Un dialogue national inclusif non piégé, vite !

9 April, 2015 - 01:30

« Messieurs, je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je mourrai pour défendre votre droit à le dire » (Voltaire).

 

Jamais, dans l’histoire de ce pays, les interrogations n’ont été aussi nombreuses sur tout ce qui touche à l’avenir et aux perspectives d’une nation qui, jusque-là, avait su faire face à toutes les incertitudes politiques, économiques et sociales , quels qu’en fussent les causes, les manifestations et les effets. Après tant de promesses non-tenues, tant de rendez-vous manqués, tant d’occasions ratées, la Nation étouffe, Ecoutez le peuple : « Le peuple à un bon fond et n’a point de dehors ; les Grands n’ont que des dehors et qu’une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas, je veux être peuple ». (Le Bruyère).

La vie politique, c’est des ruptures, des malentendus mais, aussi, des retrouvailles. Il y a un temps pour les querelles. Il y a un temps pour la division. Il y a un temps pour les rivalités. Mais il y a, aussi, un temps pour le dépassement, un temps pour la paix des cœurs et des esprits, un temps pour la réconciliation, un temps pour sceller l’unité, un temps pour le pardon et, pourquoi pas, un temps pour l’oubli. Aucun frère ne doit être un ennemi pour son autre frère ; tout au plus, un concurrent, pour un temps qui ne doit durer que celui d’une rose ; c’est-à-dire, celui de l’expression de ses désirs. Nous devons cesser de nous jeter des anathèmes, de nous diaboliser. Nous sommes un grand peuple, un grand pays, une grande nation attachée à la tolérance, à la paix, à la solidarité et au respect mutuel. Il est temps d’entamer un dialogue national inclusif sincère, entres le Pouvoir et l’Opposition… Le secteur privé, la société civile, la jeunesse, les intellectuels, les syndicats, tous doivent œuvrer à résoudre la crise politique, profonde, qui déchire le pays et éviter une escalade préjudiciable à la Mauritanie et à son avenir. Car le visage qu’affiche, dans le contexte actuel, la situation politique et sociale, est bien peu rassurant… Un climat lourd de tous les dangers, de toutes les remises en question des valeurs acquises de notre démocratie et de notre République. Autant de « fleurs du mal » qui « vertèbrent » la marche de la Mauritanie. Un dialogue national inclusif non-piégé peut bien alors constituer une voie curative, pour conjurer les démons du basculement dans une périlleuse aventure. Toutefois, l’engagement, dans ce dialogue au nom de la République, ne doit point se confiner à des trompe-l’œil axiologiques, des phraséologies dévoyées en ruses et sournoiseries, alors même qu’on s’abîme dans des nuits de longs couteaux. Il ne saurait aussi se résumer à des enflures verbales trahissant des élans de cœur. Un dialogue national ne saurait dériver vers une pensée unique, forcément furtive, même s’il y a lieu, du reste, de saisir notre grande ressemblance commune, au fond de nos petites différences. Et puis, ce dialogue national inclusif ne peut se consoler uniquement d’envolées lyriques sur la sauvegarde de la République, envolées enrobées dans des calculs d’épiciers politiques. C’est à une exigence de vérité qu’il doit convier les acteurs de la vie politique et sociale, qui doivent, eux, comprendre que la sève nourricière de toute démocratie, c’est, d’abord et avant tout, l’esprit de tolérance, la recherche du consensus, la cohabitation. Tous ont la même inspiration : éviter les déchirures morales, les affrontements brutaux, préserver l’unité de la Nation. Un Etat de droit mieux affirmé. La Mauritanie n’a pas seulement besoin d’une autre société : elle réclame une autre façon de faire de la politique. Dans une démocratie d’opinion, tout l’art de celle-là est de faire naître l’espoir, sans s’exposer à le décevoir. Car il est difficile de demander aux populations de se sacrifier, de participer à l’effort de développement, lorsqu’elles  voient que ceux qui sont au premier plan, ce sont les nuls et les médiocres, les opportunistes, les transhumants, les flatteurs, tous ceux qui ont tourné le dos à la saine compétition, à l’émulation, au culte du travail et de l’excellence, ceux qui fuiront, au premier coup de semonce, vers des pâturages plus verts. La démocratie est un objectif dont le chemin est pavé d’embûches. Elle exige un long apprentissage où l’on intériorise ses principes, on en fait une culture ; c'est-à-dire, une seconde nature. « On ne naît pas démocrate, on le devient ! » La Mauritanie va donc devoir trouver les voies qui vont faire, de la discipline et de la rigueur, les armes de la réussite économique et de l’expression démocratique. Les tâtonnements actuels sont le fruit de l’absence de voie claire. Il y a des hommes courageux, désireux de hisser le pays au niveau le plus élevé. Il y a des femmes et des jeunes pleins de créativité et d’énergie, il y a des sages pour nous rappeler nos racines et donner un soubassement culturel à nos actes. Mais il n’y a pas encore une pensée politique qui puisse ramasser les problèmes du pays en une formule, une doctrine capable de mobiliser tous les secteurs sociaux dans leur diversité, vers un but commun. Car, dans la phase actuelle, il est presque impossible de relever le défi de la pauvreté, sans un sursaut commun. Car il va falloir trouver les moyens de booster la productivité et la croissance, tout en répartissant leurs fruits de la manière la plus judicieuse, surtout aux plus démunis. Comment réaliser une telle ambition ? Voilà la question à laquelle les intellectuels, les politiciens, le secteur privé, les syndicats, doivent répondre. Alors, ils n’auront plus le temps de se quereller, ni de chicaner : car maintenant, nous sommes fatigués. Pouce ! « On peut rêver qu’un jour la vérité soit à la mode », a dit Raymond Queneau. Et certes : le jour où les Mauritaniens et leurs dirigeants auront, ensemble, des destins croisées, le pays sera sauvé.

 

Ahmed Bezeïd ould Beyrouck

chroniqueurbeyrouck@gmail.com

 

 

PS : Je ne suis ni de l’opposition, ni de la majorité présidentielle. Je suis ailleurs.