long terme, nous devons faire deux choses :réduire les coûts et augmenter la production. TMLSA avait prévu d’agir en ce sens en investissant dans une nouvelle usine d’une capacité de traitement de 38 000 tonnes par jour pour remplacer l’usine actuelle. 

Malheureusement, la forte baisse du prix de l'or a forcé la Société à repenser sa stratégie et à reporter indéfiniment ce projet d'expansion qui nécessitait un investissement important de l’ordre de plus de 520 milliards UM (1,6 milliard USD) pendant la période de construction de 3 ans.

 

Compte tenu du prix actuel de l'or, il est probable que tout nouvel investissement pour accroître la production de Tasiast aura comme condition sine qua none un programme effectif de réduction des coûts et une reprise soutenue du prix de l'or.

 

 

Q : Lorsque le prix de l’or a atteint des niveaux record en 2011, l’entreprise a réalisé des bénéfices importants. Comment se fait-il qu’elle soit dans une situation difficile aujourd’hui ?

 

Lorsque le prix de l'or était élevé, Kinross a fait d'importants investissements en infrastructures et équipements à Tasiast pour préparer le projet d’expansion de l'usine. Kinross a dépensé beaucoup d'argent pour préparer au mieux l'avenir de la mine. Malheureusement, depuis 2012, l'or a perdu plus de 30% de sa valeur. De ce fait, dans le contexte actuel du prix de l’or, la Société a pris la décision au début de l'année de reporter le projet d'expansion, car nous nous n’aurions pas été en mesure de financer la construction de la nouvelle usine.

 

Parce que nous ne contrôlons pas le prix de l'or et nous ne savons pas comment le cours va fluctuer dans les mois et années à venir, la Société a besoin de réduire ses coûts d'exploitation et d’économiser de l'argent pour être en mesure de faire face au contexte économique actuel. Ceci ne concerne pas uniquement Kinross. Avec le contexte actuel du prix de l'or, toutes les sociétés aurifères renforcent leur bilan financier pour être en mesure de résister à une autre baisse du cours de l'or.

 

 

Q : TMLSA a indiqué la semaine dernière que différentes options étaient à l’étude pour réduire les coûts de production, ce qui pourrait éventuellement signifier des licenciements économiques. Ne pouvez-vous pas trouver d’autres solutions pour éviter ces licenciements ?

 

Nous avons indiqué aux délégués du personnel que plusieurs mesures avaient déjà été mises en œuvre pour réduire les coûts. Par exemple, les expatriés ont été les premiers touchés par la réduction des coûts. 30 postes expatriés ont déjà été supprimés depuis le début de l’année et d’autres postes seront supprimés dans les mois à venir. Au total, de 2013 à 2015, nous aurons graduellement réduit le nombre d’expatriés de près de 70%.D’un point de vue régional, au bureau de Las Palmas, nous avons également entrepris des réductions d’effectifs avec une réduction du nombre d’expatriés.  Enfin, nous sommes également en train de réduire le nombre et la taille de nos contrats avec nos fournisseurs et sous-traitants.

 

Cependant, ces efforts ne se sont pas suffisants pour effectuer les économies substantielles nécessaires afin de préserver l'avenir de la mine. De ce fait, de nouvelles mesures doivent être envisagées pour réduire nos coûts et rendre la mine rentable.Différentes options sont à l’étude, y compris la réduction des coûts liés à la main d’œuvre et donc potentiellement une réduction d’effectifs.

 

La possibilité de se séparer d’employés est toujours une décision difficile pour toute société et nous considérons cette option comme un dernier recours. Nous avons conscience que c’est une nouvelle difficile à entendre pour nos employés. 

 

Ceci dit une réduction d’effectifs peut s’avérer nécessaire car nous avions initialement mis en place une main d’œuvre destinée à soutenir une production pour une usine de traitement de 38 000 tonnes par jour. Cependant, avec la suspension du projet d’expansion, nous devons désormais utiliser moins d’équipement et donc moins de main d’œuvre pour opérer la mine.

 

 

Q : Plutôt que de réduire les coûts sur la main d’œuvre mauritanienne, pourquoi ne fermez-vous pas les bureaux de Las Palmas et de Nouakchott?

 

Les bureaux de Las Palmas et Nouakchott sont essentiels pour soutenir nos activités. Nous avons déjà réduit les coûts sur le bureau de Las Palmas et nous allons continuer à réduire les coûts sur ces deux sites, mais nous ne pouvons pas les fermer.

 

Le bureau de Las Palmas n’est pas uniquement dédié à Tasiast. Il n’est pas une antenne de Tasiast. Las Palmas est un bureau régional qui soutient les opérations de Kinross en Afrique de l’Ouest, y compris notre mine au Ghana, notre programme d’exploration sur la région et assure la gestion du réseau de fournisseurs de Kinross au niveau régional.

 

Concernant le bureau de Nouakchott, une réduction d’effectifs y est également envisagée. Cependant, nous avons besoin d’un centre opérationnel à Nouakchott pour la gestion des relations avec le Gouvernement, pour la fiscalité, les droits de douanes et la logistique. 

 

 

Q : Pourquoi ne pas mettre fin au régime des heures supplémentaires à Tasiast pour sauver des emplois?

 

Mettre fin aux heures supplémentaires ne permet pas de sauver des emplois mais au contraire menacerait l’ensemble des salariés. Tasiast doit être rentable et pour cela nous devons continuer à extraire et produire le plus d’or possible au coût le plus bas. Cela requiert un haut niveau de productivité avec un minimum de temps perdu au niveau des employés. 

 

Les postes de travail de 12 heures permettent de maximiserl’utilisation des équipements et des ressources humaines. Si nous y mettons fin, la productivité diminuera et à la place d’engendrer des économies cela coûtera davantage à la Société, la plaçant dans une situation financière encore plus difficile.

 

 

Q : Avez-vous déjà pris une décision concernant un éventuel plan social?

 

Le 27 Juillet, TMLSA a officiellement lancé un processus de consultation avec les délégués du personnel afin d’évaluer les différentes options pour réduire le coût d'exploitation de la mine de Tasiast. Dans son courrier, TMLSA a informé les délégués que la gravité du contexte économique auquel la mine est confrontée nécessite un effort rigoureux pour réduire les coûts. Par conséquent, l'une des options à l'étude serait une possible réduction d’effectifs. 

 

En conformité avec le Code du travail mauritanien, la période de consultation avec les délégués du personnel durera 15 jours. A l'issue de cette période, les commentaires et suggestions des délégués et les réponses de TMLSA à ceux-ci seront transmis à l'inspecteur régional du travail afin de faire l’objet d’un rapport.La Société communiquera au moment opportun les conclusions de cette consultation.

 

 

Q: Quel est l’avenir de la mine? Est-ce que vous envisagez toujours de faire une extension ?

 

Nous sommes engagés avec détermination dans nos activités en Mauritanie et pour assurer la viabilité à long terme de la mine ainsi que poursuivre  le soutien continu que nous apportons aux communautés locales. Cependant, Tasiast doit être une opération rentable, et pour cela nous devons réduire considérablement nos coûts d'exploitation.

 

En ce qui concerne une possible future expansion, Kinross continuera d’évaluer les opportunités d’investissements et d'acquisition sur le marché ainsi que ses capacités opérationnelles et financières. Cela permettra à Kinross, en supposant que le prix de l’or remonte, de déterminer la faisabilité et les avantages relatifs à une expansion future de Tasiast.

 

 

Q: Que se passera-t-il si le prix de l’or continue de baisser?Fermerez-vous la mine?

Si le prix de l'or continue de baisser, nous aurons besoin de mettre en œuvre les ajustements nécessaires. Cela dit, nous sommes résolument engagés dans nos activités en Mauritanie et nous faisons le maximum pour faire de Tasiast une mine rentable et viable.

Toutefois, si nous ne pouvons pas générer des profits et une trésorerie positive au niveau de nos mines, nous pourrions considérer de prendre la décision très difficile d'arrêter une opération. Une telle décision ne serait pas prise à la légère. Mais il est absolument nécessaire que la mine de Tasiast devienne une opération rentable.