Nouakchott : Paradoxal

22 July, 2015 - 16:31

Les embouteillages de Nouakchott sont légendaires. Ils font même l’objet d’anecdotes parfois si croustillantes que certains en sont devenus des spécialistes. Tu en entends de toutes les couleurs et de toutes les extravagances. Les automobilistes de Nouakchott doivent être parmi les plus difficiles à régenter au monde. Surtout en période de fêtes pendant lesquelles tout le monde se transforme en taximen. Il ya les « pros » avec leurs vieux tacots attachés de toutes parts. Là, c’est toutes les marques de voitures possibles et imaginables. Toyota. Mercédès. Peugeot. Mazda. Ford. Golf. Et autres. Bennes. Remorques. 505. Il ya les hommes des corps constitués. Les intouchables. Les Sans papiers qui se croient tout permis. Ni vignette. Ni assurance. Ni carte grise. Parfois ni permis. Rien. L’irremplaçable : « Ane sandri » : Moi je suis un militaire. Don très au dessus de la loi. Sacrés militaires. Toujours au dessus de tout. Les petits comme les grands. Rappelez vous un certain 6 août 2008 lorsque l’ancien président Sidi Ould Cheikh Abdallahi a démis le général Aziz. « Ane sandri, Monsieur le président ». Et c’est à cause de cela qu’on est dans une situation politique, sociale et économique peu enviable. A cause des Snadras. Tous au dessus de la loi. Ceux là font le taxi à tout moment et vont là où ils veulent aller en tout sens. Pour eux, pas de sens interdits. Pas de feux rouges. Pas de restriction. Ils roulent sur toutes les lignes….indéfiniment. Si d’aventure un agent du groupement ou de la police essaie par imprudence de faire régner un quelconque ordre qu’un sandri a perturbé, attention les coups peuvent venir de partout. Enfin, il ya les taximen occasionnels constitués de tout : des anciens retraités de toutes les fonctions, des fonctionnaires en activité : instituteurs, professeurs, inspecteurs, employés ordinaires de tous les ministères et parfois responsables fauchés en pleine « pauvreté » du mois. Les embouteillages font monter la tension. En cela, certains carrefours sont devenus particulièrement célèbres. Le carrefour de la clinique qui pullule de petits voleurs, surtout aux heures de pointe (8h, 14 heures et dix sept heures). Le carrefour Madrid où les usagers peuvent passer au moins une bonne heure pour traverser la tête complètement nouée. Trois autres carrefours (Bakar, Yéro Sar et El Bourour) ravissent la vedette à tous les autres pour une raison très simple. Au niveau de ces croisements, les superviseurs de la circulation sont particuliers. Au carrefour Bakar du nom de cet ancien policier victime d’un traumatisme à la suite d’un accident, le gros gourdin de celui-ci est dissuasif. Quand il est là, tout est impeccablement tenu en ordre. Les rares insolents qui n’obtempèrent pas aux injonctions de Bakar sentent son gros bâton sur le capot ou la malle arrière de leur voiture. Au niveau de Yéro Sar, c’est un autre déficient mental qui régule la circulation. Sans faute. Avec rigueur. Avec patience. C’est comme ça qu’il gagne sa vie en s’improvisant agent de l’ordre public. Parfois l’un de ses familiers usagers lui glisse quelque chose. Au carrefour El Bourour d’El Velouja (qui a lui aussi son histoire) c’est généralement deux ou trois jeunes en boubou, qui organisent les voitures, surtout aux environs de 20 heures où des centaines d’automobilistes choisissent d’aller dans les gazras et autres quartiers populaires plus aérés et plus attrayants. Paradoxalement, c’est au niveau de ces trois carrefours que les choses marchent normalement puisque les usagers respectent les décisions de leur gestionnaire. Alors que dans les autres carrefours où la police et le GGSR se déploient, c’est généralement la pagaille, le désordre et parfois même les anicroches. Un paradoxe qui en dit long sur la crédibilité de l’Etat.

 

Sneiba.