Abderrahmane Ould Ahmed, rescapé civil d’Inal

4 July, 2015 - 17:31

“Si les  rescapés  ou victimes  harratines ont été oubliés ou ignorés, c’est parce qu’ils considérés par l’Etat et  ses  tortionnaires  comme des descendants d’esclaves »

Abderrahamne Ould Ahmed,  l’un des rescapés  civils harratines des  massacres d’Inal, des années 1990/91 a tenu le vendredi 3 juillet au siège de la CLTM, un point de presse au cours duquel il est revenu largement sur les horreurs qui se sont produites sous ses yeux, les tortures et les massacres perpétrés par  la soldatesque d’Ould Taya, contre les militaires négro-mauritaniens,  dans la garnison d’ Inal, au nord du pays.

Arrêté par la police,  en 1990 à Nouadhibou alors qu’il dirigeait la société de représentation  et de nettoyage industriel, Abderrahamane Ould Ahmed, 55 ans passés, est conduit avec d’autres compagnons d’infortune à la garnison d’Inal. « Là, on nous a parqués comme du bétail dans des hangars et autres cellules; nous avons subi toutes sortes de tortures de la part de nos geôliers qui rivalisaient en zèle,  j’ai vu  poignarder des hommes, les écraser et les écarteler entre des voitures… c’était horrible,  même les israéliens n’ont pas fait pire.»

Le rescapé  rappelle les crimes commis  contre les négro-mauritaniens, entre 86 et 91. 3000 arrêtés, torturés. Sur les 256 conduits à Inal, seuls 96 en sortiront vivants  avant de mourir pour certains des suites de sévices, affirme Ould  Ahmed entre deux sanglots. Et parmi  les  victimes  et  survivants,  il y a quelques harratines dont  des survivants  civils comme  Brahim Ould Vilkarka et Maouloud Ould Nouhoum et moi-même qui sont des oubliés, dont personne ne parle. Si les rescapés harratines ont été oubliés  ou ignorés, c’est  parce qu’ils sont considérés comme des descendants d’esclaves.

 Pour leur mémoire et contre l’injustice, j’ai décidé de me battre. Mais mon combat est global, il concerne l’ensemble des victimes de « cette  période noire du pays ». « Je suis prêt à y laisser ma vie ».  Et ce ne sont pas les menaces  de la DGSN  et des autres tortionnaires  qui se promènent encore   impunément  en Mauritanie qui m'en empêcheront, avertit Ould Ahmed.

Après sa sortie de l’enfer d’Inal, après 150 jours de calvaire,  le rescapé civil plonge dans un long silence. Ses parents l’avaient considéré comme mort, son épouse se remarie,  ses biens hérités.  Un silence qu’il mettra à profit pour se soigner : « Je porte toujours les séquelles physiques de la torture ». Et  d’engager le combat pour la justice. Un combat mené désormais, depuis 2015  sur le front africain et international. « Face au refus des autorités mauritaniennes   d’ouvrir une  enquête sur  ce qui s'est véritablement passé dans les casernes  à cette époque, de recevoir les plaintes  des ayants droits des victimes , des rescapés,  j’ai décidé  de saisir la Cour africaine des droits d l’homme et des Peuples,  l’office  des nations unies à Genève et d’autres institutions de droits,  et nous sommes convaincus qu’avec l’appui  des organisations de défense des droits de l’homme , la Mauritanie finira par céder, par accepter la justice soit dite ».  C’est dans ce sens qu’il a lancé un appel  à l’ensemble de ceux qui luttent pour qu’enfin  la vérité éclate sur cette épisode sombre de l’histoire du pays  à joindre leurs efforts face  à un « pouvoir qui protège les bourreaux. »  L'homme a déjà reçu quelques appuis des institutions internationales.

A la question de savoir s’il a pu bénéficier de dédommagements  comme certaines victimes civiles et militaires, Abderrahmane Ould Ahmed  explique qu’il est contre toute forme de dédommagements, appui ou aide de la part de l’Etat qui ne passe pas la  justice. J’ai tout perdu, mais pour autant je ne cours pas derrière des miettes ou aumônes de l’Etat, je ne veux pas  que de tels actes ignobles restent impunis.

Au cours de ce point de presse, Ould Ahmed a annoncé qu’il tiendra un sit-in devant le siège des nations unies à Nouakchott  pour  dévoiler son action et faire connaître le combat qu’il mène avec l’appui de quelques amis comme Samory Ould Beye, président du Mouvement El Hor, présent  au point de presse, le président du parti Arc-En-Ciel, M. Balas et  quelques cadres de son parti.