Enrôlement : l’ANRPTS est-elle en train d’assouplir ses « critères » ?

18 June, 2015 - 01:49

Au cours de  sa tournée à l’intérieur du pays, le Président était accompagné du ministre de l’Intérieur et du tout-puissant administrateur directeur général de l’Agence Nationale de Recensement des Populations et des Titres Sécurisés (ARNPTS), M’Rabih ould El Wely. A M’Bagne, le ministre et l’ADG ont tenu une réunion avec les élus et les chefs des centres d’accueils des quatre communes du département. L’objectif était d’« ordonner », aux responsables des Centres d’Accueil des Citoyens (CAC) d’assouplir les « critères » d’enrôlement en usage depuis la fondation de l’ANRPTS et qui ont laissé sur le carreau beaucoup de citoyens. Des critères auxquels les chefs de centre ajoutent souvent leur humeur, le faciès de l’enrôlé et la corruption. Les pauvres gens ne savaient plus où donner de la tête. A M’Bagne, il faut ajouter l’absence, récurrente, de cadi, pour dresser des jugements.

Selon le maire de Niabina-Garlol, le ministre de l’Intérieur aurait dit, aux représentants des populations et à l’administration, que le président de la République a pris le pari de faire recenser tous les Mauritaniens, d’ici 2019. Est-ce une réponse à l’une des plus relayées doléances des citoyens ? Partout où il est passé, le Président a, de fait, entendu moult revendications sur l’enrôlement. Au-delà de leur contentement à l’annonce du ministre, les maires n’ont pas manqué de déplorer la façon dont les chefs des CAC se comportent  vis-à-vis du public.

Au sortir de la réunion, les élus municipaux mettent en place une stratégie. « On procédera par groupe », explique Baila Dia, « pour chaque commune et pour chaque village : d’abord, ceux qui disposent d’un document d’état-civil ancien et dont les parents ont été recensés ; ensuite, ceux qui n’en disposent pas, alors que leurs parents en possèdent, et, enfin, ceux qui n’ont aucune référence et leurs parents de même ». Une commission de supervision par les élus, sera alors mise à contribution, pour servir, en quelque sorte, de « caution ». Chaque commune désignera un représentant qui aura à témoigner sur l’authenticité de la citoyenneté du prétendant. Le village se chargeant de procéder au recensement de toutes les situations en son sein.

Il y a, cependant, un hic. Des parents peuvent ne pas disposer de certificat de mariage dont l’obtention constitue un véritable parcours du combattant. Le cadi toujours absent, tandis que certains exigent des photos du couple, avant de délivrer le sésame. C’est dire que, de ce côté, il faut produire l’effort d’intimer l’ordre, au cadi, de rester à son poste ; sinon, d’affecter, en ces lieux, des cadis de la vallée, pour régler le problème de l’absentéisme et de la langue des fonctionnaires refusant de s’adapter et de servir dans cette partie de la Mauritanie.

Selon nos dernières informations, le nouveau cadi de M’Bagne tient permanence dans sa ville. Il serait donc facile d’accès et prompt à régler les problèmes. En attendant de passer à l’acte, les maires des quatre communes de M’Bagne se sont retrouvés chez leur doyen, Bâ Bocar Soulé, pour étudier un plan de sensibilisation de leurs administrés. Le maire de Bagodine les a incités à passer le message à tous, dans le cadre d’une tournée de remerciement des populations pour l’accueil qu’elles ont réservé au président de la République, et à se mobiliser pour permettre, à tous ceux qui ne sont pas encore recensés de s’y engager sans tarder : il faut battre le fer tant qu’il est chaud.

Cette décision des pouvoirs publics et de l’ANRPTS pourrait sortir de nombreuses familles de la vallée du désarroi. Trop de gens dont les ancêtres ont vécu sur cette terre de Mauritanie ont vu leur citoyenneté remise en cause par la décision de simples agents qui ont rejeté d’anciens papiers, pourtant délivrés par l’Etat qui est une continuité. Résultat des courses, de nombreux écoliers ont vu s’envoler leur espoir de passer des examens nationaux, parce qu’ils ne disposent pas de papiers d’état civil en bonne et due forme. C’était avant la rencontre avec le ministre. Depuis, les populations de la vallée semblent apprécier la nouvelle orientation des pouvoirs publics. Espérons, tout simplement, que leur espoir ne retombera pas avec la poussière du cortège présidentiel.

DL