Visites présidentielles

18 June, 2015 - 01:50

En quelques semaines, le président Mohamed Ould Abdel Aziz a parcouru plus de la moitié du pays. Tout l’Est, une partie du Centre et le Sud. Partout où il est passé, c’était pratiquement les mêmes scènes de ferveur, la même mobilisation populaire, les mêmes sons et les mêmes couleurs. Côté jardin, les cadres de tout le pays allaient là ou allait leur président. Les administrations étaient totalement abandonnées. Paralysie générale dans tous les services publics. Côté cour, c’est le branlebas d’une dizaine de ministres accompagnateurs, d’une panoplie de conseillers, chargés de mission et impressionnantes forces de l’ordre, pour assurer la sécurité présidentielle. Dans toutes les wilayas visitées, le rituel était le même : visite d’un établissement scolaire, d’une structure de santé et réunion avec les cadres. Pas de soirées artistiques. Juste un petit avion, pour transporter son Excellence de village en village. Peut-être que les frais qui auraient servi à égayer la délégation ont servi à assurer les tonnes de kérosène du petit hélicoptère présidentiel. Si l’on y ajoute les nombreuses 4X4 (V8 et autres), on comprendra, peut-être, que les visites de Mohamed ould Abdel Aziz ne sont pas plus austères que celles d’un certain Maouiya ould Sid ‘Ahmed Taya. A part quelques petites fausses notes : Les zéros de Zouérate, les militants discourtois d’IRA à Aleg, la bruyante femme de l’Est réclamant l’eau et qui n’est pas, aux dernières nouvelles, encore morte de soif, les bidons vides exhibés quasiment à toutes les étapes, les banderoles de réclamation des habitants de Wad Amour, Bababé, Boghé et Dar El Barka ; tout s’est relativement bien passé. Dans ses réunions avec les cadres, le président Mohamed ould Abdel Aziz a promis des solutions à tous les problèmes. Il est même arrivé qu’il instruise publiquement ses ministres, pour régler tel ou tel problème. Les aliments de bétail sont de bonne qualité. Des tests leur ont été imposés en laboratoire. Le pays se porte bien, économiquement, politiquement, socialement. L’Etat est plus fort que les groupes, que les communautés et les individus. Un véritable paradoxe, puisque toutes les visites ont démontré la force et l’ancrage de la tribu, des groupes et des notabilités. Dans tous les accueils, la notion de l’Etat fut totalement absente, au profit de l’hégémonie tribale et de la puissance des groupes. Dans chaque wilaya, le Président a procédé à quelques inaugurations : une salle de classe, un point de santé, une bretelle de quelques kilomètres ou un forage. Comme attendu, les initiatives ont ravi la vedette à tout. Initiatives de soutien à l’action du président. Initiatives réclamant un troisième mandat. Initiative des « Fidèles », Initiative du parachèvement du processus pour recueillir un million de signatures pour un troisième mandat, initiative pour qui la Constitution n’est pas plus du Coran que du Hadith. Entre tout ça, un président changeant de saharienne et de képi de soleil, tendant, mécaniquement, la main à une foule cosmopolite dont des ministres, hauts fonctionnaires, élus et oulémas qui ne semblent avoir comme préoccupation que de se faire bien remarquer. Manifestations carnavalesques. Forte mobilisation populaire. Nombreuses promesses aux populations. Officiellement, le Président voulait se renseigner sur les conditions de vie des populations rudement affectées par les conséquences d’un mauvais hivernage. Officieusement, il voulait, peut-être, prendre le pouls de sa popularité, dans la perspective d’un nouveau quelque chose. En tout cas, les visites du président Mohamed ould Abdel Aziz, dans huit des douze wilayas du pays, n’ont rien eu de spécial. En haut en haut. En bas en bas. Seul Allah sait. Attendons de savoir. « Celui qui se dissimule avec les jours est nu », dit la célèbre adage.