Don de sang : Les Mauritaniens sont-ils de bons donneurs ?

2 July, 2015 - 03:57

La Mauritanie a célébré, comme partout dans le Monde, la Journée internationale du Don de sang. Un geste citoyen qui permet de sauver des vies. Le thème du jour était justement « Le don de sang sauve la vie ».  A cette occasion, Le Calame s’est posé la question de savoir si les Mauritaniens en sont de bons ou mauvais donneurs.

Offrir un peu de son sang à ceux qui en ont besoin – Dieu sait qu’il n’en manque pas ! – de l’avis des spécialistes, les mauritaniens s’en acquittent volontiers. Individuellement ou en groupe. « La culture du don de sang  évolue chez nous », signale le professeur Mohamed Abdallahi ould Bellahi, directeur du Centre National de Transfusion Sanguine (CNTS). Les Mauritaniens donnent donc de leur sang. « Pour en arriver là », fait remarquer le directeur du CNTS, « il a fallu se  mobiliser et sensibiliser fortement les populations ». Une action qui doit se poursuivre quotidiennement, avec les moyens audiovisuels, dans les foyers, dans les établissements scolaires, dans les mosquées et tout autre  regroupement humain. Le sang ne connaît pas plus de barrières sociales, que culturelles, ethniques ou religieuses. Une fatwa de Cheikh Dedew est d’ailleurs venue conforter la position des pouvoirs publics.

 

Atteindre 1% de donneurs

La Mauritanie s’est fixé, comme objectif de donneurs, 1% de sa population. On en serait, actuellement, entre 0,5  et 0,6 %. Mais l’optimisme reste de mise, pour le directeur du CNTS, dans la mesure où les chiffres sont en constante évolution. Entre 2002 et 2014, le nombre de donneurs est passé de quatre mille à dix-huit mille. Et, pour les cinq premiers mois de l’année en cours, sept mille huit cent cinquante personnes ont déjà donné de leur sang.

Si l’offre augmente, la demande aussi. Des structures médicales grandes consommatrices, comme le Centre National d’Oncologie (CNO), le Centre National de Cardiologie (CNC), l’hôpital Mère et Enfant ont vu le jour. Les stocks sont donc sous forte pression. « Tenez », illustre Mohamed Abdallahi, « il est déjà arrivé qu’un unique patient ait absorbé, à lui seul, dix-huit poches de sang ! Heureusement qu’on a réussi à le sauver ! » Cette nécessité de renouveler constamment  le stock fonde l’urgence, pour les Mauritaniens, de répondre à l’invite du CNTS, afin de satisfaire, par leur généreux geste, les besoins pressants des patients.

 

Un système bien huilé

Au CNTS, les demandeurs  se présentent, tout au long de la journée, pour se procurer des poches de sang. C’est gratuit. L’Etat en prend le coût à sa charge, il en a exclu, dès le départ, la vente, même à prix symbolique. Il suffit, pour en acquérir x poches, de se présenter au CNTS, muni d’un bon dûment signé par un médecin d’une structure habilitée, et de fournir un nombre équivalent de donneurs, pour remplacer la quantité prélevée, afin de maintenir, en permanence, le stock à son niveau normal, en prévention de toute situation d’urgence. Venant de l’intérieur du  pays et ne connaissant personne à Nouakchott, les prétendants peuvent parfois ne pas remplir cette exigence, le CNTS répond alors cas par cas, selon l’urgence.

Les donneurs sont accueillis au service de collecte où des agents du centre procèdent à des prélèvements du précieux liquide, afin de dépister d’éventuelles maladies graves, transmissibles par le sang, comme l’hépatite virale B et C ou le VIH, grâce à de puissantes machines aux normes internationales. Le don est ensuite séparé en globules rouges, plaquettes et plasma puis conservé ; le premier lot à moins de 4°C durant un mois ; le second, cinq jours, à 22°C, avec agitation constante, et le troisième, un an, à 80°C. Les donneurs bénéficient d’une collation après leur geste. Manipuler et conserver le sang étant très délicat, pour ne pas dire risqué, le centre est doté d’un matériel technique parfaitement étudié et approprié.

Les groupes sanguins :

Les groupes sanguins, au nombre de quatre (A, B, AB et O) définissent des catégories d'individus suivant la variété d'antigènes et d'anticorps qui sont contenus dans leur sang. Le groupe O quant à lui, se caractérise par l'absence de ces deux types d'antigènes (mais la présence des deux types d'anticorps). 

Les personnes du groupe O- sont « donneurs universels », mais ne reçoivent du sang que des personnes du même groupe.

Les personnes du groupe AB+ sont receveurs universels et ne peuvent donner du sang qu'au groupe AB+. Le don du sang permet de connaître son groupe et répondre par conséquent aux appels d’urgence d don.

Le CNTS distribue entre 25 et 35 poches/j. Un malade peut avoir besoin de 2 à 3 poches.

En Mauritanie, le  O+ est très dominant, il est suivi du A+ puis B+…

Le CNTS dispose également d’un camion mobile  laboratoire dans lequel peuvent s’effectuer des prélèvements, des dépistages…partout à Nouakchott et à l’intérieur du pays. Un camion acquis sur le budget de l’état.

Le CNTS dispose également d’un camion mobile laboratoire où peuvent s’effectuer prélèvements et dépistages, partout à Nouakchott et à l’intérieur du pays. Un camion acquis sur le budget de l’Etat. Les globules rouges sont utilisés pour pallier aux hémorragies ainsi qu’aux anémies, tandis que les plaquettes sont utilisées dans le traitement des hémorragies et prévention des déficits en plaquettes. Le plasma est une matière première pour les soins directs et la préparation des médicaments dérivés du sang ; enfin les globules blancs permettent de lutter contre les infections graves résistantes à une antibiothérapie adaptée. « Pour accomplir sa mission, le CNTS dispose d’un personnel qualifié et suffisant », déclare son directeur. Dans le cadre du renforcement des capacités de son personnel, des partenariats sont noués avec des structures similaires de Tunisie, Maroc, Algérie et France. Celui avec le Sénégal est en phase de finalisation.

 

Donner du sang, c’est bon pour la santé !

Une personne peut donner, en une fois, entre 400 et 450 ml, à condition qu’elle soit bien portante, suivant avis du médecin. Elle doit être âgée entre 18 et 70 ans. Un homme peut donner quatre fois l’an et une femme trois fois. En Mauritanie, les hommes seraient plus généreux que les femmes : 80% des donneurs sont des hommes. Mais les habitudes commencent à changer, surtout du côté des étudiantes. Le don de sang profite à tous, particulièrement aux femmes enceintes atteintes d'hémorragies, aux malades atteints d'insuffisances rénales, aux patients subissant des opérations chirurgicales ou anémiées ou, encore aux hémophiles et autres usagers réguliers du CNO. Le don de sang ne doit nuire ni au donneur ni au receveur. « C’est la règle d’or », fait remarquer le directeur du CNTS. Et rapporte, dans les faits, aux deux. Car, en plus de sauver la vie d’autrui, le don de sang régénère, chez le donneur, la production de globules rouges, synonyme de plus d’énergie. Les donneurs réguliers éprouvent, ainsi, moins de risques cardio-vasculaires.

 

Des locaux trop exigus

Malgré l’enjeu et la mission, le CNTS, fondé il y a treize ans, se heurte à un certain nombre de problèmes dont « le plus urgent reste celui des locaux », affirme son directeur. Ils sont trop exigus ; on peut même voir des appareils encombrant dans le seul couloir du bâtiment. Le laboratoire et l’administration cohabitent dans le même bloc, ce qui empêche le développement d’autres actions, notamment la mise en place d’un laboratoire de STO-compatibilité, permettant de faire face aux nombreuses insuffisances rénales en Mauritanie. On pourrait, avec cet outil, préparer des produits adaptés pour le don et la greffe d’organes (rein). Un plaidoyer est poursuivi auprès du ministère de la Santé, pour l’extension du centre. L’espace existe et le dossier serait en bonne voie.

Dalay Lam